Pfoooouah !

On se caillait vraiment les miches à Poudlard, y’avait pas à dire. Nichée dans son Ecosse profonde, l’air glacial culminait aux entrailles du château - lequel déversait continuellement un jet d’effluves gelée aux creux des couloirs. Clairement, Suzy se les caillait, pour ne pas dire qu’elle personnifiait l’âme d’une stalactite vivante. Comment les éminents mages de naguère n’eurent-ils pas eu la présente d’esprit d’ajouter un système de chaufferie à la bâtisse mirifique ? Même son pull délavé tricoté en maille grosse côtes, ne suffisait à substituer sa carence en chaleur corporelle Une paire de traits contrariés s’étaient momifiées sur sa peau, chiffonnant l’entièreté de son joli minois, habituellement éclairé. Aussi, les tresses de son bonnet péruvien semblaient galoper au rythme de sa cadence. Le tissu claquait avec force sur ses frêles épaules, à l’instar de ses talons qui foulaient le pavé des longs corridors. Bien qu’en début d’après-midi, la lumière blafarde du jour minaudait timidement avec les verrières qui tapissaient d’arcades les murs du château. Néanmoins, quelques éclaircies disparates s’ouvraient sur la silhouette recroquevillée de Suzy, qui vint trépasser l’ardeur de l’ombre à la lumière, via ses petits pas pressés.

Heureusement, la fillette filait droit sur son objectif : la salle de Métamorphose. Sans discontinuer sa partition, l’enfant frictionna compulsivement les manchons de son chandail, agité de frissons grotesques. Suzy s’acharna sur les marches en colimaçon qui serpentait autour d’un cylindre fixe et interminable : Qui a eu la foutue idée d’hisser les élèves de Poudlard frigorifiés, au gré d’altitude d’une tour ? Personne n’adhéra à l’idée, et surtout pas à elle. Selon Suzy, ces escaliers représentaient l’orbe sadique des professeurs, à mesure que l’on estimât l’étendue du nombre de marches à grimper. Pour sûr, la Métamorphose s’annonçait une matière rigoureuse et difficile. Mais pas question de se défiler, son cœur s’était bouffi d’aigreur, prête à s’éclipser sur son office. Efflanquée contre sa baguette hérissée contre sa poche en entonnoir, l’un de ses mains s’électrisait, avide de libérer son énergie. Enfin, Suzy plia une ultime fois le genou pour achever son parcours pente, et semé d’embuches. Ce n’était pas sa faute, si l’écart entre les planches s’apparentaient à des tranchées toutes droits sortis des guerres mondiales combinés !

Sitôt entrée, elle quitta la lumière froide de l’extérieur pour rejoindre la pénombre tamisée de la salle de classe. Cette dernière était picorée d’éclairages minuscules semblables à la trainée d’étoiles d’un ciel d’été. La toison argentée de fortune placardée dans les hauteurs revêtait l’antichambre d’un manteau nuptial propice à l’endormissement. A cette idée, Suzy cala ses poings dans ses hanches, son petit nez pointé vers le collier astral artificiel qui la narguait, d’un air très dubitatif. Elle se promit de ne pas lui donner le plaisir de bailler aux corneilles, malgré l’ambiance brumeuse prompte à l’hypnotiser. Premièrement, parce-que l’aspect de la salle ne lui convenait guère ; seules quelques tables longilignes débusquaient la perspective d’étude. Sinon, les ombres légères passaient sur les tranches de lumières, au profit d’allégories animales. En fait, les ombres semblaient omettre l’attitude d’une apparence concrète, puisqu’elles s’effilaient sous leur propre mouvance. Ainsi, la plupart se déclinait sous une série disparate de mouvements figés. Comme si l’on décortiquait succinctement l’anatomie animale, décrite au galop. Très bien, pour les artistes en quête de peaufiner leurs ouvres, mais très peu pour elle.

Elle était venue pour du recyclage, pas pour embaumer l’irréel d’illusions allégoriques, feignant le réel. Où étaient les babioles à rafistoler ? Les pierres à tailler ? Les vieux habits à troquer ? Elle fronça d’autant plus les sourcils lorsque le titre s’annonça à elle, placardée en lettres graphique sur le tableau : La transsubstantiation anatomique. Gné ? Ca promettait, dites donc. V’là que la prof commençait à nous embobiner dès le premier cours. Un peu blasée, Suzy joua de ses tresses péruviennes, avant de lancer un salut poli, bien qu’éteint à l’attention de Miss Beckett de Poulet. Arf, les condiments moldus lui manquaient, parfois.

Elle parsema le parquet de quelques sautillements, pour faire bonne mesure, avant de rejoindre la l’attroupement réuni en bout de classe. Deux troisièmes années grimée en Jaune Poussin, et une aiglonne revêtissent l’habit d’aigle érudit. Elle soupira ; si ses parents avaient eu la bonne idée de la fabriquer avant, elle aurait rejoint les deuxièmes années, un an avant sans s’affaiblir de complexes quant à son âge. Bref, elle s’attela à attirer l’attention :

- Salut les filles ! lança-t-elle au groupe prise d’un conciliabule animé. Elle secoua les deux mains, forçant sur ses dents pour toutes les dévoiler. Ensuite, elle continua à l’attention de la petite demoiselle bleue : Je peux m’asseoir ? Tous les compartiments sont pris. Petit clin d’œil, pour accompagner la supercherie, puis : Moi c’est Suzy, et vous ?

Sans gêne pour les activités d’autrui, Suzy s’était avachie contre le dossier de son siège, quelque peu envahissante. Heureusement, les deux grandes l’accueillirent plus ou moins chaleureusement. Elles présentèrent à tour de rôle, se désignant respectivement en tant qu’Automn et Daisy, visiblement de la même année. Pouah ! Trop classe les noms ! La première portait sur le nom d’un équinoxe, et l’autre la femme de Luigi ; second personnage emblématique dans ce vieux jeu moldu ultra célèbre, il y a plusieurs centaines d’années. Y’avait de ces paires de couples, qu’avaient la caboche foisonnante d’idées. Dans sa famille, seul Orion, son jeune frère cadet eût hérité d’un simulacre d’originalité via son ascendance à la constellation. Suzy ça puait le bouc, en comparaison.

Cependant, la susnommée cessa ses ruminations. Elle occulta les réserves d’Automn, sans s’en affliger. Parfois, la meilleure façon d’apaiser la gêne, fusse de ne pas la faire remarquer. Suzy hésita un instant, à poser sa main sur celle d’Automn, gageant une promesse d’encouragement, mais l’intervention de la seconde l’a fit obtempérer. Après tout, elles n’avaient guère élevé les Abraxans ensemble, malgré la douceur que lui inspirait l’air penaud de sa voisine. En effet, Suzy ne put s’empêcher d’associer la timidité de l’adolescente, à la pudeur juvénile de sa jeune sœur. L’amalgame fut troublant ; son imagination dégainait déjà à la mine apeurée de Violet, une cape sombre à l’effigie des Poufsouffle, chez qui elle troquerait sans mal un peu de compagnie. Suzy sourit avec entrain : A sa prochaine missive, elle lui annoncerait avec ferveur les couleurs qu’elle porterait le mieux, parole solennelle de grande sœur !

La jeune Gryffondor sortit de ses rêveries, tandis que Daisy approuvait son choix de place. Malgré elle, Suzy gonfla le poitrail avec fierté. Parfois, elle faisait des caisses pour son propre bien. Parfois, seulement.

- C'est la première fois qu'on se croise je pense bien. Ça roule ... ? Tu aimes ça la métamorphose.

Woah, elle était trop sympa cette fille, pensa Suzy. Bonne pioche ! Elle attirait déjà ses yeux aux annexes de la salle, sur lesquelles se réverbéraient les ondes soyeuses d’ombres métaphoriques, pour lui assaisonner un commentaire salé, mais le karma en décida autrement. Miss Beckett-de Poulet-Sauce-Barbecue, s’était drapée d’illusion, pour l’on en décèle qu’un contour oblique, quêtant l’œil des plus observateurs. Prise de stupeur, Suzy fit volte-face. Sa professeure s’éclipsa de son habit de caméléon, jusqu’à ce que sa silhouette se détache complètement du décor faramineux, construit de toutes pièces.

Cette fois-ci, Suzy resta bouche-bée devant le spectacle ; la jeune femme venait littéralement de tirer un rideau diaphane qui la dissimulait jusque-là. Elle ouvrit, puis referma la bouche, hébétée. Et maintenant, pour parfaire le portrait, ses mains applaudissaient d’elles-mêmes. Pouvait-on devenir invisible par le biais de la magie ? Ou était-ce dû à un artefact doté de particularités ? Était-ce un tour de passe-passe, accessible ou non ? La petite fille jubilait déjà à l’idée de se cacher dans les recoins d’une pièce, à écouter les jérémiades d’Eléonore contées à son stupide Journal Intime. Elle profiterait du moment pour échapper à son attention et lui faire ravaler son air lascif dépeint sous ses couches de fond de teint.

Aux antipodes de son apparition, Miss Beckett leur offrit un prélude des plus communs, décoré d’un salut convenable. Ça ne crevait pas les yeux d’une citrouille, mais il fallut admettre que le jeu en valait la chandelle. De plus, Autaumn, officiellement nommée Strix, collectionnait les surprises. Non seulement parce-que son nom l’ornait aussi bien qu’un sillon coloré, au trépas des dernières chaleurs, mais aussi qu’elle avait trouvé dès son arrivée le subterfuge dont s’arguait Miss Beckett. Bref, ça déchirait. Suzy, s’enjoint aux félicitations ; la fillette se détourna et s’arma d’un pouce dressé dans les airs, en l’honneur de sa petite victoire. Aussi, elle chuchota un petit « bien joué ! », à son attention, en guise de soutien.

Durant cet interlude, sa professeure continua son préambule, désireuse d’y glaner l’attention de ses élèves. Suzy, quant à elle, n’écouta que d’une oreille distraite les questions posées à l’assistance, ne recueillant qu’à son insu les questions dignes d’intérêts. Sa joue rebondie s’écrasait déjà contre son poing : qu’elle idée de demander à savoir quelque chose l’on n’eût jamais vu ? Autant chercher les Nargoles dans le gui ! Ce ne fût qu’au sujet d’évoquer une anecdote faisant écho au phénomène large des métamorphoses corporelles, que Suzy sursauta. D’un bond, elle s’était jetée comme femme à la mer, son bras écrasé entre bois de table et ses côtes saillantes. Elle secouait son bras, vers sa professeure, pour attirer son attention et donner suite à son envie de répondre. Elle craignait même un peu qu’on lui chipe la place. Aux oubliettes la dignité ! Mais il fallait absolument qu’elle évoque le sujet :

- Moi, moi, moi Miss Beckett ! Ma grand-mère était de son vivant une mé-ta-mor-pho-ma-ge, articula-t-elle essoufflée. Suzy se rassit, convenablement. Je crois que c’est comme ça qu’elle décrivait sa magie. Ou du moins ses cheveux Bubble Gum, haha !

Son rire s’envola dans les airs. Puis elle reprit d’un plus sérieux et moins accommodant, ceci accompagné d’un geste trahissant sa réflexion, le menton pincé entre le l’index et le pouce.

- Je crois qu’on comparait ses cheveux à quelqu’un d’important, mais j’ai oublié le nom. C’était une ex-Poufsouffle, morte pendant la guerre d’y a genre, euh…Plus de mille ans ?

Elle releva les yeux vers Beckett, cherchant dans ses yeux une note d'approbation.