Elle avait toujours eu du mal à se lever, c’était pas nouveau. Mais aujourd’hui, pour le cours de vol, c’est moins difficile que d’habitude. Parce que oui, les cours de vol, elle aime ça : ça représente ce qu’elle chérit le plus, la liberté, la délivrance, s’abandonner pour quelque chose de plus grand, très grand, trop grand pour ne pas vouloir s’y laisser avaler. Quand elle vole, elle n’est plus elle, le monde n’est plus le monde. Tout se transforme, fusionne, et devient quelque chose entre les deux. Pas vraiment elle, plus vraiment elle. Plus cette enfant. Juste une union avec un tout.

Elle n’est pas mauvaise pour son âge. En tout cas, elle donne son maximum pour cette matière – C’est bien une des seules pour laquelle elle fait un réel effort.

Elle avait commencé tôt. Lorsque son père n’était pas absent, il aimait bien la mettre sur un balai. Ça avait toujours été leur rituel. Il faut croire qu’il voulait lui transmettre au moins ça, l’absence de barrière physique, l’air glaçant qui frappe son visage. Oui, ça donnait vraiment la sensation d’être vivant. Il aimait ça, et il voulait qu’elle l’aime aussi. Et c’est le cas. Elle aime ça. Est-ce qu’il sera fier d’elle quand elle lui racontera ? Quand il reviendra ?

Elle n’avait même pas regardé par la fenêtre avant d’arriver à la grande porte, mais rien ne pourrait attaquer l’optimisme qu’elle a aujourd’hui. Pas même le temps gris qui l’accueille à l’extérieur. Elle a heureusement prévu écharpe, gant et bonnet, quitte à les retirer plus tard, et elle se félicite doucement d’y avoir pensé. Parce que même si voler, c’est bon, libérateur, rien ne pouvait être pire que d’être frigorifiée sur un balai. Elle se remémore cette expérience et frissonne, enfonçant sa tête dans ses épaules. Elle remet correctement son écharpe, la déroulant et la repassant autour de son cou d’un geste rapide, pour couvrir son nez. C’est parti pour affronter le temps maussade.

Lorsqu’elle se présente sur le lieu du cours, il y a déjà plusieurs personnes - elle n’est pourtant pas en retard. Il faut croire que tout le monde est motivé à voler aujourd’hui. Ce constat la rend encore plus joyeuse. Elle salue la professeur d’un « bonjour » motivé, qui lui répond avec une phrase qui ne semble pas vouloir dire grand-chose. Rose s’arrête, fronçant les sourcils, avant de comprendre qu’il s’agit d’une sorte d’énigme, et que madame Bennet attend surement une réponse. Pourquoi il n’a pas peur, ou pourquoi le balai n’est pas imperméabilisé ? Non, la deuxième possibilité lui semble ne pas avoir beaucoup de sens. Elle ne savait même pas qu’il fallait imperméabiliser un balai. « Eh bien … il n’a pas de raison d’avoir peur. Même s’il pleut, il a confiance en ses capacités. Et en son équipement. » Elle la regarde, en haussant légèrement les épaules, pas vraiment sûre de sa réponse, et continue son chemin pour rejoindre le reste des élèves.

Elle fait le tour des personnes présentes du regard.

Il y a déjà deux Gryffondors, elle ne les connaît pas. Ils ont l’air plus âgés qu’elle, surtout la fille. Elle soupir. Elle se sent trop intimidée pour aller vers eux.

Elle repère une fille, une Serdaigle. Elle a l’air très jeune. Elle décide d’attendre le début du cours pas très loin d’elle. Ça la rassure d’être à côté de quelqu’un de son âge. Elle s’avance, lui sourit, mais cachée derrière son épaisse écharpe rouge et dorée, elle n’est pas sûre que la bleue ait remarqué quelque chose. Peu importe, elle n’a pas vraiment l’intention d’entamer la discussion. Elle veut juste se rassurer : elle est peut-être seule aussi, et s’il faut se mettre en groupe, elle pourra lui demander.

D'habitude, Gaëlle déteste avoir les cheveux attachés. Elle les préfère glissant le long de sa nuque. D'une part ça la protège du soleil, de l'autre, le contact de ses mèches a quelque chose de rassurant, de doux. Ils lui confèrent un repère inutile qui la maintient les pieds sur terre. Pourtant, pour les cours de vol, elle n'a pas le choix. C'est ça ou ne pas voir où elle va. Et entre avoir des bosses partout sur le crâne ou se prendre un arbre dans la figure, il n'y a pas besoin de photo pour comprendre ce qu'il faut sacrifier.

Aujourd'hui, le ciel est gris. Elle ne le trouve par contre pas laid. Est-ce une manie des pays plus froids de trouver ça moche, la grisaille ? Elle ne comprend pas. Au départ elle se disait que c'était un hasard, qu'ils ne pensaient pas tous ça. Mais en fait, si. Adultes et enfants ont l'habitude de se plaindre, encore et encore sur ce que le temps leur réserve. Soit il fait trop chaud, soit il fait trop froid, il ne fait jamais bon. Ah ça non ! Pourtant, l'un ne va pas forcément avec l'autre. Le soleil est parfois glacial et son absence apporte souvent une chaleur insoutenable. Peut-être qu'ils n'ont personne pour se réchauffer. Elle sourit en voyant Vanille arriver. Peut-être que le problème, c'est qu'ils n'ont pas d'ami pour les éclairer d'un simple coup d'oeil. Mais là-dessus elle ne peut rien faire pour eux. Quelqu'un comme ce qu'est Vanille pour elle, on ne le cherche pas. On le trouve. Et c'est ce qui est le plus chouette; on ne s'y attend pas mais jamais on ne changerait ça.

Les deux arrivent dans le parc ni trop en avance, ni trop en retard. Le corps de Vanille pétille de mille couleurs en remarquant que le serdaigle du cours d'astronomie est lui aussi présent aujourd'hui. Gaëlle secoue la tête en la voyant partir à sa rencontre. Que lui trouve-t-elle de si intéressant ? Elle hausse les épaules et s'en va jeter un coup d'oeil aux balais en attendant son retour. Jamais elle n'avait vu un manche aussi lustré depuis qu'elle était ici. Elle observe son reflet déformé sur le bois en rigolant. Elle ne pensait pas que ce cours la réjouirait autant, mais avec un pareil attirail, qui pourrait se plaindre ?

Vanille finit par la rejoindre et elles se dirigent toutes les deux vers leur professeur. Sa bouche s'ouvre légèrement en voyant la tenue de leur professeur. Elle porte du rose, Vanille a parfois les ongles roses. Elles pourraient bien s'assortir ! Dans un premier temps, elle est beaucoup plus concentrée sur les questions que pourraient soulever l'énigme de son amie que sur la sienne. Et si les sorciers pouvaient créer une sorte d'arche volante dans les cieux ? Ce serait merveilleux ! Des maisons volantes dissimulées. Il faudrait par contre bien choisir l'emplacement. Et les rendre traversable par les avions ! Dans un deuxième temps, elle frissonne face à sa propre question. Un plant de tomates pas tout à fait à terme, c'est vert et ça a des yeux blancs. Par contre, ils peuvent manger des enfants. Et en plus, ça ne vole pas. C'est pas très cohérent. Elle regarde de tous les côtés à la recherche d'un indice, sans succès. On rentre dans le ventre des avions, donc ça ne peut pas être ça non plus. Je sais ! finit-elle par répondre en levant la tête. Un ballon vert. Avec des yeux blancs. Dessinés par un enfant ! Ou alors un cerf-volant C'est ce qui lui semble le plus logique. Si d'autres personne ont eu la même énigme qu'elle, elle aimerait franchement savoir ce qu'ils en ont pensé.