Emma-Lee était terrifiée. Elle venait de faire céder sa seule protection, laissant ainsi à Severus le loisir de voir l'état dans lequel se trouvait réellement la jeune fille depuis 1 mois.
Elle ne supportait pas cette faiblesse et cette peur constante, mais elle n'avait trouvé aucune solution jusqu'à présent...

Severus, après l'avoir relevée et emmenée à l'extérieur du château, transplana jusqu'au parc de Pré-Au-Lard, lieu calme et silencieux. Ils trouvèrent un banc sur lequel ils s'installèrent et le jeune Serpentard alluma une cigarette, preuve de sa nervosité.

La jeune Serdaigle se posa près du jeune homme sans trouver la force de le toucher ou même de le regarder. Elle l'avait fui pendant tellement de temps qu'il devait ressentir de la colère envers elle, voire pire, et elle se refusait d'affronter son regard. Ne pouvant rester sur place sans bouger, la 3e année ne cessait de regarder autour d'elle, d'avoir les mains tremblantes et une respiration rapide.
Mais elle devait trouver un moyen de se calmer, car elle sentait la crise pointer...

La jeune fille se calmait doucement en se concentrant sur sa respiration, la calant sur le rythme des bouffées de nicotine de Severus. Elle avait fermé les yeux afin de mieux apaiser ses peurs et rassembler son courage, car le Serpentard voudrait savoir et ne manquerait pas de lui poser des questions.

Le jeune homme se leva alors du banc, écrasa sa cigarette près d'une poubelle et jetta le mégot dedans (il n'aimait pas que les traces humaines gachent le paysage). Puis il revint vers elle, s'agenouilla devant elle et lui prit les mains.
A son contact, Emma-Lee ouvrit les yeux et toutes ses forces vacillèrent aux premiers mots qui passèrent la bouche de Severus:

- Écoute, Emma-Lee... Je ne t'en veux pas. J'ai bien constaté qu'il y avait un problème. J'ai rapidement compris que ce n'était pas un problème entre nous, mais qu'il t'était arrivé quelque chose. Je trouve ça très courageux de ta part de vouloir affronter certains problèmes de ton côté. Maintenant, tu restes un être humain et quand une situation te dépasse, tu dois pouvoir te confier à quelqu'un qui peut t'aider ou te conseiller. Je suis là pour toi, pour faire ce genre de choses. Tu comprends ? T'isoler et avoir peur ne t'aidera pas. Il faut que tu puises dans tes quelques forces pour m'expliquer ce qu'il t'arrive. Nous pourrions en discuter et réfléchir à des solutions.

C'était en vain que la jeune fille essayait de refouler ses larmes. Sa respiration s'accéléra de nouveau et elle secoua la tête. Elle n'avait pas la force de lui dire, de lui avouer sa faiblesse.
Mais Severus était là. Après tout ce temps où elle l'avait tenu éloigné, il était devant elle, espérant qu'elle parle.

La Serdaigle remonta ses genoux sur le banc, formant une sorte de coque autour, sans lacher les mains de son compagnon qu'elle agrippait autant que ses tremblements lui permettaient. Elle ferma de nouveau les yeux et souffla:

- Je me suis fais agressée dans le train du retour au château...

Severus essayait de ne pas laisser transparaitre sa colère mais la force avec laquelle il serrait les mains d'Emma-Lee ne laissait aucun doute sur son humeur. Mais la jeune fille n'était pas en état de lui dire quoi que ce soit.

Dans un geste infiniment tendre, le jeune homme essuya les larmes de la Serdaigle, qui furent remplacées par d'autres, avant de plonger ses yeux dans ceux de la 3e année et de dire:

- Ecoute-moi attentivement. Je suis là pour toi, surtout dans ce genre de situation. Tu peux compter sur moi. Je ne te cacherais pas que je suis en colère contre celui ou ceux qui t'ont fait ça. Mais pour le moment, il est temps d'en parler et de me raconter avec exactitude ce qu'il s'est passé. Il faut que tu évacues toute cette tension. Et en parler t'aidera beaucoup. Aujourd'hui, c'est fini. Tout ça c'est derrière toi et tu es là avec moi. Tout va bien.

Alors, le Serpentard déposa un léger baiser sur le front d'Emma-Lee, ce qui la calma et lui permis de lui répondre après avoir hoché la tête et baissé les yeux sur leurs mains jointes:

- C'était peu de temps après avoir quitté la gare de Kingcross. J'étais assise dans un des compartiments, j'avais mes écouteurs sur les oreilles et je lisais un livre sur les dragons. Mon mp3 était dans ma main droite et je tenais les pages de la gauche.

A ce moment, Emma-Lee reprit profondément sa respiration avant de fermer les yeux et de continuer rapidement:

- Ca s'est passé si vite... Quelqu'un est entré, m'a mis une arme sur la gorge et a voulu prendre mon mp3. Au début j'ai cru à une blague, je me suis dis que c'était pas possible, que ce genre de choses ne se faisaient pas et par réflexe, j'ai reserré ma main sur mon mp3 et je l'ai tiré vers moi. Le garçon a appuyé un peu plus la lame sur mon cou et comme je ne lachais pas, il a attrapé le lecteur à deux mains et a tiré. Son arme m'a entaillé le poignet et j'ai fini par lacher.

Relevant la tête, la jeune fille reprit la voix pleine de sanglots, le ton repentant

- J'essaye de me souvenir de son visage, de quelque chose qui pourrait m'indiquer qui s'était mais rien ne me reste. Je me souviens juste de son arme, s'était une sorte de machette rouillée, et de sa sensation sur ma gorge. Je n'ai pas eu le temps de crier, mais j'aurais dû me mettre dans un compartiment avec quelqu'un.

La voix de la Serdaigle se brisa, coupant net sa capacité d'en dire davantage. Mais chaque nuit, cet événement revenait à la surface, la hantait, sans qu'elle puisse identifier son agresseur. Et chaque nuit, elle s'en voulait un peu plus d'avoir donné à celui-ci l'opportunité de la blesser physiquement et moralement en recherchant le calme dans un train pour lire un grimoire...

Severus avait vraiment l'air en colère contre cet inconnu. Mais malgré cette rage, l'élève de Serpentard restait doux et ne faisait aucun geste brusuque qui aurait pu faire peur à la jeune fille devant lui.

- Si je le trouve, je le traînerais devant Sergeï. J'espère qu'il passera un sale quart d'heure. Si ce n'est pas le cas, je me chargerais de lui faire passer l'envie de s'en prendre à des personnes sans défense. Tiens, déjà prends ça. Cela va t'aider à dormir. C'est une potion de sommeil sans rêve. Kyara Blanchet me l'avait filé quand je faisais des cauchemars récurrents. Maintenant que ça va mieux, je peux te la donner. Fais-y attention. Le dosage est très précis: trois gouttes avant de t'endormir. Tu dois retrouver un peu de sommeil afin de passer les examens tranquillement.

Le jeune homme plaça entre les mains d'Emma-Lee un flacon contenant la potion concoctée par la professeure. Elle se souvenait de cette période où le sommeil de Severus s'était dégradé, ses cauchemars sur leur combat contre les mangemorts l'avaient hanté longtemps, autant que la jeune fille mais elle n'en avait rien dit. Elle ne voulait pas ajouter des soucis à son compagnon alors que celui-ci en avait déjà suffisamment pour lui.
Ayant écouté ses consignes, Emma-Lee hocha pour lui signifier qu'elle avait compris et qu'elle n'en abuserait pas. De telles potions pouvaient être dangereuses si elles étaient mal utilisées.

Avec un doux sourire, ceux qu'il lui réservait, Severus ajouta:

- Depuis que Sergeï est à la direction de Poudlard, les choses sont plus compliquées... Mais, que dirais-tu que je t'apprenne à canaliser ta peur et à ne pas te laisser emporter ou submerger par elle ? Pour cela, un petit passage à la Salle sur Demande serait parfait, qu'en penses-tu ? Par contre, nous devrons faire ça en journée, avant le couvre-feu. Je me suis déjà fait prendre une fois dehors après le couvre-feu cette semaine. Je ne peux pas remettre ça...

La Serdaigle de 3e année leva les yeux vers son amoureux et hocha la tête doucement:

- Comment vas tu faire? Qu'est ce que tu veux m'apprendre précisément?

Puis les dernières paroles de Severus lui revinrent en mémoire, coupant la crise de larmes et les tremblements de la jeune élève:

- Attends, tu t'es fais attraper pendant le couvre feu? Par qui?

Le sourire de Severus détendait la jeune fille. Elle se concentrait sur autre chose que sur les derniers événements et pour la première fois depuis un mois, elle se sentait plus calme, un peu plus détendue tout en sachant que l'état de ses muscles devait être déplorable.

- Ça c'est mon petit secret, demoiselle. Ne t'en fais pas, ce n'est pas douloureux. Tu vas peut-être trouvé ça étrange au début, mais c'est devenu essentiel pour moi. Un peu comme le piano...

Le geste tendre de Severus fit sourire la jeune fille, le premier sourire depuis bien longtemps.

- Ca a un rapport avec tes moments où tu réfléchis? Enfin, où tu te trouve "autre part"?

Emma-Lee continua d'écouter le Serpentard avec intérêt, buvant ses paroles:

- Et puis, si on en a l'occasion... Entre deux cours... Je peux te trouver une activité bien agréable pour te détendre.

Emma-Lee ne savait pas trop à quoi pensait l'élève de dernière année. Elle en avait une petite idée et cela ne lui déplaisait aucunement! Toutefois la réponse concernant son escapade nocturne l'inquiétait trop pour penser à ça:

- Oh c'est sans intérêt... Tu me connais... Lorsque quelque chose me préoccupe, j'aime me détendre. J'ai squatté la Salle sur Demande un long moment pour jouer du piano tranquillement et boire un peu de vin. En sortant, je me suis fait choppé par Fudge. Je ne sais pas le voir celui-là... Mais, bon, ce n'est pas grave. Je suis juste en retenue samedi prochain.

Ce n'est pas avec tes sourires éblouissants que tu vas réussir à me détourner de ta retenue, Monsieur Storm! répondit-elle un petit sourire aux lèvres qu'elle ne réussit pas à réprimer. Je ne sais pas ce que le nouveau directeur a dans la tête mais s'il compte déclencher la 3e guerre mondiale, il est dans la bonne direction... Et en quoi consiste ta retenue?

La patte congestionnée, allant de-ci de-là, s'ébrouait quelquefois dans un vain effort et, la démangeaison s'engouffrait alors plus avant, calfeutrée sous le derme. Trainant son bout de chair le long d'une rue étroite, Umbrin, résolu de s'y perdre, affectait de regarder le ciel, rattrapant par là même sa nuit blanche, l’œil hagard ayant grand peine à se maintenir circonspect. L'oisillon de ferraille achevait son reste de bon sens à grands renforts de réflexions rasoir sur ce qu'il fallait laisser cours à l'instinct, ce loup qu'une civilisation couve en ses replis, force inextinguible, inspiration sublime, prête à fouler conventions bâtardes et autres effets de circonstance. Satisfait de sa belle idée mais ne se sentant pas la force de lui donner corps, Umbrin bailla nonchalamment sans se soucier qu'on l'eût vu, avec son appareil débauché, goguenard, au fond cette image qu'il se faisait de sa personne le ravissait à la manière d'une nature tranquille, en parfait accord avec elle-même.

A peine avait-il retrouvé sa mâchoire encastrée que le somnambule la vit se ficher de nouveau en arrière, gobant les quelques perles matinales, qui, rejetées en l'air par la secousse, hésitèrent un instant à quitter leur alcôve d'éther. Ce bref retour aux réalités matérielles décontenança d'abord Umbrin qui s'était aventuré en des contrées sauvages, indistinctes, étendues sans fin où le repère, le familier, n'ont de prise nulle part. Se remettant en jambes, l'air ahuri, n'arrivant pas à réfréner l'amusement que la situation imposait à son esprit caustique, sans méchanceté non plus, le serdaigle s'épousseta négligemment la veste, se risquant à un regard en direction de l'imprudente. Elle se trouvait percluse de gêne, l'expression embarrassée de quelque gaucherie fort charmante, toutefois relevée par un relâchement bien heureux, elle lança les convenances propres à ces accidents coutumiers.

- Je suis désolée, je ne regardais pas où j'allais...

L'empathie prit les devants, Umbrin fut saisi d'un trouble indicible, était-ce ce contact fulgurant qui lui faisait pressentir l'organe jusqu'alors insoupçonné, ayant toujours sommeillé en son sein, attendant cette poussée pour se révéler alors ? Ou peut-être s'agissait-il d'une bête congestion, logée à bonne enseigne entre la rate et le cœur, pressement  tutoyée par cette rencontre fortuite. Qu'importe, l'irlandais prit le dessus, écartant flegmatiquement l'atmosphère inquiète qui s'était installée.

"- Ce n'est rien, tu es au moins aussi fautive que moi... Je me fascinais pour le ciel du matin, l'esprit perdu à des kilomètres... Je supporte mal la vie d'intérieur, quand j'en abuse, j'ai besoin de me vider la tête, je marche alors longtemps sans savoir jusqu'où mes forces vont m'emmener."

Le ton balbutiant, demi rêveur demi fou, sur fond de consolation nonchalante, Umbrin jeta enfin son regard dans le sien, avec l'espoir d'y trouver refuge, compréhension, avant de reprendre, le sens des réalités venant à son secours.

"- Au fait, je suis Umbrin. Tu m'as l'air bien pressée, où allais-tu comme ça ?"

Par chance, l'inconnu qu'elle avait heurté semblait plus amusé qu'autre chose par la situation. D'ailleurs, lui aussi devait être perdu dans ses rêveries lorsqu'ils étaient entrés en colision, puisqu'il s'excusa de la plus étrange des façons :

"- Ce n'est rien, tu es au moins aussi fautive que moi... Je me fascinais pour le ciel du matin, l'esprit perdu à des kilomètres... Je supporte mal la vie d'intérieur, quand j'en abuse, j'ai besoin de me vider la tête, je marche alors longtemps sans savoir jusqu'où mes forces vont m'emmener."

Hébétée, Amy ne sut que répondre, et se contenta de hocher la tête, de peur de dire quelque chose de déplacé. Bizarrement, cet étrange personnage avait fait disparaître toute amertume en elle, il avait sur la jeune fille un effet apaisant très appréciable.

"- Au fait, je suis Umbrin. se présenta-t-il. Tu m'as l'air bien pressée, où allais-tu comme ça ?"

Tiens, excellente question. Où allait-elle ? Elle avait beau réfléchir, elle ne se souvenait plus de ce qu'elle avait prévu de faire. Sans doute se contentait-elle de déambuler, à ressasser sa matinée en gromelant. Un peu de companie ne lui faisait pas de mal.

- Enchantée Umbrin, je m'apelle Amy. A vrai dire, je n'avais pas vraiment de but, je marche comme ça depuis un petit moment...

La petite brune détailla le jeune homme qui lui faisait face. Elle fut stupéfaite ; ses traits d'adolescent laissaient à penser qu'il avait environ son âge, peut-être même moins. Pourtant, son discours mature et plein de sagesse était celui d'un homme dans la force de l'âge. Mais à qui avait-elle donc affaire ?

Soudain, ce qu'il lui avait dit lui revint brusquement en mémoire.

- Oh, excuse-moi, je ne voulais pas interrompre le cours de tes pensées !

Elle se sentait coupable, à ce moment. Elle ne souhaitait surtout pas que sa mauvaise manie gâche la journée de l'un de ses camarades - car c'était ce qu'était Umbrin, à son âge il devait encore être à Poudlard. Mais que pouvait-elle faire de plus, à présent qu'elle l'avait dérangé ?

- Puisque nous sommes deux à errer comme des âmes en peine, pourquoi ne pas cheminer côte à côte ? proposa-t-elle avec un sourire, pour dissiper le malaise qui commençait à s'installer.

C'était bien la moindre des choses. Elle n'allait pas le laisser seul et hagard par sa faute. De plus, elle désirait en apprendre plus sur son interlocuteur, qui lui semblait très sympathique, et quoi de mieux qu'une petite balade pour faire connaissance ?

Des nuages de vapeurs masquent le ciel et malmènent la brume qui serpente dans l’air depuis le début du jour. M. s’avance, s’arrête. Regarde de ses yeux fatigués. Où est-elle passée ? Ecoute. Croit l’entendre mais le bruit se perd, masqué par le sifflement d’un vent léger lancinant et, ou, par le battement de son coeur sous sa poitrine qui remonte jusqu’à sa tempe. Deux pas encore. Où est-elle passée ? La brume qui, d’un fil d’argent, s’est amusé à promener M. par le bout du nez vient de disparaitre.

M. est un jeune homme, M. est une jeune femme, yel arpente les rues de Pré-au-lard encore dépourvues de neige. M. aime bien Pré-au-lard sous la neige. Lorsque M. s’y promène, lui revient en mémoire les hivers passés : la fraicheur de la neige sur sa peau, les flocons qui dansent jusqu’à la terre et fondent contre sa peau, le croassement de ses bottines qui s’enfoncent. Souvenirs agréables teintés de nostalgie. Souvenirs qui s’effacent au moment où M. emprunte…

…une autre rue, puis encore une autre. Mais la présence de la brume est toujours collée à son esprit. Sa tendresse délicate, sa danse nébuleuse… s’insinuent jusqu’en yel, mais, au plus profond et remonte à la surfacer avec une émotion bleutée de manque. Le manque d’une petite. D’une petite danseuse. Elle est apparue magique la nuit dernière quand yel était sous emprise de drogues. De la taille d’une fée, la petite danseuse était d’une couleur bleue, et non, elle ne dansait pas. Le monde de M. dansait autour d’elle. Le temps d’une nuit, yel a tangué contre les hanches de la petite danseuse.

Au gré de ses souvenirs hallucinogènes, M. se demande à présent s’yel devrait éprouver de la peur plutôt que ce manque bleu à la fois corporelle et mentale qui a affaibli ses sens depuis qu’yel s’est réveillé-e - de quoi au juste ? Un rêve ? Un état de fugue irréel ? - et mis-e à arpenter Pré-au-lard. Yel tente alors de chasser la danseuse de son esprit, d’être plus attentif-ve mais rien n’y fait. Le corps de la petite danseuse est un refrain musical fait de crépitements de bois qui craquent au contact du bois, d’un scintillement de perles, de percussions éphémères, qui les unes contre les autres, s’entrechoquent et reviennent. Finalement, ses pas l ‘entrainent au détour d’une autre rue…

...étroite. Ici, sans la neige pour manteau, les maisons ont des cicatrices, des blessures, des taches de monde sur la peau. Les maisons ont des tuyaux affreux enfoncés dans leur corps, elles souffrent, entendez. M.est mal. M. est mal à l’aise dans cette rue étroite. Yel se sent oppressé-e surtout quand son regard se perd en suivant les lignes illogiques des fissures sur les murs. Ses yeux hiboux suivent ses lignes, des grandes fissures qui plongent vers le sol comme du sang. Sur une des maisons, les fissures zigzagues à droite et à gauche, et plus on se rapproche du sol, plus elles changent de direction rapidement. Les yeux de M. suivent le rythme et sans s’en rendre compte, son pas s’accélère.

M. quitte la petite ruelle blessée et arrive dans une autre rue, son pas toujours rapide, son esprit encore plus ailleurs. M. entend une voix quelque part - Puisque nous sommes deux à errer comme des âmes en peine, pourquoi ne pas cheminer côte à côte ? - et BOOM. Lo jeune élève s’est fracassé-e contre une autre élève - yel n’a pas vu son visage. Le choc n’a pas été violent, néanmoins, dans l’esprit - et le corps, d’un-e rêveuxe encore légèrement sous drogues, c’est une vague déferlante, un mur inébranlable qu’yel vient de prendre en pleine face. C’est un dur et soulagement retour à la réalité pour M.

- Désolé. J’étais ailleurs.

Des paroles lui reviennent alors en tête, comme tout droit sorties d’un fragment de rêve, mais qui ne sont pas d’un rêve. Bien de la réalité. Réalité : deux personnes -deux élèves, sont devant lui. M., sans trop savoir pourquoi, saute sur l'occasion.

- C'est le lieu de rassemblement des âmes en peine ? Peut-être qu'une autre âme en peine peut se joindre à vous ?

Bam. Un nouveau choc. C'était vraiment pas le bon jour pour les promeneurs. C'était une maléditction ou quoi ? La neige avait-elle ce pouvoir de provoquer les rencontres, par certains moyens assez étranges ? Toujours est-il qu'un nouvel individu venait d'entrer en collision avec elle. Un jeune homme. Une jeune femme. Heu, en fait, elle n'arrivait pas à trancher. Un élève ? Oui certainement, vu son âge, alors elle le désignerait ainsi.

- Désolé. J’étais ailleurs.

Comme chacun d'entre eux. Alors il était tout excusé. C'était la faute au temps, à pas de chance, au destin ? Seul un bon prof de divination aurait su le dire. Ce que n'était pas Amy. Alors elle se contenta de secouer la tête, avec un regard qui exprimait tout ce qu'elle pensait. Les expressions faciales étaient souvent bien plus puissants que les mots, autant les laisser parler à sa place.

- C'est le lieu de rassemblement des âmes en peine ? Peut-être qu'une autre âme en peine peut se joindre à vous ?

Un léger sourire étira les lèvres de la petite brune. Un rassemblement d'âmes en peine. Voilà qui caractérisait bien leur étrange réunion. De jeunes gens qui n'avaient rien demandé à personne, et qui par la force des choses étaient amenés à se rencontrer. Et à stagner sur place, alors que le froid engourdissait leurs membres et embrumait leurs esprits. D'un voix tremblante tant elle grelotait, la bleu et bronze s'adressa au nouveau venu.

- Pourquoi pas. Tant que nous sommes là, autant se tenir chaud et compagnie.

Elle s'écarta légèrement. En langage corporel, cela signifiait que l'élève était convié à compléter leur cercle. Mais bon, si peu de gens parlaient encore cette langue silencieuse, de nos jours. Alors elle ne se faisait pas trop d'illusions, et une phrase inutile vint compléter son invitation.

- Viens donc nous raconter comment tu t'es retrouvé là.

Les politesses. Mon Dieu, elle les avait oubliées. Même dans pareil cas, il fallait les appliquer. Son corps les avait exprimées, bien sûr, mais tout le monde ne le comprenait pas. Il lui fallait pourtant bien connaître au moins le nom de leur visiteur.

- Comment t'appelles-tu ?