Opération spéciale

Rilla s'était montrée claire : il valait mieux d'emblée se rendre dans la forêt. Ahlys frissonna, se rappelant ce que son frère lui avait raconté. Jamais cet endroit ne l'avait vraiment effrayée, mais ce jour-là, tout était différent. Un sombre pressentiment naissait à présent en elle. Et si nous n'en ressortions pas ? Elle n'osait pas y penser. Elle réfléchit car il était temps pour elle de prendre une décision : partir ou rester. Elle n'était ni lâche, ni particulièrement intrépide. Que faire ?
- Je pense qu'il vaut mieux ne pas traîner, dit-elle dans un souffle. Plus nous nous posons des questions, moins la chance sera en notre faveur.
Elle empoigna plus fermement sa baguette, bien décidée à suivre ses amis. Elle glissa la main dans son sac et en ressortit du papier et un stylo à bille de fabrication moldue.
- Un genre de plume, signala-t-elle à Valens, qui descendait d'une famille au sang pur. Je vais m'occuper de tracer un plan au fur et à mesure que nous avançons, comme ça nous pouvons à peu près savoir où nous nous trouvons ; ce qui compte, ce ne sont pas les arbres, mais le chemin que nous faisons.

Valens et Rilla reprirent leurs chamailleries, débattant sur l'utilisation ou non de la lumière. Le Serpentard maintenait que cela revenait à du suicide, même en tentant de dissimuler leurs baguettes. La plus âgée des Serdaigle finit donc par céder, suivie d'un bref hochement de tête de sa cadette, même si cela allait compliquer la réalisation de son croquis. Elle finit par trancher :
- Dans ce cas, tant que nous n'en avons pas besoin, nous n'utiliserons pas d'éclairage. Si la situation change et que celui-ci devient indispensable, nous devrons nous y faire.
Elle espérait ne pas s'être montrée trop autoritaire, consciente qu'étant la plus jeune, elle était dotée d'une force de persuasion naturellement moins prononcée. Mais derrière cette décision qui s'apparentait à un ordre se cachait la prière d'une jeune fille pour que ses amis fissent fi de leur dispute.

Valens finit par lui affirmer qu'il la suivrait tandis que Rilla remontait à son niveau pour manifester son accord, signalant au passage qu'il était en effet plus judicieux de ne pas devenir des dangers pour eux-mêmes. C'était là en effet le dernier des souhaits des trois élèves. Rilla décida ensuite d'ouvrir la marche. Silencieuse, angoissée, mais trouvant du courage au contact de sa baguette, Ahlys la suivit. L'éclaireuse chercha toutefois conseil auprès de la plus jeune sorcière, lui demandant s'il fallait ou non s'enfoncer dès à présent dans la forêt. Ahlys ferma les yeux, tentant de sentir ce que son intuition lui dictait... Mais c'était en vain. Elle finit par lui répondre :
- Nous ne savons absolument pas à quoi nous attendre. Laissons-nous guider par nos pas, sauf si l'un d'entre nous a un pressentiment, ce qui n'est pour l'instant pas mon cas. Par chance nous serons peut-être guidés d'indice en indice. Quoi qu'il en soit, je tâcherai de tout noter précieusement.

Ahlys baissa la tête afin de se concentrer sur le plan qui commençait à naître sous ses yeux. Ayant une bonne perception des distances et des directions, elle laissa la pointe du stylo glisser sur le papier. Tenir à la fois feuille et baguette n'était pas tâche facile, mais elle devait s'y astreindre sans rechigner car il en allait de leur sécurité à tous les trois.

Rilla semblait vouloir désamorcer la tempête qui couvait. Sous le prétexte d'un risque d'embrasement, elle laissa temporairement tomber la lumière artificielle, du moins tant que le soleil de midi serait à même de perforer suffisament la canopée. Valens ouvrit des yeux ronds et la regarda passer, sans bouger, sans mot dire. Il ne s'était pas attendu à cela de sa part. C'était là plutôt ce qu'Ahlys aurait pu proposer. Il resta songeur un moment tâchant désespérément de pouvoir comprendre comment il devait se comporter avec la jeune fille. Il était plus perdu que jamais, ses mauvaises certitudes s'éffritant rapidement.

Ahlys se rangea alors au nouvel avis de sa condisciple, précisant bien que ne pas utiliser de lumière artificielle ne serait vrai que tant que la lumière naturelle serait suffisante et si tant est qu'ils n'en avaient pas besoin pour examiner un lieu précis. Le serpentard acquiesça alors en ajoutant verbalement que c'était là pour lui une évidence. Sa voix répondait à Ahlys, mais son regard suivait toujours Rilla des yeux, essayant de comprendre en vain.

- Bien entendu, je ne pensais pas autrement. Il s'agit de ne pas attirer outre mesure les problèmes, pas de nous handicaper nous même...

A défaut de pouvoir marquer de manière efficace les arbres, Ahlys proposa de se repérer grâce au sol et à la distance parcourue. C'était ingénieux bien que cela lui sembla assez difficile. Mais la serdaigle semblait avoir un don pour se rendre compte des distances ce qui manquait complètement au vert et argent. Il ne savait pas exactement si cette tentative serait couronnée de succès mais cela ne pouvait pas faire de mal. Et si elle y parvenait, ils ne se retrouveraient pas à érrer la nuit tombée dans cet endroit à la réputation sinistre. Il hocha donc la tête en signe d'approbation, regardant par la même son étrange plume moldue. Quel animal pouvait bien pouvoir voler avec des plumes si peu légère et avec si peu de résistance à l'air? Mais il se reprit bien vite, ce n'était pas vraiment le moment d'être curieux au sujet des habitudes moldues.

Les deux demoiselles étaient également d'accord sur le fait de se hâter. La chance tournait, la journée suivait son cours et l'auteur du phénomène avait surement autre chose à faire qu'à les attendre bien sagement là où il était actuellement. Rilla prit la tête et Ahlys la suivit. En conséquence, Valens prit la queue de peloton. Cela lui convenait, surveiller les arrières serait sans doute le rôle qui lui irait le mieux car il n'avait pas les spécificités des deux filles. Il murmura un "Après vous mesdemoiselles" et les suivit.

Ahlys mit tout de même l'accent sur les instincts, les pressentiments et les indices. Valens se fiait plutôt aux indices physiques pour ce genre d'affaire mais comme ils n'en avaient aucun, les deux autres catégories restait leur seule chance. Mais si les deux azur et bronze avaient un lien particulier avec le phénomène qui amélioraient les chances de ressentir la direction qu'ils devaient prendre, le jeune homme n'avait quant à lui pas eu la moindre réaction à cet appel. Il savait déjà qu'il se contenterait de suivre tout en ouvrant l'oeil et le bon. Plutôt que de se laisser guider par ses pensées, il en fallait de toute manière au moins un qui reste concentré en permanence. Il commenta les paroles de son amie.

- Vous deux êtes les seules à pouvoir guider si j'en crois nos réactions respectives à cet appel. Pendant ce temps là, j'ouvrirai l'oeil sur ce qui se passe autour de nous si cela ne vous dérange pas...

Il n'était en aucun cas vexé de cette situation et n'en éprouvait aucunement un sentiment d'inutilité. Par contre cela renforçait son impression, légèrement fausse, que c'était à lui pendant ce temps de veiller sur les deux autres. Son côté rationnel savait que chacun devait veiller sur les deux autres afin de pouvoir avoir une chance. Mais son coeur lui parlait d'un tout autre langage. D'une certaine manière, il se sentait une responsabilité envers elles.

Il pénétrèrent tous trois dans la forêt interdite et se dirigèrent sans faillir dans ses méandres. Même en plein jour, l'épaisse canopée faisait régner une pénombre dans les lieux. On pouvait y voir parfaitement mais c'était tout de même troublant de passer le seuil de cet étrange bâtiment qu'était la forêt. Suivant l'instinct des deux demoiselles, l'aventure commençait...

Rilla hocha la tête aux paroles de sa cadette. Ahlys avait raison, tant qu'ils ne trouveraient pas d'indices, ils n'avaient d'autres solutions que de se laisser guider par leurs pas. En l'occurenc par ses pas à elle, puisqu'elle ouvrait la marche.
Rilla essaya de ne pas se laisser gagner par l'angoisse et d'ignorer les conseils de sa raison qui lui soufflait de faire demi tour avant qu'il ne soit trop tard. Malgré ses sombres pressentiments, elle décida de poursuivre. Il le fallait! Elle le devait!

Enhardit par le fait d'être accompagné par Ahlys et Valens, elle continua donc d'avancer, silencieuse, s'enfonçant davantage dans l'antre obscure de la végétation.

Rilla essayait d'être attentive à son environnement. Plus que le danger, elle guettait un éventuel indice. Ses yeux allaient du sol aux arbres, rasaient les buissons, scrutaient les racines saillantes de la terre, étudiaient tout ce qui l'entourait. A présent que son regard c'était habitué à la sombre clarté des lieux, la serdaigle passait le moindre centimètre carré au peigne fin.

Suivant les consignes de Valens, à qui elle commençait, presque, à oublier d'en vouloir, elle évitait de toucher les arbres, et faisait très attention à l'endroit où elle posait les pieds.

Malgré toutes ces précautions, la chance ne dura pas bien longtemps. Quelques minutes à peine après être entré dans la forêt, une racine sournoise s'en prit à la jeune fille. Rilla qui venait de poser son pied droit sur le sol complètement lisse, bien que parsemé de quelques feuilles tombées des arbres, venait de soulever son pied gauche lorsqu'une racine sortit de terre, poussa littéralement sous ses pieds. La racine se souleva sous le pied droit de Rilla, qui déséquilibrée, s'étala de tout son long au sol.

Surprise, et essayant de comprendre ce qui venait de se passer. Rilla ne vit pas les lianes qui se déplaçaient silencieusement vers elle. Et quand elle prit appui sur ses mains posées au sol pour se relever, elle eut la désagréable surprise de sentir des lianes s'enrouler autours de ses poignets et la tirer violemment en avant.
Rilla tomba pour la seconde fois en quelques secondes à peine. Cette fois, son menton avait heurté le sol et la jeune fille ne put retenir une plainte de douleur.
- Attention aux lianes!!!! cria-t-elle à ses amis alors qu'elle était entrainé par la végétation vivante.

Rilla bougeait ses poignets dans tous les sens, si elle parvenait à obtenir un peu plus de mou, alors elle pourrait suffisamment manoeuvrer son poignet pour pouvoir pointer sa baguette sur les lianes qui l'attiraient elle ne savait où. Hélas, plus elle se débattait, plus les lianes enserraient ses poignets. Cela devenait douloureux. Très douloureux. Rilla serrait les dents, mais ne lacha pas sa baguette. Elle savait qu'elle ne devait surtout pas la perdre, surtout pas en ces lieux sombres et inquiétants.

Une promenade tranquille dans la forêt interdite, Valens aurait du se douter que cela ne puvait pas durer. Ne rencontrer aucun danger sérieux semblait trop demandé. Oui. Forcément. Un coupe-gorge sans danger n'était pas un coupe gorge. Mais il avait apprécié la promenade en forêt les quelques minutes qu'elle avait duré. Certes, son rôle de veilleur tenait ses sens en alerte et il regardait dans toutes les directions pour trouver des yeux les grosses créatures avant qu'elles même ne les repèrent. Toutefois, la grosse créature n'avait pas apparue.

Voyant Rilla trébucher et tomber, il sourit un instant de sa maladresse avant de se diriger vers elle pour l'aider à se relever. La jeune fille n'apprécierait probablement pas l'attention, mais il n'en avait cure. Cependant, son sourire s'effaça bien vite de son visage alors qu'elle se fit trainer sur le sol en criant une alerte aux lianes. Le monde s'arrêta un instant, réalisant avec horreur que l'une de ses protégées subissait une mortelle menace. Comprenant alors ce qui était en train de se passer, le serpentard bondit vers l'avant en incantant un premier, puis un second Diffindo qui tranchèrent les lianes qui la trainait impitoyablement vers le sol vers on ne savait où.

L'aidant rapidement à se relever, il lui dit rapidement.

- Vite courons hors de cette zone, il doit y...

Il ne finit jamais sa phrase qu'il avait pourtant si logiquement commencé. Il poussa rudement Rilla vers l'avant comme s'il avait voulu lui faire une très vilaine blague et il tomba une fois de plus. Décidément, le sol ne l'aimait pas aujourd'hui. Toutefois, à la place où elle s'était tenue juste avant, plusieurs autres lianes étaient subitement passées, venant du sol autant que tombant des arbres. L'une d'elle prit Valens à la gorge et il s'étrangla alors qu'il était soulevé de terre. Il s'était déjà élevé d'un mêtre quand il réussit enfin à informuler un autre Diffindo qui lui permit de se dégager.

Toutefois, il ne retomba pas au sol, il fut saisit par la taille et rudement pressé contre un arbre. La liane serrait tellement son ventre qu'il ne parvenait pas à la voir. De plus, elle venait de derrière et il ne pouvait pas la cibler avec un Diffindo. Sa situation lui paraissait mal engagé. Rilla quant à elle avait certes été poussée en dehors du piège qui menaçait de se refermer sur eux, mais une liane avait tout de même était lui enserrer brutalement le mollet droit et la tirait à nouveau vers une direction inconnue.

Une direction inconnue, qui ne resta pas inconnue bien longtemps. Un peu plus loin, les feuilles semblèrent glisser le long d'une pente tandis que trois pétales géants et hérissés d'épines luisante d'un poisons digestif s'ouvrirent du sol en une bouche infernale. Il ne fallut guère de réflexion à la jeune fille pour comprendre que c'était là leur destination finale. Le vert et argent quant à lui semblait encore ignorer tout l'horreur de la situation. Soulevé dans les airs et compressé, il ne songeait qu'à se débattre dans un combat qui semblait d'or et déjà vain. Ses imprécations fleuries ne semblaient pas dignes de son élégance habituelle mais les deux jeunes filles ne portèrent guère d'attention sur les paroles déplacées qu'il lançait à la plante qui se préparait pour son déjeuner. L'invitation semblait pour deux ou trois personnes, et ils n'eurent nullement besoin de lire le carton d'invitation pour en connaître le menu...

Après maints débats, argumentations et démêlés, le trio se mit en marche, mettant fin aux piétinements qu'ils avait faits jusqu'à présent. Ahlys fut surprise par la façon avec laquelle les arbres étaient liés entre eux, formant une imposante voûte végétale bloquant presque toute source de lumière. La première année préféra baisser les yeux et regarder droit devant elle, même si tout semblait au loin infiniment étendu. Elle prit soin toutefois de noter chacun de leurs changements de direction ; si elle faisait la moindre erreur et qu'ils se perdaient, elle se sentirait atrocement coupable. Elle avait du mal à contrôler ses mains qui devenaient fébriles tant la peur grandissait en elle.

Autour d'eux régnait un silence intimidant, entrecoupé seulement par leurs trois respirations. Profitant d'un bref moment de répit, Ahlys scruta les alentours à la recherche du moindre signe inhabituel, ce qui n'était de loin pas chose facile : n'étant jamais allée dans la forêt, comment savoir si telle ou telle chose était à sa place, si à tel endroit la luminosité était comme ci et pas comme cela... ? Ces questions hantaient la jeune Serdaigle. Sur ce point-là, il fallait entièrement se fier à Valens, qui était le seul à s'être rendu dans ce vaste labyrinthe. Juste avant de se remettre en marche, Ahlys vérifia que le Serpentard les suivait toujours ; par chance, c'était toujours le cas.

Alors que le petit groupe progressait, guidé par Rilla, Ahlys entendit un léger bruissement. Elle s'en étonna, car il n'y avait pas de vent, mais finit par se persuader que c'était probablement un animal qui s'était enfui à leur arrivée. A moitié rassurée, elle poursuivit le tracé de son plan qui commençait à s'étaler sur le papier. Lorsqu'elle redressa la tête, son cœur fit un douloureux bond dans sa poitrine.

Rilla était en train de se faire traîner au sol par des lianes probablement avides de chair fraîche. La Serdaigle poussa un cri de douleur tandis qu'Ahlys hurla de frayeur. Trop paniquée pour esquisser le moindre geste, elle resta là, pétrifiée, à regarder avec horreur le corps de Rilla se faire entraîner plus loin encore. Ne reste pas là ! Fais quelque chose ! vociférait une voix dans sa tête. Une série de picotements désagréable la parcourut, si bien qu'elle put à nouveau contrôler ses gestes. Lâchant sa carte et son stylo, elle s'empara de sa baguette et la pointa sur l'une des lianes.
- Bombarda ! s'exclama-t-elle.

Mais son esprit était encore trop brouillé, si bien que le sort n'eut aucun effet sinon d'attirer l'attention sur elle. Une liane meurtrière se détacha de Rilla et vint foncer dans sa direction tandis que Valens tentait à son tour de sauver Rilla.
- Diffindo ! cria Ahlys en dirigeant sa baguette vers la liane qui se rompit et tomba à terre, inerte.
La Serdaigle se mit aussitôt à courir en direction de Rilla, trébuchant à plusieurs reprises.
- Expulso !
Le sortilège atteignit sa cible, mais une autre liane vint la fouetter au visage tandis qu'une troisième la fit tomber à terre, si bien qu'elle lâcha sa baguette. Désormais retenue au sol, Ahlys tenta de tendre le bras vers sa précieuse arme, mais son poignet fut immobilisé, si bien que la Serdaigle n'eut d'autre choix que de hurler.
- VALENS ! A l'aide ! Essayez Legglutten ou Gonflus !

Mais Valens était lui-même gardé dans un puissant étau. Dans un élan de désespoir, Ahlys tenta de se détendre un maximum afin de faire croire au végétal qu'elle était morte et qu'elle ne représentait plus une proie intéressante. Mais c'était bien plus facile à dire qu'à faire. Se concentrant de toutes ses forces sur un événement agréable, Ahlys fit défiler dans son esprit le visage de Valens, de Rilla, de Katniss, de sa famille, de son précieux ami Cupcake. Seconde après seconde, son corps devint moins raide. L'étau cessa de se refermer et finit par la lâcher, cherchant une autre pâture.

Aussitôt libérée, Ahlys reprit sa baguette et courut le long des traces ancrées dans le sol. Deux marques semblaient plus profondes. L'on n'avait pas besoin d'être un savant pour deviner que c'étaient là les cages qui avaient pris au piège Rilla et Valens. Sans se retourner, sautant pour éviter les minuscules lianes qui tentaient de la saisir, Ahlys accéléra.
- Personnificatum bellicis ! cria-t-elle à bout de souffle pour faire s'animer l'arbre le plus proche afin de détourner l'attention des lianes qui continuaient de traîner ses amis.

Tout c'était passé tellement vite! Rilla réalisait avec effroi que la forêt n'avait pas attendu bien longtemps avant de se déchainer contre les trois intrus.

Projetée loin du danger par Valens, la serdaigle n'avait pas eu le temps de profiter de sa liberté nouvellement retrouvée. La seconde d'après une liane s'enroulait déjà autours de son mollet et la trainait vers son espèce de gueule pleine d'épines empoisonnées.

La jeune fille leva les yeux et vit que Valens était sanglé contre un arbre par les lianes, quand à Ahlys elle était maitenue au sol par d'autres lianes. Rilla ne réfléchit pas et agit aussitôt par réflexe: elle se débattit. Mal lui en prit car comme la première fois, la liane resserra davantage son étreinte et Rilla ne put retenir un cri de douleur. Immédiatement, elle arrêta de gigoter. Il lui fallait une idée et vite.

Hélas, aucune solution n'apparaissait à la jeune fille, qui paniquait de plus en plus au fur et à meure qu'elle se rapprochait de l'horrible gueule végétale. Soudain elle vit Ahlys. Son amie semblait courrir, elle avait réussi à échapper aux lianes mouvantes. Cette vision redonna de l'espoir à Rilla. Il était possible de leur échapper.

Sa confiance revenue, il était plus aisé pour la jeune fille de réfléchir efficacement. Deux idées s'imposèrent alors à son esprit: les flammes et la glace. Elle avait promis à Valens de ne pas se servir de la lumière, elle utiliserait donc la glace.

Se contorsionnant autant que possible, elle se concentra de toutes ses forces, faisant abstraction de la douleur et de la gueule qui l'attendait grande ouverte, elle lança son sortilège.

- Matinlutin malinpesti maxima!

Rilla réussit à geler une partie de la liane qui la maintenait prisonnière, sa course s'arrêta aussitôt. A présent qu'elle n'était plus trainée, elle réussit à s'asseoir, et donna un grand coup de pied de sa jambe libre sur l'endroit où la liane s'était gelée. Celle ci se brisa aussitôt, et Rilla put se relever. Elle informula aussitôt un "evanesco" sur la partie de la liane qui était resté accroché à son mollet.

Enfin libre, elle repartit en boitillant en sens inverse pour porter main forte à ses amis. Lançant le sortilège de gel chaque fois que c'était nécessaire. Elle fini par retrouver Ahlys.

- Ahlys...vous...vous allez bien? Où...où est Valens? demanda-t-elle essoufflée. L'inquiétude transparaissait dans sa voix.

Le cœur d'Ahlys battait à tout rompre, lui martelant douloureusement la poitrine. Plus progressait vers ses amis retenus captifs, plus elle avait l'impression de s'en éloigner inlassablement. La fatigue, la peur, la panique, l'adrénaline... tout cela la faisait incroyablement souffrir ; sa tête lui tournait, si bien qu'elle manqua de s'écrouler à plusieurs reprises. Sa baguette était toujours pointée vers l'arbre qui perdait de sa mobilité au fur et à mesure que des lianes épaisses s'enroulaient autour de lui. Un bruit de craquement sec retentit : l'arbre venait d'être brisé.

Avec soulagement, Ahlys vit que Rilla s'était libérée du joug des végétaux déchaînés. Le visage terrifié de Rilla lui glaça le sang ; Valens était introuvable. Le regard alerte de la jeune Serdaigle parcourut avec rapidité les lieux ; une odeur pestilentielle remonta jusqu'à elles. Du poison, probablement. Ahlys pria pour que ce ne fût en tout cas pas l'odeur de la chair humaine déchiquetée. Elle serra les dents, imitant Rilla qui lançait des sortilèges refroidissant dès qu'une liane était dans leur champ de vision. Ahlys se plaça dos à son amie ; elles risquaient ainsi moins de se faire attaquer par surprise.
- Je ne sais pas où il est ! JE NE SAIS PAS OU IL EST ! vociféra-t-elle pour couvrir les glissements des lianes sur le sol boueux. Reducto !

Les assaillantes semblèrent être de moins en moins nombreuses. Repérant une profonde trace au sol, Ahlys cria à Rilla qu'il était temps de se mettre à la recherche de leur ami.
- Leur nombre diminue, profitons-en pour nous déplacer avant qu'elle ne reviennent ! expliqua-t-elle.

Mais elle croisait les doigts pour que les lianes cessent enfin des les brutaliser. Rendez-nous Valens ! ordonnait Ahlys aux dernières plantes qui semblaient se diriger dans une seule et même direction. Apeurée, elle pointa du doigt le gros tas de... Mais qu'est-ce que c'est ?!

Tirant Rilla par le bras, elle courut dans sa direction sans même penser qu'elle pouvait y rester. Tout ce qui comptait pour elle était la vie de Valens.
- Si vous m'entendez, essayez de vous détendre !
Elle guetta la voix de son ami, mais n'entendit aucun son montrant qu'il avait compris ou qu'il était au moins vivant. Elle voulait absolument lancer une multitude de sortilèges sur les racines et les lianes, mais elle risquait de blesser Valens. Son regard se déplaça de cinq mètres vers la gauche. Il y avait un trou. Un trèèès gros trou.
- Là ! hurla-t-elle à Rilla. Je crois que c'est le cœur de la plante !

Mais celle-ci n'allait pas se laisser faire aussi facilement. Les cris d'Ahlys eurent l'air de l'énerver encore plus, si bien que la jeune Serdaigle écopa d'un violent coup de liane dans l'estomac. Elle se retrouva immédiatement les genoux à terre. Elle encouragea Rilla à combattre l'immense végétal ; elle la rejoindrait dès qu'elle se serait relevée. Une longue plainte de douleur s'échappa de ses lèvres bleuies.

Il entendit Ahlys appeler à l'aide. Il aurait bien voulu lui venir en aide, si seulement il n'était pas bloqué et compressé contre cet arbre. Il n'était même pas tourné vers elle et ne pouvait que l'entendre se débattre en restant impuissant, supplice à ses oreilles. Ironiquement, il se souvint qu'il était sensé les protéger. Dans cette situation, il n'était pas vraiment certain de pouvoir remplir correctement ses fonctions. Et tandis qu'il jouait à la chenille dans son cocon, il entendait les bruits de la bataille que menaient les deux demoiselles.

Ahlys lui cria qu'il devait se détendre. C'était facile à dire, mais saucissonné et écrasé, allant bientôt servir de repas, il devait avoué qu'il s'était déjà sentit bien plus détendu. Se détendre, se détendre. Il cessa déjà de gesticuler et respira lentement. Captif comme il était, il ferma les yeux en songeant au cocon dans lequel il s'était senti alors qu'il était dans les bras d'Alicia. Protégé et réconforté, apaisé et soulagé, aimé et choyé. Il n'y avait nul lieu où il se sentait à l'abri, nul lieu où il pouvait se détendre. Toutefois, il aurait jugé que dans ses bras, c'était ce qui ressemblait le plus à ce genre d'endroit. Laissant affluer ces souvenirs, il sentit bien vite qu'Ahlys avait raison. L'étreinte de la plante n'était plus aussi ferme.

Lentement, doucement, calmement, il remua ses doigts pour inverser le sens de sa baguette sans toutefois la lacher au sol. Tordant un peu son poignet, il chercha à taton à toucher la liane principale du bout du morceau de bambou et finit par y parvenir. Il devait être certain de ne pas déraper, il n'aurait le droit qu'à une seule chance car la liane réagirait probablement brutalement en cas d'échec. Cependant, il n'avait pas le loisir non plus de trainer. Chaque instant pouvait signifier la perte de l'une des demoiselles, chaque instant pouvait signifier sa propre perte.

Reducto!

La liane principale s’amenuisât considérablement et finit par lâcher sous la pression. Le jeune homme tomba alors au sol quasiment sur les deux jeunes filles embobiné dans les lianes, telle une momie végétale. La chute fut un peu rude et l'air quitta ses poumons un instant. Un gémissement franchit involontairement le seuil de ses lèvres mais fut bien vite réduit au silence. Maintenant qu'il était libre, il se débattait à nouveau dans tous les sens pour se débarrasser des restes de lianes autour de lui.

- Je vous ai manqué?

Commenta-t-il espièglement alors qu'il semblait avoir quelques difficultés à s'extraire de là. Sa position était vulnérable et il n'était pas vraiment en mesure de réagir à une attaque ainsi affublé de lianes, mais au vu de la position de sa main, il ne pouvait pas encore proférer d'evanesco sur les "bandages" de la momie qu'il était. En attendant, il demanda tout en continuant son manège pour s'extraire de là.

- Avez vous une idée brillante pour se sortir de là? Il me semble bien que nous sommes encerclé... Et le centre vers lequel nous sommes poussés ne m'inspire pas vraiment confiance...

Ajouta-t-il en ayant pu jeter un oeil vers ledit centre. Ce n’était pas tout à fait la plante décorative que l'on aimerait avoir chez soi. C'était plutôt eux le repas que cette plante aimerait avoir chez elle. Et malgré leur résistance manifeste et acharnée, elle ne semblait pas laisser tomber un repas aussi prometteur...

Ahlys avait l'impression que plus la plante semblait énervée, plus l'odeur nauséabonde était forte. Elle mit sa main libre sur son visage et se releva pour rejoindre Rilla. Valens avait tenu bon, gesticulant dans tous les sens pour tenter de se libérer de l'espèce de cocon qui le retenait encore prisonnier. Au vu de son humour, qui arracha un sourire à la jeune Serdaigle, il allait bien. Elle soupira de soulagement. En plus d'être encore capable de parler, il avait toute sa tête.

Afin de se débarrasser définitivement des lianes qui retenaient encore Valens, Ahlys tenta un Destructum minima, mais sa propre magie était trop faible pour faire céder le cocon. Elle réfléchit à un sort qu'elle pouvait lancer sans risquer de blesser Valens, puis décida d'y aller à l'ancienne, c'est-à-dire en se servant de ses petites mains pleines de boue. Elle tira de toutes ses forces, mais le cocon ne voulait décidément pas céder. Elle s'énerva et secoua avec vivacité la prison, oubliant totalement que quelqu'un y était retenu. Rilla vint lui prêter main forte ; à deux, elles parvinrent enfin à créer une ouverture, permettant à Valens de sortir. Ahlys lui tendit le bras pour l'aider à se relever.

Le cœur de la plante était à présent bien visible au-dessus du sol. Si l'immense végétal avait eu des yeux, il aurait fusillé les trois adolescents du regard. Ahlys dégagea ses cheveux de son visage en sueur tandis qu'elle essuyait sa baguette couverte de boue sur sa robe afin de la rendre plus efficace, puis regarda autour d'eux, cherchant le moindre moyen d'échapper à la plante. Mais c'était en vain ; il leur faudrait combattre ce fléau qui, de surcroît devait sûrement anéantir l'écosystème de cette partie de la forêt. La benjamine tenta de ragaillardir ses amis, sachant pertinemment qu'au fond, c'était elle-même qu'elle voulait rassurer.
- On ne flanche pas ! Ce serait honteux de se faire battre par un pissenlit géant même pas capable de sentir bon !
Soudain, une idée vint à l'esprit de la Serdaigle.
- Et si nous repoussions ce... truc en lui lançant un jet d'eau bouillante ? Il aurait besoin d'une petite douche, vous ne trouvez pas ?
Tenant fermement sa baguette, Ahlys attendit l'assentiment de ses alliés, prête à lancer le sort qu'ils jugeraient le plus utile.

Rilla n'avait plus le temps de réfléchir, seconde après seconde, elle bombardait les lianes mouvantes avec le sortilège de Gel. Elle devait user de toutes ses forces pour se concentrer car les lianes essayaient visiblement de l'encercler. Hélas, son esprit restait rivé à ses amis Entre Valens qui avait disparu sous des liasses de cordes végétales, et Ahlys qui venait de se retrouver projeter au sol, ne pas s'inquiéter pour eux pour rester concentrer sur ses assaillants, lui demandait un effort surhumain.

Enfin Ahlys et elle purent de nouveaux combattre côte à côte. Le soulagement de la serdaigle fut entier quelques instants plus tard quand Valens manqua leur tomber dessus.
Le jeune homme osa une plaisanterie, demandant s'il leur avait manqué.
La serdaigle leva les yeux au ciel, mais ne put s'empêcher de lui sourire. Elle était plus que soulagée, elle était heureuse de voir qu'il était encore de ce monde. Leur querelle passée semblait à présent très lointaine, et la jeune fille ne se souvenait d'ailleurs plus qu'elle lui en voulait, car du reste ce n'était plus le cas.

Ahlys les encouragea à poursuivre le combat, à ne pas flancher, tandis qu'ils étaient assaillis tant par les plantes que par une horrible odeur entêtante qui semblait émaner du coeur de la plante.

- Mouarf! Essayons de respirer le moins possible. Cette odeur ne m'inspire rien qui vaille.

Puis répondant à la proposition de son amie.

- Bonne idée pour l'eau bouillante, mais avant on va les occuper un peu autrement...

Rilla informula aussitôt un "avis", puis un "amplificatum" en visant les oiseaux apparus. Comme espéré, plusieurs lianes dévièrent et se dirigèrent vers les nouvelles cibles mouvantes dont elles s'emparèrent avec avidité.

- Prêts? demanda alors la serdaigle à ses amis. C'est maintenant où jamais!La jeune fille se concentra, visa sa cible avec soin, et sans plus tergiverser elle informula un "Lashlabask maxima" en visant le coeur de la plante.

Rilla reconnut que l'idée d'Ahlys de faire prendre une bonne douche chaude à la plante était plutôt bonne. Son aînée créa avec brio une série de petits oiseaux qu'elle grossit immédiatement. Les lianes tombèrent dans le piège, changeant de cible. Ahlys félicita à son tour son amie pour ce stratagème fort ingénieux, puis fit de même, bien que ses oiseaux fussent un peu moins gros que ceux de son amie.

Rilla et Ahlys n'attendirent pas l'assentiment de Valens pour commencer à contre-attaquer. La jeune Serdaigle lança un Lashlabask maxima. Deux puissants jets d'eau sortirent simultanément des baguettes des adolescentes. Ahlys tint sa baguette avec les deux mains afin de permettre un contrôle plus facile. Peu à peu, l'odeur commença à s'atténuer ; même les oiseaux ne semblèrent plus intéresser la plante, dont les lianes se tortillaient sous le coup de l'importante chaleur. La température ambiante n'étant pas particulièrement élevée, un nuage de buée s'éleva des deux jets, créant un rideau opaque qui empêcha le trio de voir correctement ce qui se passait au-delà.

Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, observant les lianes au sol qui, une à une, glissèrent péniblement vers le cœur de la plante qui semblait désormais inoffensive, à en juger les étranges plaintes qui s'atténuaient. Ahlys adressa un regard victorieux à ses deux amis... regard qui s'arrêta sur un détail qu'elle n'avait pas remarqué jusqu'à présent. Prenant soin de vérifier que le végétal ne leur ferait plus de mal, elle rompit le sortilège et pointa du doigt le sommet d'un des arbres qui les entouraient.
- Valens ! appela-t-elle. Je crois avoir retrouvé vos vêtements. En revanche, je ne suis pas sûre que vous puissiez à nouveau les remettre...

Les événements s'enchaînaient rapidement et les deux jeunes filles réagissaient très bien sous la pression à présent. Le serpentard libéré de sa prison végétale du respirer au travers de son col pour ne pas respirer les effluves que l'on soupçonnait toxiques. C'était probablement là une défense de la plante si jamais les choses tournaient mal. A vrai dire, il n'était pas complètement sûr que les choses tournaient vraiment mal pour la plante mais ils étaient au moins encore en vie, ce que cette dernière ne semblait pas apprécier. Elle goûtait d'autant moins la situation que ses proies se rapprochaient volontairement de son coeur sans être attachés ou trainés d'aucune façon, probablement une première pour elle.

Rilla lâcha de mignons petits oiseaux géants pour faire diversion et, au lieu d'attaquer le trio, les lianes prirent à la place les oiseaux au vol. Elles brisèrent leurs os creux dans un craquement sinistre de souris écrasée et firent exploser leur chair sous la pression de leurs liens et de leur colère. Les piaillements désespérés cessèrent très vite mais des gouttelettes de sang mêlées de vicères furent projetées un peu partout aux alentours.

Cependant, il n'eut pas le temps de s'attarder sur le spectacle macabre que venaient de lui offrir les deux serdaigles. Bien vite, elle lancèrent des lashlabask maxima et Valens fit de même sans protester. Il aurait bien pu arguer que lancer des sorts poussés à leur apogée était fatiguant mais ce n'était pas le moment de tergiverser. Seuls les vivants pouvaient lancer des sorts...

Ils combattirent donc la plante carnivore et coriace en... l'arrosant. Mais puisque cela fonctionnait, il ne chercha pas plus loin. La plante se rétractait et s'enfonçait dans le sol pour échapper au torrent, trop affaiblie pour tenter quoique ce soit. Ils étaient victorieux. Ils avaient survécu. Une sorte d'euphorie s'empara temporairement de leur humeur à cette idée et Ahlys lui désigna ce qu'il était advenu de ses vêtements sacrifiés. Quant à les remettre...

- Je passe. Je sais que je ne possède que peu de vêtements et que j'ai pu avoir toutes les peines du monde à les nettoyer de l'empestine du cours de botanique, mais là je crois que c'est trop, même pour moi. Disons que grâce à moi, un arbre aura moins froid cet hiver...

C'était complètement inutile bien entendu, mais avoir survécu amenait ce genre de plaisanterie. Il en oubliait même que ce n'était surement que le début de leurs ennuis...

Rilla se sentait épuisée physiquement mais surtout émotionnellement après la bataille qu'ils venaient de livrer. Elle essayait de ne pas penser que leur enquête ne faisait que commencer, et de ne pas remettre le bien fonder de cette dernière. Pourtant, si l'un de ses amis avait proposé de laisser tomber et de retourner à la sécurité qu'offrait leur école, elle ne se serait pas fais prier pour accepter. Hélas ou heureusement, personne ne songea y songer ou n'osa le dire aux autres.

La serdaigle aurait bien aimé pouvoir s'asseoir un peu. Outre la fatigue, son mollet la faisait toujours souffrir, mais elle n'osait pas. Elle préfèrait souffrir mille morts que s'offrir ainsi en pâture aux choses terrifiantes qui vivaient dans la forêt.
Instinctivement elle se rapprocha davantage de Ahlys et de Valens.

Quand sa cadette attira leur attention sur les vêtements de Valens qui se trouvait en altitude, Rilla leva les yeux pour les apercevoir. Elle se demandait si l'espèce de lézard de la veille s'y était où non intéressé, aussi ne fit elle pas attention aux commentaires de Valens.

La vision des vêtements du jeune homme déclencha quelque choses en elle. Elle réalisait à présent pourquoi Valens s'était opposé à ce qu'elle pénètre seule dans la forêt. Elle était également très admirative qu'il ait accepté de l'y suivre alors qu'elle ne se souvenait que trop de l'état dans lequel il était lorsqu'ils s'étaient rencontrés. Un profond sentiment, mélange de culpabilité, d'admiration, et de reconnaissante naquit dans le coeur de Rilla.

Elle s'avança posa sa main sur le bras du jeune homme et essaya de lui parler, mais les mots restaient coincés dans sa gorge, elle ne pouvait que le regarder. Finalement, elle renonça. Elle ne savait ni quoi dire ni par quoi commencer.

Quand elle eut à peu près retrouvé la maitrise d'elle même, elle informula un épiskey sur son menton pour le soigner, mais ignora le recurvit. Il y avait trop à faire sur sa tenue pour qu'elle décide seulement de commencer. Ensuite, elle ajouta, pensant tout haut, plus que s'adressant véritablement à ses amis.

- On devrait peut être récupérer les vêtemets de Valens...Ils comportent peut être des indices ou....quelque chose.

Rille se sentit soudain très bête, et s'en voulu de ne pas avoir réussi à sortir quelque chose de plus pertinent. Ses joues rosirent légèrement tandis qu'elle fixait ses pieds.

La plante avait baissé les... lianes. On a réussi ! criait l'esprit d'Ahlys. L'émotion qui la parcourait était si tenace qu'elle était incapable d'articuler le moindre mot. Tous trois avaient été blessés dans la bataille, mais aucun d'eux n'était mort ; aucun d'eux n'était mort. Ces pensées tourbillonnaient dans l'esprit confus et rassuré de la Serdaigle. Valens extériorisa son soulagement en faisant une remarque comique, mais Ahlys, encore sous tension malgré ses précédentes tirades humoristiques, ne parvint pas à lui sourire. Cependant son regard en dit long.

Rilla semblait également incapable d'articuler le moindre mot, aussi se contenta-t-elle de poser sa main sur le bras du Serpentard. Plusieurs secondes s'écoulèrent ainsi, dans un silence presque absolu. Ahlys profita de cet instant de répit pour s'éclaircir les idées, notamment en buvant une gorgée d'eau dans sa bouteille un peu écrasée, mais qui n'avait pas été percée. Elle en proposa à ses amis. La Serdaigle se rendit soudain compte qu'elle avait laissé tomber le croquis qu'elle avait fait. D'un mouvement un peu fébrile, elle pointa sa baguette vers la direction d'où ils étaient arrivés, puis murmura un Accio plan et stylo qui fit atterrir les deux objets dans sa main quelques instants plus tard.

Le temps était désormais à l'analyse du tout premier indice qu'ils avaient trouvé : les vêtements de Valens. Rilla eut la même idée qu'elle, proposant de les récupérer pour tenter de trouver une piste. Avant que quiconque pût exécuter un sortilège d'attraction, Ahlys leva la main, expliquant qu'il valait mieux faire léviter le tas de tissus et le faire venir à eux plutôt que de risquer de déchirer davantage les vêtements et donc d'effacer un éventuel indice, sachant également qu'il était pour le coup trop risqué de jouer les singes et de grimper sur le tronc lisse et fin.

Certes, Ahlys s'était jusqu'à présent montrée assez douée dans la maîtrise de la magie, mais ses compétences s'arrêtaient là ; à ce moment précis, elle avait le cerveau pour réfléchir, mais pas la dextérité pour agir. En silence, elle invita l'un de ses deux camarades à accomplir cette tâche.

Valens senti quelque chose sur son bras. Tendu comme il l'était, il frissonna et se tint prêt à réagir avant de se rendre compte qu'il s'agissait de la main de Rilla. Soulagé, il se détendit alors. Elle voulait probablement lui témoigner silencieusement de la sympathie ou exprimer sa crainte de l'avoir vu disparaître, emporté par les lianes. Dans les deux cas, c'était gentil de sa part et le jeune homme sentit un peu de courage revenir dans ses veines. Elle le regarda et il lui fit un sourire en coin, un sourire qui signifiait qu'il appréciait l'attention mais qu'ils n'étaient pas au bout de leurs peines (oui c'est très bavard un sourire Razz

).

Ils se guidaient à l'intuition des deux demoiselles et il n'allait pas remettre en cause l'intuition féminine. Pas maintenant qu'ils étaient jusqu'au cou dans les ennuis. Il avait été dubitatif mais qu'Ahlys ait retrouvé ses vêtements tendait à donner raison à leur méthodologie. Il espérait juste que le mode "intuition" était livré avec le module "esquive des périls mortel" et "retour à la maison en un seul morceau". Fort heureusement, Ahlys traçait un plan histoire de pouvoir retrouver leurs traces ensuite. Et repasser par les même pièges probablement...

Rilla affirma désirer observer de plus près les vêtements qui avaient décidé d'habiter dorénavant dans les arbres. Le serpentard soupira mais il ne pouvait pas lui donner tort. Il était vrai que, malgré une certaine répulsion, la théorie se tenait. De plus l'arbre semblait tout à fait normal et à
une distance respectable au cas où il déciderait brusquement de s'animer. Il n'aurait pas pris sérieusement en compte cette hypothèse ailleurs, mais dans cette forêt, il valait mieux se méfier...

Ahlys lui proposa de l'eau qu'il accepta en la remerciant. Ils risquaient de perdre plus que cette eau en sueur lors de cette aventure. Pendant qu'il buvait elle lui demanda d'éviter de déchirer plus encore ces vêtements et donc d'y aller en douceur. Inspirant, il se prépara à faire preuve de doigté. Se concentrant sur le vêtement et écartant tout le reste de ses pensées, il espéra ne subir aucune attaque pendant laquelle il serait terriblement vulnérable.

Windgardium Leviosa!

Il avait besoin d'un premier sort afin de dégager délicatement le vêtement des branches sur lesquelles il était suspendu. Puis il relâcha subitement le sort en incantant très vite le sort suivant.

Locomotor vêtements en loques!

Magiquement, il attira à lui ses anciens vêtements en douceur. Mais pris d'un doute, il ne les amena pas à lui. A la place il les fit tomber non loin d'eux. Son instinct à lui était plutôt un instinct de conservation et grand bien lui en prit. Car si tôt que le tissu eut touché le sol que la vermine s'éparpilla autour du vêtement, peu amène d'avoir été ainsi dérangée.

Il fit alors un pas en arrière avec une mine dégoutée et fit à la serdaigle qui en avait émis le souhait.

- Les vêtements de la demoiselle sont avancés. Ils sont à votre "entière" disposition pour tout examen approfondi... hrm...

De près, la bonne idée de la jeune fille lui semblait bien moins réjouissante. Devrait-il se proposer? Il hésitait beaucoup. En attendant, il verrait comment elle envisageait cette perspective. C'était peu être un moyen supplémentaire de cerner cette élève qu'il avait bien du mal à comprendre. Elle lui semblait tour à tour amicale et dévouée en vers lui ou orageuse et caractérielle. Il ne comprenait pas bien encore comment il devait se comporter envers elle, ni comment ces deux extrêmes pouvaient survenir si proches l'un de l'autre.

Rilla observa son ami faire venir à eux les vêtements coincés en hauteur. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il s'appliquait à les faire atterrir loin d'eux au lieu de les réceptionner tout simplement. Elle allait le lui faire remarquer lorsqu'une multitude d'horribles petites bestioles grouillantes et dégoutantes s'en échappa.

Rilla ne put retenir une moue et machinalement fit un pas en arrière. Son regard ne quittait pas le vêtement des yeux. Une lueur de méfiance éclairait son regard comme si elle s'attendait à ce que les loques, feus vêtements de Valens, ne s'en prennent violemment à elle, ce qu'elle n'était d'ailleurs pas loin de croire.

La serdaigle cru que Valens allait aller examiner ce qui avait été ses vêtements de plus pres, mais ce dernier invita son amie à s'en charger elle même.
Rilla posa un regard incrédule sur Valens, comme si elle ne comprenait pas bien ce qu'il attendait d'elle. Cela ne pouvait pas être vrai? Il ne s'attendait pas réellement à ce qu'ELLE aille examiner les loques. A vrai dire si, c'est exactement ce qu'il attendait d'elle.

Le regard de Rilla s'assombrit. Il exprimait toute la répulsion, la dégout, l'horreur que cela représentait pour elle, tout en formant une interrogation muette: Vous n'attendez pas VRAIMENT que MOI j'y aille n'est ce pas?

S'armant de courage, la serdaigle commença pourtant par boiter vers les loques avant de s'arrêter et de les fixer avec une impression indéchiffrable. Elle avait toujours eu une profonde horreur de tout ce qui s'apparentait de près ou de loin à des insectes ou des bebetes grouillantes ou visqueuse ou...Rilla frissonna. Non, elle ne pouvait vraiment pas! Se battre avec les lianes et leur coeur monstrueux lui semblait plus plaisant.

Elle pâlit! Tournant la tête vers ses amies, elle regarda d'abord Ahlys puis Valens, s'attardant sur ce dernier. Ses mains tremblaient légèrement et une certaine détresse se lisait dans le regard de la serdaigle. Elle parvint pourtant à s'adresser à son ami d'une voix calme. Elle s'efforcait de demeurer impassible, mais que cela lui coûtait.

- Euh...Je pense qu'il vaudrait mieux que ce soit à vous d'y aller. Après tout, ce sont vos vêtements non?

Rilla rougit malgré elle, essayant d'éviter de chercher à deviner ce que ses amis pouvaient bien penser d'elle. Elle avait le droit d'avoir ses faiblesses après tout, même si elle faisait tout pour les cacher. Elle espérait juste qu'ils commençaient à suffisamment la connaitre pour ne pas penser qu'elle se permettrait un caprice en pareil lieu, pareille occasion. Elle baissa la tête, et une nouvelle fois fixa ses pieds.
*Je ne peux vraiment pas y aller.* s'en voulait Rilla, dégoutée de sa propre faiblesse.
Plus elle essayait de maitriser ses tremblements et plus ces derniers semblaient s'accentuer. La bataille qu'ils venaient de livrer avait fragilisé la jeune fille qui sentit ses yeux la picoter. Fermant les yeux, elle se concentra sur sa respiration et fini finalement par retenir ses larmes et étouffer ses tremblements. Elle resta pourtant dans cette attitude méditative quelque temps encore. Elle en avait tant besoin, pour se reprendre et pour retrouver un minimum d'estime d'elle même. Elle était décidément loin d'être véritablement courageuse! Etait elle seulement utile à ses amis?