Des songes doux. Pour changer. Je m’enfonce dans un nuage de coton, au-dessus de moi le ciel est bleu et le soleil brille paresseusement. Je me sens apaisée, bercée et étrangement comblée. Par quoi ? Je l’ignore. Ce n’est pas la douleur en tous cas. Je savoure cet instant inopiné, tombant et tombant encore dans un matelas de douceur. Le ciel commence à changer, il devient plus vert. Je devrais trouver ça bizarre ? Mais rien n’y fait, je me contente de fermer les yeux et de profiter de cette sensation de bonh... Oui, de bonheur. Je crois bien que c’est ça.

J’ignore combien de temps s’écoule pendant ma chute moelleuse, mais quand je rouvre les yeux sur mon ciel vert, quelque chose a changé. Il n’y a plus de soleil mais des boiseries, à la place du coton, un drap humide. Ce n’était qu’un rêve. Au moins ce rêve avait-il le pouvoir de m’éveiller de bonne humeur.

J’étire mes bras en baillant. Ils retombent ensuite sur le matelas, cherchant ma couverture brune qui m’accompagnait depuis ma toute petite enfance. Elle était vieille, avait même un trou dans un coin, mais elle sentait ma maison. Celle que j’avais dû créer de toute pièce faute de n’en avoir jamais eue. Hélas, mes mains tapotent le vide, cognent contre le bois, infructueux.

Je me lève, suspicieuse. Ce serait pas la première fois qu’on me la pique ! Je regarde soudain le coffre au bas de mon lit. Quelque chose cloche... Des habits, pliés, sont soigneusement déposés dessus. Mais ce ne sont pas les miens. Je ne mettrai jamais un truc pareil. C’est beaucoup trop nunuche. Le style est, certes confortable et joli, mais pas du tout fait pour moi.

Je cherche mon uniforme, en vain. Il n’y a rien d’autre pour moi que des vêtements qui semblent appartenir à une Gryffondor vu les couleurs. Heureusement que je suis de bonne humeur, même si elle s’entache un peu vu les événements. J’aimerais bien savoir quel petit malin a fourré son nez dans mes affaires ! Si ma couverture n’avait pas également disparue, j’aurais pu rendre l’histoire comique et divertissante.

En attendant de lever ce mystère et parce qu’il fait bien commencer quelque part, j’enfile ces vêtements tout simples mis à ma disposition et prends la direction de la grande salle, sacoche en main. Quand j’arrive, quelques étudiants discutent. Ils ne sont pas de la même maison, et pourtant je sais que certains d’entre eux ne sont même pas habillés dans les bonnes couleurs. Bon sang, c’est eux ! C’est sûr !

- Eh les génies ! C’est lequel de vous qui a fait ça ?

Je dépose, plus fort que je ne le voulais, mon sac sur la table. Je m’attends à entendre mon mug se fracasser avec échec - forcément puisqu’il est incassable - sur le bois de la table, mais le cuir fait juste un son plat. Je dévie un instant mes yeux verts du mec en couette (Aliocha) et d’un pseudo Poufsouffle (Isaac), pour les diriger vers un petit carnet qui s’est échappé de mes affaires. Mais bon sang, c’est quoi ça encore ?.

Je l’attrape et commence à le feuilleter. Je ne reconnais ni l’écriture, ni son contenu. Ce carnet ne m’appartient pas ! Je vais passer pour une voleuse maintenant ! Cela dit... Ils ne savaient pas qu’il n’était pas mien, ce qui était peut-être une bonne chose. Donc ni une ni deux, je le refourre dans mon sac ni vu ni connu.

- Ça a toujours été mon rêve de me grimmer en Lionceau. Vraiment, je lance avec sarcasme pour répondre à celui au côté de l’homme couette (Linwë) Mais c’est pas moi, j’comprends pas ce qu’il se passe non plus !

Quand je me réveille le matin, je ne me souviens jamais de mes rêves. Enfin, presque jamais, et quand je m’en souviens ce sont plus des cauchemars, surtout les quelques jours qui ont suivis la rencontre avec les Acromentules dans la Forêt Interdite. Mais sinon généralement, je me réveille la tête vide, et c’est un étrange instant pourtant agréable qui dure quelques secondes seulement. Parce qu’une fois que le cerveau est en route, il ne s’arrête pas avant le soir, moment où on s’endort. Seule cette action de dormir est capable d’arrêter le cerveau. Ça tourne tout le temps, tout le temps des pensées, sur les cours qu’on a eu, les animaux, les plantes, les étoiles, la magie, les dessins que je pourrais faire. Tellement de pensées qui se suivent parfois même sans liens logiques tout au long de la journée. Alors il n’y a que cet instant particulièrement court qui suit le réveil où le cerveau se repose. Jusqu’à ce qu’il se dise "tient, je pense à rien là c’est bizarre" ou alors "on est quel jour déjà ?" et c’est partit. C’est exactement ce qu’il se passe ce matin d’ailleurs. Quelques secondes le temps d’ouvrir les yeux, et pouf ! Les rouages sont déjà en route, le cerveau en train de se plaindre qu’il fait à peine jour, qu’on est samedi, et qu’il aurait pu dormir un peu plus au lieu de se réveiller si tôt. Mais une fois que le soleil commence à se montrer et que les yeux sont ouverts, c’est trop tard ! Il faut se lever, quelque soit le jour.

Et comme chaque samedi après m’être réveillée, je me lève, l’emploi du temps est précis dans ma tête car souvent je me réveille à peu près à la même heure, ce qui me laisse le temps de faire ce que je veux. On s’habille, on dessine un peu ou beaucoup ça dépend, puis on range correctement les affaires, on descend à la Grande Salle horriblement bruyante pour prendre un petit déjeuner le plus rapidement possible pour fuir ces élèves avant d’aller faire les devoirs ou des recherches à la bibliothèque ou dans la Salle Commune. C’est clair, net, précis, organisé, tout comme j’aime. Sauf qu’en cherchant mon uniforme pour m’habiller, première étape après le lever du lit, je ne le trouve pas. C’est même pas qu’il n’y a plus mes affaires et qu’on me les a volé, c’est qu’il y a autre chose à la place. Ce qui ne va pas du tout. Le chapeau qui parle m’a envoyé chez les bleus et argent, non ? À la place de mes couleurs, y a du rouge. Un uniforme de garçon, Gryffondor, qui plus est. J’aime pas les imprévus, et ça clairement s’en est un, car il n’y a plus non plus mes vêtements de d’habitude, mais des jeans, des leggins et des jupes. C’est pas à moi. Non seulement on m’a pris mes affaires, car elles n’ont pas disparu faut pas croire, on a beau être dans une école de magie il ne faut pas exagérer, mais en plus de ça, on m’a donné les affaires de quelqu’un d’autre. Ou de deux personnes, parce que ça paraît bizarre que tout ça appartienne à la même personne. La personne qui est venu remplacer mes affaires a part contre laissé une bouteille d’eau, là, comme ça. Berk quoi, c’est dégoûtant, une bouteille d’eau c’est plein de microbes. Au moins, elle n’est pas réellement dans mes affaires. Cette bouteille d’eau ne va pas trop m’aider à récupérer mes affaires… Sauf si je descends à la Grande Salle avec, et celui ou celle qui s’écriera «Ma bouteille d’eau» sera le voleur ou la voleuse.

La première étape est donc ratée. Mais il n’est pas question que je m’arrête là, je résoudrais ce problème un peu plus tard. Imaginons qu’on est habillée, maintenant je peux dessiner. Le carnet est toujours accompagné de son crayon posé dessus, le tout sous mon lit. Tout est toujours bien rangé ! À part aujourd’hui. La personne qui a osé volé mes vêtements à également osé voler mon carnet à dessin et mon crayon. Voilà qui est fort fâcheux, car ça détruit ma deuxième étape du samedi matin. Alors je retourne vers les affaires qui ne sont pas les miennes, observant le tout avec un air mécontent, prête à gronder les vêtements eux-mêmes. Y a des trucs de garçons, et des trucs trop grands. Je vais tout perdre si je mets ça… Et puis mettre les affaires de quelqu’un d’autre ? Pas question ! Un regard vers mon pyjamas bleu étoilé et je finis par hausser les épaules : on va y aller comme ça. J’attrape mon sac de cours, retire tous les livres et cours qui sont dedans, et y range les vêtements en les pliants correctement, je reste polie quand même. La bouteille d’eau à la main, le sac plein sur le dos, je pars rejoindre la Grande Salle, oubliant au passage mes chaussures. Je veux récupérer mes affaires, c’est tout.

Dans la Grande Salle, il y a déjà des élèves. Drôlement vêtus eux aussi. Le premier que je vois, c’est un garçon presque tout aussi petit que moi et que j’ai déjà vu. Mais je le croyais à Serdaigle lui aussi, et pourtant le voici vêtu d’une écharpe Poufsouffle et de chaussures étranges. Lui aussi, il s’est fait volé ses affaires ? Ou alors je me suis trompée. Sur la table, il y a un élève étrangement vêtu lui aussi et un garçon assis enroulé dans une couverture, et sur le sol, deux autres élèves, tous plus grands que moi, c’est étrange tout ça, ce n’est pas dans mon schéma habituel du samedi. Curieuse tout de même, je m’approche pour rejoindre les élèves réunis qui parlent, mais je ne les écoute pas, les élèves ça parle toujours de toute façon. J'ai déjà vu la tête de certains et certaines, mais sincèrement ça m'est égal. Je veux mes affaires, et je les aurais, faut pas croire qu'on peut me voler mes affaires comme ça ! Alors je m'approche, silencieuse, observant les personnes réunies avec curiosité. Je crois qu'eux aussi se sont fait voler leurs affaires.

Toutes mes affaires ont disparu, l’ami. Toutes, je te jure ! Mes vêtements ? Envolés ! Mon uniforme de Poufsouffle ? Volatilisé ! Même le livre qui traîne d’ordinaire dans mon sac n’est plus là, je viens de le remarquer. C’est trop bizarre, d’autant plus qu’il y a quand même plein de choses autour de moi… c’est juste qu’elles ne sont pas à moi. Déjà, ce sont des vêtements pour homme. Enfin, je crois. Les chemises sont trop grandes, les jeans pareil… Et puis il y a cet uniforme de Gryffondor juste là. À côté, pleins d’affaires éparpillées partout. Plumes, parchemins, encriers… Tout est à la renverse ! Mais c’est moi qui ai tout fait tomber en remarquant qu’on m’avait fait une blague donc ça ne m’aide pas vraiment.

Je ne sais pas si je suis admirative ou en colère. D’un côté, réussir à faire une blague comme ça pendant que je dormais, c’est franchement pas mal. Vraiment, c’est une super idée. De l’autre… mon bracelet a disparu. Si, tu sais, le bracelet qu’Ayden m’a offert il y a quelques années. Même que, dessus, il y a marqué mon deuxième prénom en arabe. Je l’aime bien, trop peut-être, et savoir que quelqu’un l’a en sa possession sans que je puisse le récupérer… J’ai bien envie de balancer des flammes partout pour montrer mon mécontentement.

Je me gratte le crâne et tente de rassembler mes idées. Premièrement, je ne suis pas la seule victime. Il doit y avoir un Gryffondor, quelque part, qui se demande également où sont passées ses affaires. Deuxièmement, celui ou celle qui a fait la blague a accès à deux salles communes différentes. C’est peut-être un fantôme ? Ou un professeur ? Je secoue la tête. Non, bien sûr que non. Les enseignants ont probablement d’autres choses à faire que d’échanger les affaires de certains élèves pour s’amuser. Et les fantômes ne peuvent rien toucher, comment est-ce qu’ils auraient pu emporter toutes mes affaires ? C’est à n’y rien comprendre. Ou alors… je sais ! C’est Peeves, l’esprit frappeur. Ce serait totalement son genre. Mais comment a-t-il pu le faire sans me réveiller ? Il a quand même tendance à être très bruyant.

Je soupire un coup pour me détendre. Je me demande si ça ne serait pas une meilleure idée d’aller voir dans la Grande Salle. C’est vrai quoi, je n’apprendrai rien de plus en restant là. Et s’il y a un Gryffondor à la recherche de ses vêtements, ce ne sera pas très dur à trouver. Tout ce qu’il me faut, c’est quelque chose pour m’habiller. Euh… Tu penses la même chose que moi, l’ami ? À vrai dire, je suis entourée d’habits, ce serait bête de ne pas en profiter. Je récupère donc une large chemise que je tâche de faire rentrer dans un jean quelconque, mais ce dernier est trop grand et je peine à le faire tenir. Un rapide coup d’œil me montre qu’il n’y a pas de ceinture autour de moi… je dois donc me débrouiller avec les moyens du bord. Je réquisitionne la cravate rouge et or et l’attache autour de ma taille afin de maintenir le pantalon en place. Je rajoute un ourlet pour ne pas marcher sur le jean et me voilà presque prête. Je n’ai pas de chaussures. En tout cas je n’en vois pas avec tout ce bordel. Tant pis, j’irai en chaussettes. J’attache mes cheveux en une grande natte et récupère un bonnet qui traînait là. Je ne le mets pas, mais ça peut toujours être utile pour identifier le Gryffondor à qui tout ça appartient.

Je me rends dans la Grande Salle et, immédiatement, je vois que quelque chose ne va pas. Déjà, il y a ce type qui se balade sur la table en pyjama. Mais je pense pas que ce soit à lui qu’appartiennent les vêtements que je porte en ce moment. Il est beaucoup trop grand pour que ce soit les siens. Ou trop costaud. En tout cas, ça correspond pas. Et il y a ce gars emmitouflé dans une couette, allongé sur la même table que l’autre. J’arrive pas à voir sa corpulence donc je peux pas jauger si les vêtement sont à lui. En tout cas, il a pas l’air très content. Et puis il y a deux autres gars, qui doivent avoir le même âge que moi. Et aussi une fille de, euh… une certaine maison. Et une autre petite en pyjama qui est un peu à l’écart. Bref, un joyeux rassemblement, et tout le monde a l’air énervé ou, au moins, agacé.

Me voilà donc, armée de ma bonne humeur et d’un sourire, pour essayer de calmer tout ça :

- Hey, salut tout le monde ! Je suppose qu’on est tous victimes d’une mauvaise plaisanterie ?

Puis je me tourne vers les Gryffondor, ou du moins vers ceux que j’estime être à Gryffondor, et leur demande :

- C’est pas à l’un de vous les vêtements que je porte ? C’est pas que j’aime pas mais je préfèrerais récupérer les miens.

Il y a encore quelqu’un qui arrive après moi, une fille plus grande qui a l’air de bonne humeur malgré le fait que quelqu’un ait mélangé toutes nos affaires. D’un côté c’est positif d’être de bonne humeur, mais de l’autre j’arrive pas à comprendre comment elle fait. Peut-être qu’on ne lui a rien pris de très important, alors ça ne l’embête pas tant que ça de ne plus avoir ses affaires. Moi on m’a pris mon carnet, et c’est ce que je veux récupérer en priorité. Les vêtements, c’est moins pressé, on est samedi matin seulement, et je suis bien en pyjamas, même si le sol est froid sous mes pieds nus. Pourtant, la fille parle quand même de mauvaise plaisanterie, alors elle ne doit pas trop aimer ça sinon elle aurait parlé de bonne plaisanterie. N’empêche qu’elle est bizarre un peu, elle a mis des vêtements qui ne sont pas à elle et demande maintenant à qui c’est. Et elle va faire quoi si quelqu’un dit que c’est à lui ? Se déshabiller pour les lui rendre ? Elle aurait dû rester en pyjamas, c’était bien la meilleure des choses à faire. Mais bon, elle fait comme elle veut, c’est juste que ce n’est pas très pratique pour quand elle devra rendre les affaires, même si elle semble espérer pouvoir récupérer les siennes. Cette fille est vraiment… Un brouillon, j’arrive pas à comprendre comment elle fonctionne, c’est très désagréable. Elle a l’air contente, elle a mis les habits de quelqu’un d’autre, elle voudrait les lui rendre, récupérer les siens… Voilà un esprit compliqué.

On est si nombreux dans la salle que finalement j’hésite un peu, ce n’est peut-être pas un élève qui a fait ça. Pour que personne ne le voit ni se réveille pendant chacun de ses actes, il faut être très fort. Et puis, il serait certainement en train de dormir à cette heure-ci, ç’a dû lui prendre toute la nuit de préparer ça ! Ou alors c’est quelqu’un ici qui fait semblant de quelque chose. Pourquoi pas ? Je suis pas détective moi, je veux juste mes affaires. Carnet et crayon de préférence, vêtements en supplément.

Le grand qui était sur la table en descend soudainement, rattrape un élève, il n’a pas l’air content. Il fait un peu peur aussi, grand comme il est à parler comme avec un gros mot et d’autres mots pas très jolis. J’aime pas ça, cette manière de parler, en plus il insulte des elfes et le fantôme dont j’ai déjà entendu parler, c’est pas très gentil, même s’il est en colère contre eux. Il n’a aucune preuve d’abord ! Il veut récupérer ses affaires je crois, ça se comprend puisque moi je veux les miennes, et que chacun veut les siennes je pense. Je suis pourtant un instant tentée par l’idée de fuir cet endroit, m’éloigner plus d’ici et de ces gens pour certains mécontents pour d’autres de bonne humeur, tenté d’aller chercher mon carnet à dessin ailleurs et toute seule, pourtant ce garçon effrayant a dit de ne pas sortir, donc je ne sortirais pas, il me fait peur, et Mark dit qu’il faut écouter les plus grands. Alors lorsqu’il demande la taille des vêtements gryffondors qu’on a, je retire mon sac du dos pour le poser à terre avec la bouteille, attrape tous les vêtements que j’ai mis dedans, au moins ça videra mon sac de ces affaires inconnues et inutiles, et fourre tout dans les bras de cet élève qui veut ses affaires, tant pis pour lui s’il n’attrape rien et si tout n’est pas à lui. «Tiens.» Et je recule aussi vite que je m’étais avancé, j’ai rendu les affaires, c’est le plus important. Satisfaite, je referme le sac, le récupère sur le dos et reprends la bouteille à la main, et je n’attends plus qu’une chose : mon carnet. Après ça, je pourrais partir.