Opération spéciale

Rilla observa son ami faire venir à eux les vêtements coincés en hauteur. Elle ne comprit pas tout de suite pourquoi il s'appliquait à les faire atterrir loin d'eux au lieu de les réceptionner tout simplement. Elle allait le lui faire remarquer lorsqu'une multitude d'horribles petites bestioles grouillantes et dégoutantes s'en échappa.

Rilla ne put retenir une moue et machinalement fit un pas en arrière. Son regard ne quittait pas le vêtement des yeux. Une lueur de méfiance éclairait son regard comme si elle s'attendait à ce que les loques, feus vêtements de Valens, ne s'en prennent violemment à elle, ce qu'elle n'était d'ailleurs pas loin de croire.

La serdaigle cru que Valens allait aller examiner ce qui avait été ses vêtements de plus pres, mais ce dernier invita son amie à s'en charger elle même.
Rilla posa un regard incrédule sur Valens, comme si elle ne comprenait pas bien ce qu'il attendait d'elle. Cela ne pouvait pas être vrai? Il ne s'attendait pas réellement à ce qu'ELLE aille examiner les loques. A vrai dire si, c'est exactement ce qu'il attendait d'elle.

Le regard de Rilla s'assombrit. Il exprimait toute la répulsion, la dégout, l'horreur que cela représentait pour elle, tout en formant une interrogation muette: Vous n'attendez pas VRAIMENT que MOI j'y aille n'est ce pas?

S'armant de courage, la serdaigle commença pourtant par boiter vers les loques avant de s'arrêter et de les fixer avec une impression indéchiffrable. Elle avait toujours eu une profonde horreur de tout ce qui s'apparentait de près ou de loin à des insectes ou des bebetes grouillantes ou visqueuse ou...Rilla frissonna. Non, elle ne pouvait vraiment pas! Se battre avec les lianes et leur coeur monstrueux lui semblait plus plaisant.

Elle pâlit! Tournant la tête vers ses amies, elle regarda d'abord Ahlys puis Valens, s'attardant sur ce dernier. Ses mains tremblaient légèrement et une certaine détresse se lisait dans le regard de la serdaigle. Elle parvint pourtant à s'adresser à son ami d'une voix calme. Elle s'efforcait de demeurer impassible, mais que cela lui coûtait.

- Euh...Je pense qu'il vaudrait mieux que ce soit à vous d'y aller. Après tout, ce sont vos vêtements non?

Rilla rougit malgré elle, essayant d'éviter de chercher à deviner ce que ses amis pouvaient bien penser d'elle. Elle avait le droit d'avoir ses faiblesses après tout, même si elle faisait tout pour les cacher. Elle espérait juste qu'ils commençaient à suffisamment la connaitre pour ne pas penser qu'elle se permettrait un caprice en pareil lieu, pareille occasion. Elle baissa la tête, et une nouvelle fois fixa ses pieds.
*Je ne peux vraiment pas y aller.* s'en voulait Rilla, dégoutée de sa propre faiblesse.
Plus elle essayait de maitriser ses tremblements et plus ces derniers semblaient s'accentuer. La bataille qu'ils venaient de livrer avait fragilisé la jeune fille qui sentit ses yeux la picoter. Fermant les yeux, elle se concentra sur sa respiration et fini finalement par retenir ses larmes et étouffer ses tremblements. Elle resta pourtant dans cette attitude méditative quelque temps encore. Elle en avait tant besoin, pour se reprendre et pour retrouver un minimum d'estime d'elle même. Elle était décidément loin d'être véritablement courageuse! Etait elle seulement utile à ses amis?

Surprise, peur, dégoût... Tous ces sentiments parcoururent Ahlys lorsqu'elle remarqua quelles jolies bestioles avaient élu domicile les vêtements en loques de Valens. La Serdaigle détourna les yeux, mais le bruit des insectes grouillants persistait. Comme Rilla, Ahlys fit un pas en arrière, complètement désemparée face à ces monstres visqueux et vicieux. La jeune Serdaigle finit par définitivement s'écarter du groupe pour vomir tout ce qu'elle avait dans l'estomac. (Bon appétit !) Mal lui en prit puisque les bestioles, attirées par ce nouveau mets, se ruèrent dessus sans vergogne. Les pastilles de gerbe des célèbres Weasley n'auraient pas fait mieux.

Ahlys crut qu'elle allait tourner de l'œil. Effrayée, elle courut se réfugier dans les premiers bras venus, à savoir ceux de Valens. Elle posa les mains sur ses oreilles pour ne pas avoir à entendre les répugnants bruits de succion. Rilla n'avait pas particulièrement envie de se pencher au-dessus du tas de tissus informe, encourageant le Serpentard à y aller lui-même. Il était également clair qu'Ahlys n'était absolument pas prête à accomplir cette tâcha à la place de son ami.
- Je risque d'abîmer les preuves, dit-elle la voix tremblante, tentant de combattre la nausée par un humour assez douteux, il fallait le reconnaître. Mais je crains que ces... choses se soient chargées d'effacer les indices... En tout cas il devait y avoir de quoi manger, sinon elles ne seraient pas restées là... Elle eut un nouveau haut-le-cœur mais parvint à se contrôler ; de toute manière, elle n'avait plus rien à régurgiter. Ce qu'il y avait dans les vêtements devait être en petite quantité... Vous avez vu comme moi à quel point elles sont affamées.

Elle hésita à leur proposer de les donner en pâture à leur amie la plante, mais elle se retint à la dernière seconde, confrontée à un problème technique de poids : comment les y amener sans les toucher ? La Serdaigle délivra Valens de son puissant étau et courut six mètres plus loin pour rendre tripes et boyaux. Ah ben si, il lui restait quelque chose dans le ventre, finalement !

La jeune fille si prompte à vouloir récolter des indices sembla quelque peu réticente à l'idée de plonger dans cette masse grouillante. Il ne pouvait que la comprendre sur ce point, il sentait lui même la nausée monter en lui. Rilla approcha mais finalement affirma d'une voix mal assurée que ces vêtements appartenant au jeune homme, il n'était pas correct qu'elle fouille dedans. Oubliant alors sa nausée, Valens eut un rire qu'il essaya de réprimer au plus vite pour ne pas trop attirer l'attention et répondit à la serdaigle. Cette dernière avait reculé, s'éloignant de la scène non sans être parcourue de frissons.

- Effectivement, vous marquez un point. Mes affaires, ma fouille.

Il abandonnait facilement la partie. En réalité, il n'avait pas trop compté sur sa fouille. Il avait seulement voulu analyser ses réactions progressives face à cette situation, évaluer sa fierté et ses craintes. Mais il ne voulait pas non plus ni la fâcher, ni la mettre en facheuse posture, d'autant plus que ce n'était pas forcément sans danger. Il se méfiait des insectes présent dans ces bois, non seulement par une forme instinctive de dégoût, mais également parce que la plupart semblaient trouver que le corps humain était un nid d'une chaleur constante où pondre leurs oeufs et que leurs larves affamées pouvaient se nourrir à loisir avant d'en sortir. Cette perspective ne le réjouissait pas plus que cela et il n'appréciait pas énormément avoir des choses grouillantes sous sa peau.

Ahlys qui était également non loin des vêtements fut prise de plus que des nausées, elle vomit son déjeuner près d'eux et ces derniers se jetèrent sur cette mane inespérée dans un bruit écoeurant. Le jeune prit une grande inspiration pour conserver sa maîtrise de lui et ne pas imiter sa condisciple. Cette dernière écouerée et effrayer, vint se jeter dans ses bras, essuyant au passage son museau contre sa robe de sorcier. Avec un soupir, il songea que sa garde robe maigrelette était mise à rude épreuve et qu'il lui faudrait faire très attention s'il ne voulait pas devoir aller nu en cours. Il referma tout de même ses bras autour d'elle pour la rassurer.

Lorsque elle s'éloigna pour vomir à nouveau plus loin, Valens en profita pour utiliser un petit recurvit discrètement. Elle affirma ensuite que vu son état, elle risquait forcément de nuire aux indices que l'on pouvait y trouver. Valens fit un petit sourire accompagné d'une moue qui en disait long. Puis il se retourna vers la masse grouillante en saisissant un morceau de bois au passage. Il essaya de contourner le vêtement pour arriver du côté opposé au festin. A son approche, les insectes semblèrent intéressés et se rassemblèrent vers lui. Il songea alors qu'il avait malheureusement vu juste. Cependant, il n'était pas tout à fait du même avis que ces insectes et ne partageait pas du tout son objectif.

Pointant sa baguette, il se prépara à user de magie contre eux. Il se mit de biais avant de commencer pour deux raisons. La première était importante, il ne fallait pas qu'il endommage les vêtements en chassant les insectes. La seconde était dérisoire, c'était juste pour... ne pas envoyer les insectes directement sur ses amies. Bon à la réflexion c'était également important. Elle seraient moins jolies et de bien moins bonne humeur avec des larves nourries de leur chair faisant irruption hors de leur peau comme des bubons éclatants.

Eolo Procella!

Dit-il dans un souffle tandis qu'une forte bourrasque dirigée sur l'endroit où étaient les insectes les envoyait au loin. Ces insectes étant partis en coup de vent, il incanta un nouveau "locomotor vêtements en loques!" et secoua ce qu'il restait afin d'éviter les insectes restés dedans. Ce qu'il en tomba n'était pas vraiment des insectes adultes mais plutôt des larves. Légèrement rassuré mais toujours aussi dégouté, il souleva le vêtement à l'aide de son baton avant de faire son rapport...

- Et bien... Je vois des larves empêtrées dans une épaisse salive visqueuse contenant des petits bouts de viande putréfiés qui servent probablement de nourriture aux larves. Je vois des petits os de rongeurs aussi. Et quelques traces de crocs aussi. Quelques copeaux de bois pourri recouverts d'une sorte de champignon luminescent. Qu'en dites vous?

Diffile d'avoir plus qu'une théorie ou une opinion à ce stade. Ces indices pouvaient dire tout et n'importe quoi. Valens penchait pour un reptile dressé et nourrit avec des souris, mulots, écureuils et autres petits rongeurs. Mais il séchait au sujet des copeaux de bois et des champignons.

Rilla qui avait également failli se délester de son déjeuner lorsque Ahlys était allé vomir pour la seconde fois, du faire un gros effort pour contenir sa nausée. Elle y parvint tout de même, mais préférait garder les yeux dirigés sur le sol pour plus de sûretés. Elle était toujours très pâle mais n'avait plus besoin de lutter contre ses tremblements. Ces derniers ayant fini par s'estomper progressivement.

Quand Valens accepta d'aller lui même examiner feus-ses-habits, Rilla en fut profondément soulagée et lui aurait probablement été davantage reconnaissante si le rire de ce dernier ne s'était pas élevé après qu'il l'eut obligé à mainifester sa faiblesse. Une fois n'étant pas coutume, elle ne le lui reprocha pas, et ne lui en voulu pas davantage.
Elle se fit simplement la réflexion que c'était la deuxième fois qu'elle l'entendait rire et que les deux fois cela avait été à ses dépens. Curieusement cela la rassura. Elle n'apportait pas que des inquiétudes à son ami finalement, elle était même capable de l'amuser. Certes pas volontairement, mais elle en était quand même capable. Cela la ragaillardie! Pas suffisamment cependant pour qu'elle regarde les manoeuvres de Valens avec son vêtement en loques et les bestioles grouillantes qui y avaient élus domicile.

C'est seulement quand il commença à leur faire l'inventaire de ce qu'il y voyait, que la serdaigle osa enfin lever les yeux vers lui, non sans frissonner.

- Des crocs? Pourraient ils appartenir à l'espèce de monstre que nous avons vu hier soir?

La curiosité l'emportant, et parce qu'elle se sentait davantage rassuré à présent que Valens avait repris ses droits sur le vêtement, Rilla fini par boiter jusqu'à son ami, tout en veillant à garder une distance suffisante entre les loques et elle.
Puis, elle étudia à son tour les indices découverts par le serpentard.

- Oh! Vos loques auraient elles servis de nid? réfléchit-elle à voix haute.

- Eh Ahlys! Venez voir un peu ça!

Lentement mais sûrement, au fur et à mesure qu'elle retrouvait sa confiance en elle, la serdaigle reprenait aussi quelques couleurs.

- A quoi peuvent bien servir les copeaux de bois et les champignons? A recréer une espèce d'abris ou de nid naturel? Mais pourquoi si haut? Et puis, d'où viennent ces copeaux de bois?

Le cerveau de la serdaigle tournait à plein régime. Elle savait qu'ils tenaient là quelque chose d'important, mais il leur manquait la clef qui leur aurait permit de comprendre les indices découverts.

- Je ne sais pas si je dois me réjouir ou pas de cette découverte, murmura-t-elle pour elle même.

La jeune fille curieuse mais pas téméraire s'enquit de l'animal à qui pouvait bien appartenir les crocs qui avaient fait ces marques. Elle voulait particulièrement savoir si le reptile de la veille en était le responsable. Haussant les épaules, il répondit à ses interrogations dans la mesure de ses capacités... c'est à dire assez pauvres dans le domaine. Après tout, il ne s'était pas proposé comme stagiaire à la boutique d'animaux magiques parce qu'il savait tout dans ce domaine mais pour l'opportunité d'apprendre que cela apportait.

- Hm... possible. Mais ne comptez pas sur moi pour vous l'assurer. D'une part parce que je ne suis pas allé hier soir lui demander d'ouvrir la gueule afin de prendre ses empreintes dentaires. D'autre part parce que le premier cours de soins aux créatures magiques portait sur les créatures aquatiques. M'enfin c'est possible...

Probablement insatisfaite par sa réponse, la serdaigle vint voir de plus près le vêtement dont le propriétaire en soulevait un pan à l'aide de son baton. Observant le curieux spectacle par dessus l'épaule du vert et argent agenouillé, elle se fit la réflexion que ces habits avait potentiellement servi de nid. Un nid? Il avait beau s'occuper d'animaux à la boutique, il ne fallait pas pousser au point de lui faire perdre sa chemise pour le bien être de leurs petits...

- Mieux vaut ces oripeaux que ma propre peau. De toute manière nidera bien qui nidera le dernier.

Enhardie par son audace, Rilla alla même jusqu'à inviter Ahlys à les rejoindre. Face à ses découvertes, elle semblait avoir oublié que l'état dans lequel elle était auparavant ressemblait à s'y méprendre à l'état actuel de sa condisciple. Elle s'interrogea à nouveau sur la raison de la présence des copeaux et des champignons ainsi que la raison de la présence si en hauteur de ces frusques. Haussant les épaules, le jeune ne vit pas quoi répondre. Pour éloigner les petits du danger comme les oiseaux? Pour des oiseaux peut être... A moins que ces insectes savaient voler à une étape ou une autre de leur développement? Il crut juste bon de rajouter...

- Les champignon aiment les lieux sombres et humides. Cela dit dans cette forêt, c'est peut être ce que l'on trouve le plus. Après ce champignon a peut être quelque chose de particulier mais je ne serais pas capable de le dire. A moins d'en faire une mixture et de lancer un Specialis Revelio, mais je ne sais si cela nous avancera, même en ayant le nom de l'ingrédient...

Sa légère contribution avancée, il compta sur les deux serdaigles pour penser. Après tout, c'était leur spécialité, non?

Valens accepta de jouer les gentlemen jusqu'au bout en procédant à la récupération et l'énumération des indices recueillis. Il nettoya en vitesse la petite tache qu'avait faite Ahlys en venant se coller à lui. Celle-ci fit mine de n'avoir rien vu, mais remarqua que décidément, le Serpentard n'était pas chanceux avec ses vêtements. Après avoir régurgité tout ce qu'elle pouvait, Ahlys se sentait moins nauséeuse. Elle se rapprocha de ses deux amis ; Valens balaya les bêtes en créant une forte bourrasque. La Serdaigle ne put s'empêcher d'avoir l'image de Moïse traversant la mer Rouge après que Dieu eut écarté celle-ci en un long couloir.

Son ami finit de se débarrasser des insectes qui étaient restés accrochés, puis fit une première analyse. Des larves, de la salive, de la viande putréfiée, des os de rongeurs, des traces de crocs, du bois pourri recouvert de champignons luminescents. Ahlys était assez proche de la nature, mais pas à ce point. Elle haussa les épaules ; Valens n'en avait aucune idée non plus. La Serdaigle se tourna vers Rilla dans l'espoir d'avoir une réponse à tous ces indices combinés. Celle-ci leur demanda s'il pouvait s'agir de traces de crocs venant du dragon. Ahlys évalua de tête la taille des trous et celle de la silhouette du dragon.
- C'est possible, dit-elle de concert avec Valens.

Ahlys s'arma de courage et s'approcha des vêtements pour observer plus en détails les champignons.
- Non... affirma-t-elle à Valens, qui supposait que les végétaux luminescents vivaient dans les lieux sombres. Je crois déjà avoir entendu parler de tels champignons. Au contraire, ils vivent en plein air et absorbent toute la lumière du jour pour pouvoir briller la nuit et effrayer les éventuels prédateurs...
Elle ne souvenait plus d'où elle tenait cette information, mais plus elle parlait, plus elle était certaine de ce qu'elle avançait.
- Ils doivent se développer dans les clairières... Elle leva la tête. Ou alors à la cime des arbres. Les vêtements ont dû en arracher quelques-uns en tombant... Et les bêtes ont sans doute été attirées par la lumière... et non repoussées... Peut-être que dans l'écosystème, ces bestioles ne sont pas faites pour manger ces champignons, sinon la lumière les aurait effrayées ; c'est donc la viande ou je ne sais quoi qui a dû également piquer leur curiosité... et leur estomac.

Elle marqua une pause puis tenta de faire une ébauche de scénario.
- Voici ce qui a pu se passer. Hier soir, j'expulse au loin les vêtements. Le dragon finit par les retrouver, les mord puisqu'il sent votre odeur, Valens. Elle se tourna vers l'intéressé. En les mâchouillant, il a à la fois déposé ces empreintes, mais également placé quelques morceaux de viande, sans doute les restes de son repas précédent (pourquoi pas des rongeurs ?), puisque d'après ce qu'on ma dit, de telles créatures ne se brossent pas les dents. Elle sourit et son visage reprit quelques couleurs. Il fait joujou avec mais finit par s'en lasser, balançant les vêtements sur cet arbre, vêtements qui retombent sur une branche en-dessous en arrachant au passage les champignons et le bois pourri auquel ils sont attachés. Enfin, ces insectes grimpent sur ce tronc qui va les amener tout droit à leur prochain déjeuner !

Elle reprit son souffle, se rendant compte qu'elle avait oublié de respirer tant elle était pressée de mettre des mots sur ce qui avait pu se produire. Elle attendit l'avis de ses amis.

Le visage de Rilla s'éclaira.

- Ô mais bien sûr! Cela se tient parfaitement!

La serdaigle toute heureuse des constations de son amie battit doucement des mains tandis que ses lèvres s'étiraient en un grand sourire. Soudain, elle se sentait euphorique, toute la lassitude qu'elle ressentait depuis qu'elle avait dû affronter les lianes s'était envolée. Elle retrouvait un second souffle.

Pourtant, aussi vite qu'elle était apparue sa joie s'envola. Un voile assombrit son regard et tua son sourire, alors que ses mains arrêtées dans leur geste, retombaient le long de son corps.

- En fait cela veut dire qu'on n'a pas réellement d'indice. on a juste des loques crasseuses....Euh...Désolé Valens.

Une pointe de désespoir teinta les paroles de la jeune fille qui se reprit presque aussitôt.

- Cela ne fait rien, nous finiront bien par trouver. Après tout, notre quête vient à peine de commencer, on ne pouvait pas s'attendre à tout résoudre quelques minutes à peine après avoir franchi le seuil de la forêt. Ce qui est dommage en revanche, c'est que nous n'ayons aucun moyen de communiquer avec cet arbre pour savoir s'il se trouvait déjà ici la veille où s'il a bougé entre temps. Enfin, j'aim à croire qu'il est resté à la même place, car nous ne sommes pas loin de l'endroit où nous avons livrés bataille hier soir et où le monstre à semblé disparaitre. Bon eh bien, on n'a plus qu'à continuer.

Bien que sa proposition ne l'enthousiasma guère, Rilla savait qu'ils ne pouvaient décemment pas abandonner avant même d'avoir réellement commencé leurs investigations. Retenant un soupir, elle se remit en marche avant de se retourner vers ses amis pour ajouter:

- Ah et euh au fait je vous laisse décider si vous souhaitez emporter les loques pour éventuellement comparer les traces de crocs par la suite avec ce que nous trouverons peut être, où si vous souhaitez vous en débarrasser. Pour ma part, un bon evanesco me semble tout indiqué et plus prudent.

Et sans attendre de réponse elle se remit en retour, boitant plus que marchant vers les obscures profondeurs de la forêt. La serdaigle craignait trop de changer d'avis et de faire demi tour pour attendre ne serait ce qu'une seconde de plus. Elle devait profiter du courage qu'elle avait au moment où il se manifestait.

*Eh ben, je crois que je n'ai pas trop à me demander pourquoi je n'ai pas été envoyé chez les gryffys.* se moqua-t-elle d'elle même en pensée.

Obliquant, pour ne pas passer près de l'endroit où se tenait le coeur de la plante qu'ils avaient combattus un peu plus tôt, et parce que son intuition lui soufflait que si elle partait du principe que l'arbre n'avait pas bougé depuis la veille, il serait plus intelligent de suivre la direction que les vêtements leur avait indiqué, elle passa devant l'arbre en question, s'écartant puis se baissant pour éviter quelques branches assez basses.

Rilla essayait de ne pas trop s'appuyer sur sa jambe au mollet douloureux, tout en se demandant si elle n'avait pas l'air trop cruche de boiter ainsi. Enfin, se rappelant qu'il valait mieux garder les deux yeux grands ouverts dans la dangereuse végétation, elle se concentra davantage sur son exploration et redoubla d'attention. Elle ne tenait pas à se laisser attaquer par surprise une seconde fois.

Sa baguette tenue bien fermement dans sa main droite, elle avançait, sa détermination retrouvée. Elle se risqua malgré tout à jeter un petit coup d'oeil par dessus son épaule pour s'assurer que ses amis la suivaient bien. Finalement, elle était bien contente de ne pas être seule à affronter les ténèbres et ses dangers.

Ahlys identifia précisément ces champignons. Contrairement à tous les autres champignons, il n'appréciaient pas l'ombre et l'humidité mais au contraire les endroits très éclairés. N'ayant pas de chlorophyle pour traiter l'énergie issue de la lumière, ils utilisaient une méthode inconnue ou utiliser la lumière sous forme de rauonnement et ainsi éloigner les animaux souhaitant faire d'eux leur repas. Ce phénomène les rendaient en quelque sorte unique et surement rare et il y avait fort à parier que même si leurs spores devaient se répandre, il ne devaient pas être faciles à trouver. Le serpentard commenta donc.

- Si vous avez raison, ils ne doivent pouvoir être trouvés qu'à quelques rares endroits et leur lumière doit être facilement visible à bonne distance.

La jeune fille énonça alors une théorie sur ce qui avait bien pu se passer au sujet de ces vêtements, de leur expulsion jusqu'à leur découverte quelques minutes auparavant. C'était une thèse qui comprenait des machouillages, des reliefs de repas, un lancer puissant et des insectes grimpants. Dans l'ensemble, cela pouvait tenir la route, même si le lancer des vêtements à lui seul semblait être étonnant pour justifier leur emplacement en hauteur, mais une étape intermédiaire pouvait probablement expliquer cela.

Le serpentard hocha la tête en signe d'acquiescement face aux pensées d'Ahlys mais quelque chose le chiffonait toujours. Il ne parvint pas à mettre le doigt dessus avant un moment. Mais tout à coup, il prit la parole. Il avait compris ce qui pour lui manquait le plus. Une question de taille si l'on puit dire car il doutait que le reptile pachidermique qu'ils avaient croisé ait pu accomplir l'une de ces étapes sans certaines circonstances importantes. Il en fit part à ses compagnons.

- Hm... Quelque chose cloche pourtant. Même si certains reptiles sont assez véloces et réactifs pour cela, comme les vipères, la plupart des autres sont trop lent pour pouvoir attrapper ainsi des rongeurs quant bien même ils en raffoleraient. Les rongeurs sont certes petits, mais sont également très réactifs et se faufilent facilement partout. La seule exception que je connaisse est le dragon de komodo qui les empoisonne et vient les manger trois jours plus tard. Mais ce n'était pas le cas du reptile géant et lourdeau que nous avons vu l'autre nuit. Quelque chose me dit que ces rongeurs n'ont pas été chassés par lui mais que quelqu'un les lui a fournit. Quelqu'un le nourrit. Peut être que quelqu'un l'a même apprivoiser ou dressé...

Le jeune homme ne releva même pas les commentaires de Rilla sur ses vêtements. Par contre il l'écouta attentivement lorsque elle fit un résumé de la situation et de leurs choix. En l'absence de meilleurs pistes, ils allaient probablement continuer de se guider à l'instinct en espérant pouvoir tomber sur d'autres indices tandis qu'ils s'enfonceraient dans la forêt. Elle recommanda également un evnesco sur les vêtements qui servait désormais de poche à larves pour insectes aggressifs et le vert et argent ne se fit pas prier.

- Evanesco!

Il ne resta lors qu'une masse grouillante dépourvue de délimitations précises. Il s'écarta alors pour ne pas prendre de risques et suivit Rilla dans la nouvelle étape de son périple, toujours en surveillant tout autour de lui les dangers potentiels à défaut de ne pas pouvoir lui aussi servir de guide...

Cela devait bien faire une bonne demi heure au moins que les trois amis marchaient à travers la forêt. Rilla était toujours en tête, elle ne tenait pas à exposer sa jeune amie qui s'employait à retranscrire aussi fidèlement que possible le chemin qu'elle leur faisait prendre. L'ainée des serdaigles songea alors que pour le moment elle facilitait d'autant plus la tâche de sa cadette qu'elle s'efforçait d'aller tout droit depuis qu'ils avaient bifurqué devant l'arbre porte loques.

Rilla avait également une autre satisfaction. Bien que son mollet la fit toujours souffrir, elle boitait un peu moins, son boitillement s'étant fait moins profond depuis quelques minutes. Elle espérait que ce dernier finirait par disparaitre avant que ses amis et elle aient regagné la sécurité du château de Poudlard.

Depuis l'attaque des lianes, ils avaient pu avancer sans être inquiété d'aucune façon. Et cela curieusement inquiétait beaucoup la jeune fille, qui trouvait la forêt bien calme, trop calme. Depuis la reprise de leur progression dans le lieu hostile pas un son ne leur parvenait. Ils n'entendaient aucun bruits provenant des habitants des bois sombres, même le vent ne murmurait plus, comme si toute trace de vie s'arrêtait à la lisière des tours végétales. De plus, Rilla se sentait observé, et cette impression s'accentuait à chacun de ses pas.

Pourtant la jeune fille se refusait encore à en parler à ses amis. Elle craignait de se faire des idées, car même si elle ne l'avait pas montré plus tôt, la théorie énoncée par Valens, lui avait glacé le sang. Elle avait tout de suite pensé à une bête dressée pour les attaquer. Et si leur combat de la veille n'était qu'un entrainement pour le monstre ou un divertissement pour son maitre, ou pire et si on avait réellement voulu les éliminer...Les élèves de Poudlard étaient ils tous menacés? Et quel rapport avec les lueurs? Etait-ce ainsi que le dresseur appâtait les proies pour nourrir son monstre?

Rilla avait conscience de se faire peur, peut être même inutilement, pourtant elle craignait encore plus de viser juste avec ses horribles supputations. Elle espérait sans trop y croire que le prochain indice qu'ils trouveraient, si indice ils trouvaient, leur apporterait des réponses ou à défaut les mettrait sur la voie.

Dix minutes plus tard, la jeune fille s'arrêta pourtant. La sensation s'était faite plus insistante, plus pesante, trop pesante, vraiment gênante. Aussi Rilla ne pouvait plus l'ignorer plus longtemps. Elle s'arrêta et scruta les environs avant de se tourner vers ses amis:

- Vous ne sentez rien de bizarre? Une sensation étrange comme si on était épié?
Elle avait dit cela d'un ton neutre mais ses yeux étaient graves. Elle sentait que quelque chose n'allait pas, mais elle ne savait ce que c'était, et cela lui déplaisait passablement et l'en inquiétait davantage.
Machinalement elle regarda leurs pieds, comme si elle craignait une nouvelle attaque des lianes vicieuses. Mais tout était normal.
*Tout semble normal, mais cela ne signifie que tout est normal,* songea Rilla sur ses gardes.
Les sens en alertes, la jeune fille attendait que ses amis se prononcent sur la question. Elle espérait encore se faire des idées même si elle n'y croyait pas trop. Mais si elle était seule à se sentir épié alors peut être que seule son imagination était à l'oeuvre. peut être ou peut être pas...

Rilla et Valens étaient d'accord avec la thèse qu'elle avait émise, mais le Serpentard rajouta un détail qui n'était pas sans importance : le dragon était probablement nourri par un individu. Ahlys frissonna, mais ne dit mot, préférant hocher la tête.

Le trio se remit en route. Ahlys demanda une pause au bout de quelques minutes, signalant seulement qu'elle devait changer de feuille. Elle contempla le premier plan, tentant de voir un quelconque indice sur le chemin parcouru, mais cela ne semblait servir à rien. Elle hocha la tête, signe qu'ils pouvaient se remettre en marche.

Plus ils avançaient, plus l'obscurité croissait. Ahlys, n'ayant pas de montre, était incapable de dire quelle heure il était, ou même depuis quand ils étaient entrés dans la forêt. Mais que ce fût une noirceur naturelle ou non, cela ne rassura pas la jeune Serdaigle, qui se sentait de plus en plus exposée au danger. Elle posa une main sur son visage et constata que celui-ci avait légèrement enflé après le coup vicieux de la plante toute aussi sournoise. Elle tenta quelques expériences corporelles, grimaçant, souriant, fermant fort les yeux, ouvrant la mâchoire le plus grand possible...
- Aïe ! s'exclama-t-elle après avoir remué son nez.
Elle sentit l'inquiétude de ses amis envahir l'atmosphère, mais elle les rassura aussitôt.
- 'Me suis pris un coup tout à l'heure, bougonna-t-elle en se tâtant le nez avec doigt. La plante n'a pas dû apprécier que je critique son odeur nauséabonde...
Elle rit nerveusement, mais une nouvelle douleur la calma aussitôt.

Ainsi, le trio reprit sa progression, chacun guettant le moindre indice susceptible de les guider vers une direction précise. Rilla semblait plongée dans ses pensées ; lorsqu'elle tournait la tête, Ahlys voyait que ses sourcils étaient froncés. Avait-elle vu quelque chose ? Son regard était tout aussi suspicieux. La jeune Serdaigle finit par hausser les épaules. Elle ne fait que se tenir sur ses gardes, pensa-t-elle. Elle ne se laissa pas distraire pour autant, poursuivant la réalisation de son plan avec application.

Rilla rompit soudain le silence ; elle avait l'impression qu'ils étaient épiés et se demandait si les deux autres adolescents le sentaient aussi. Ahlys hocha négativement la tête ; elle n'avait pas ce sentiment. Trop plongée dans son plan, elle n'avait pas eu le temps de se demander si quelqu'un ou quelque chose les surveillait. Elle s'arrêta de marcher, cherchant le moindre bruit suspect. Rien... Elle finit par se tourner vers Valens et lui lança un regard interrogateur.

Tous trois étaient à présent arrêtés. Ahlys scruta les alentours, puis son regard se figea sur ses pieds.
- Euh... C'est moi ou on est en train de s'embourber ?

La suite de leur périple s'était avéré calme. Très calme. Peut être trop. Et ce trop avait un sens lorsque l'on était dans la forêt interdite. L'absence de divers animaux plus ou moins dangereux était étrange. On aurait dit qu'ils évitaient leur chemin. Mais de quoi avaient-ils peur? Et plus important encore, les trois compagnons devaient-ils également avoir peur de ce qui pouvait éloigner les bêtes? Cette dernière pensée laissa Valens tendu et aux aguets. Mais il ingorait ce qu'il devait chercher de ses yeux et son ouïe. Il était même prêt à repérer une menace de son odorat si cela était possible. Mais tant que la menace restait si floue, le grand nombre des possibles était si vaste qu'il était bien en peine de repérer quoique ce soit qui ne soit flagrant.

Il suivait donc le cortège en prenant garde à leurs arrières, tout en gardant un oeil de tous côtés. Leurs flancs étaient en effet la zone la plus susceptible d'être assaillie. Cette vigilance constante était fatiguante mais nécessaire. Cette motivation s'accroissait en même temps que le sentiment d'oppression qui commençait à l'entourer. Le silence était anormal, pas un murmure, pas un bruissement ne venait troubler le silence de la forêt. En conséquence, les bruits de leur passage semblaient résonner partout autour d'eux. Cette absence d'animaux, ne serait-ce que quelques oiseaux, mêlés à ce silence leur donnait l'impression de danger imminent qui jouait sur leurs nerfs.

La tentative d'Ahlys pour détendre l'atmosphère leur arracha quelques maigres sourires, mais le coeur n'y était pas. Rilla s'arrêta afin de faire part de ses doutes à ses amis, elle se sentait épiée. Le serpentard ne put qu'acquiescer. On sentait dans sa voix une certaine tension, un souffle qui laissait penser à un poid poser sur sa cage thoracique.

- Pas un oiseau, pas même un mulot. Et ce silence... Comme si la forêt se refermait sur nous.

Il sentait cette peur qui s'insinuait subreptisciblement en lui peu à peu. Il aurait préféré un danger immédiat sur lequel déchaîner sa frustration plutôt que ce climat de peur qui érodait sa volonté et usait ses nerfs. Mais ce fut Ahlys en premier lieu qui remarqua ce qui clochait. Le vert et argent avait regardé de tous côtés, sauf en bas. Et bien mal lui en avait pris, car il s'enfonçait lentement mais inexorablement dans le sol. Chaque mouvement ne pouvant que l'enfoncer davantage, plus rapidement encore. Mais ses regards aux alentours n'avaient pas été vains. Il repéra des yeux luisants tout autour aux limites de leur champ de vision. Mais au moins le danger avait une réalité à présent, une réalité contre laquelle il pouvait combattre et lutter. Sa voix se fit plus ferme.

- Vous avez raison Ahlys. Et ces créatures qui nous encerclent attendent pour la curée. Soit nous mourrons noyés dans cette espèce de sables mouvants, soit nous serons dévorés lorsque nous serons vulnérable en essayant de sortir. Dans les deux cas...

Pourtant il fallait faire quelque chose. Il préférait périr au combat plutôt que de mourir noyé, une mort peu enviable. Pris d'un idée soudaine, il tenta quelque chose qui pouvait s'avérer salutaire.

Ascencio!

S'élevant dans les airs, le jeune homme échappa au bourbier et s'accrocha à une grosse branche d'un arbre au dessus d'eux. Peu à peu, les yeux se rapprochaient, tandis que certains d'entre eux semblèrent grimper aux arbres pour arriver par un chemin légèrement diffrent...

Ah non ! Ils avaient monté des stratagèmes pour se libérer de la menace d'un dragon, ils avaient osé se rendre dans la Forêt Interdite, ils avaient neutralisé une plante peu avenante, ils avaient même dû supporter la présence d'insectes absolument immondes... Ce n'était pas le moment de se faire aspirer par de la boue sous le coup d'œil sadique et affamé des bêtes aux alentours. Non, non et non !

Ahlys, plus agacée qu'apeurée par ces obstacles qui s'enchaînaient inlassablement sans leur donner une seconde de répit, n'en pouvait plus. Elle était éreintée, avait les pieds en compote, le visage en mauvais état et la gorge qui commençait à lui faire mal. Elle manqua d'accuser injustement ses deux amis de l'avoir embarquée dans cette aventure, mais au dernier moment elle se retint, à la fois étonnée de cette attitude, mais décidée de ne pas déclencher une dispute par-dessus le marché, querelle qui ne risquait pas d'arranger les choses, bien au contraire.

Valens eut le bon réflexe de se sortir du bourbier par un habile sortilège. Il était à présent agrippé à une branche épaisse et noueuse. Il semblait observer quelque chose ; Ahlys ne put entendre que des couinements. Elle se ressaisit ; énervée ou non, elle devait sortir de là, d'autant plus que la boue la répugnait. Elle voulut basculer sa feuille dans l'autre main pour pouvoir manier sa baguette avec plus d'aisance, mais le papier lui échappa. La Serdaigle tendit le bras pour tenter de le récupérer, mais c'était en vain ; et même si elle avait pu, un plan taché et illisible ne leur eût été plus d'aucun secours. Elle se résigna à tenter de se libérer, cherchant dans l'urgence une branche d'arbre à laquelle elle pouvait s'accrocher. Elle en trouva une, mais préféra la laisser à Rilla, qui en était la plus proche.

La boue aux allures de sables mouvants attaquait à présent ses genoux. Ahlys tourna la tête et finit par apercevoir un endroit qui était susceptible de la tenir à l'abri. Elle cria « Ascencio ! » et fut immédiatement projetée en l'air avec un bruit de succion assez répugnant. Par chance, la boue n'était pas suffisamment épaisse pour la retenir prisonnière plus longtemps. La première année se prépara à s'accrocher ; quand la branche qu'elle visait était suffisamment proche d'elle, elle l'attrapa, mais ses mains étaient glissantes, si bien qu'elle ne parvint pas à la saisir. Elle cria, mais par chance, atterrit sur une branche en contrebas. Elle gémit de douleur et eut tellement mal qu'elle s'évanouit presque aussitôt. Juste avant de fermer les yeux et de s'écrouler sur la branche, la joue contre le bois, elle vit s'approcher d'elle plusieurs paires d'yeux d'un bleu très pâle.

Rilla nota, non sans une certaine inquiétude que Valens partageait son sentiment sur l'étrangeté du silence qui les entourait. Ahlys trop absorbée par son travail de cartographe n'avait rien remarqué de suspect, du moins jusqu'à ce qu'elle baisse les yeux. Alors tout changea. L'endroit qui une seconde avant semblait paisible, devint soudain un piège mortel, et même un double piège mortel.

Le sol boueux se mit à les engloutir tandis que des yeux luisants étaient apparus et semblaient les encercler. Rilla frissonna tandis que la peur la gagnait. Parviendraient ils à s'en sortir cette fois alors qu'aucune issue ne semblait visible?

Valens, fidèle à lui même, réagit presqu'aussitôt. Il n'était jamais bien lent à trouver une solution où tenter quelque chose, contrairement à Rilla qui semblait toujours incapable de réagir pendant les premières secondes. Le jeune homme se servit du sortilège de propulsion pour se sortir du bourbier dans lequel ils étaient et se retrouver projeter dans les airs. Il se raccrocha à une branche, mais Rilla frissonna. Elle avait l'impression que les yeux se rapprochaient de son ami.

Ahlys ne fut pas longue à suivre l'exemple de ce dernier. Avait elle eut le temps de voir ce dernier se transformer en proie? Rilla en doutait? D'un autre côté rester là à s'enfoncer dans la boue n'était pas non plus une situation des plus plaisantes. Elle devait se décider et vite. Elle sentit une solution poindre dans son esprit cotonneux, mais n'eut pas le temps de la saisir. Elle vit avec horreur sa cadette manquer la branche qu'elle visait et s'échouer sur une seconde branche un peu plus basse. Le choc du être violent, car Ahlys perdit connaissance. Rilla vit alors avec horreur les yeux se rapprocher d'elle.

La boue à présent à mi cuisse, la jeune fille ne pouvait pourtant se résoudre à laisser ainsi son amie livrée à un péril imminent sans la moindre possibilité de défense. Une des bestioles, puis deux, puis cinq, commençèrent à se rapprocher dangereusement de sa cadette. Rilla crut reconnaitre des bébés acromentules, des créatures intelligentes, cruelles et carnassières.
L'ainée des serdaigles ne réfléchit pas plus avant, elle refusait que les sales petites bêtes monstrueuses s'attaquent à son amie, alors dans une tentative désespérée de leur arracher celle qui comptait beaucoup pour elle, elle informula un "Mobilicorpus" sur cette dernière.

Elle déplaça son amie loin des araignées hostiles, et la posa un peu plus loin sur le chemin par où ils étaient venus, là où le sol leur était demeuré ferme. Puis elle mit fin au sortilège grâce à un "finite incantatem."

Ensuite elle se tourna autant qu'elle le put vers Valens et vit que ce dernier aussi commençait à être sacrément en mauvaise posture. Se concentrant à nouveau elle réitéra son action et le déplaça sans lui demander son avis pour le poser auprès d'Ahlys. Quand elle le libéra du sort, elle ne put retenir un cri du coeur:
- Valens je vous en prie, dîtes moi qu'Ahlys va bien!

Malgré la boue qui lui arrivait à présent à la taille, l'inquiétude qui transparaissait dans son regard n'était dirigée que vers son amie. Pourtant, son inquiétude ne tarda pas à se transformer en horreur quand essayant d'échapper à son tour à la boue qui menaçait de la noyer, elle informula le sortilège de propulsion sans aucun résultat. A la troisième tentative, elle comprit qu'elle n'y arriverait pas...

Alors que Valens prenait un appui plus confortable et plus sûr sur sa branche afin de pouvoir voir où en étaient ses amies, il vit Ahlys s'élever à sa suite avec un ascencio. Il crut jusqu'au bout qu'elle allait être tirée d'affaire mais la vit avec horreur glisser de la branche sans pouvoir s'y agripper. En vain, il tendit la main pour la rattraper mais il se trouvait sur une autre branche, bien trop loin d'elle. Il n'eut même pas le temps de pointer sa baguette magique que la serdaigle s'écrasa sur une branche, perdant conscience par la même occasion. Le jeune homme ne put retenir une exclamation.

- Ahlys!

Et tandis que les arachnides approchaient de plus en plus, il vit que Rilla ne parvenait pas à s'extraire de la même manière de la boue. Elle avait surement trop attendue et le sort n'avait plus la force nécessaire pour l'extraire de la gangue de terre qui la maintenait prisonnière et l'absorbait peu à peu.

Rilla fit descendre Ahlys sur la terre ferme afin de ne pas risquer qu'elle ne tombe et ne pas qu'elle serve de diner aux acromentules toutes proches. Hélas, dès que le corps fut déplacé, ces dernières se déplacèrent également, ne comptant pas laisser passer un diner si généreusement offert par une personne inconsciente. Puis elle fit descendre de la même manière le serpentard qui pour une fois ne protesta pas. Toutes les acromentules changèrent alors leur stratégies. Celles dans les arbres se placèrent juste au dessus d'eux en couverture tandis que celles au sols se dirigeaient vers le festin.

Mais plus grave encore, Rilla essaya à son tour de sortir mais en pure perte. Elle n'avait que trop attendu et la gangue de terre qui l'absorbait progressivement rendait vains ses ascencio. Décidément, ce n'était pas leur jour. Valens était déchiré entre s'occuper d'Ahlys et sauver Rilla. Il savait que Rilla voudrait qu'il éloigne les acromentules d'Ahlys et que cette dernière aurait préféré qu'il évite à sa condisciple de se noyer. Mais entre les deux, que faire?

En désespoir de cause, il opta pour une solution intermédiaire. Il courut jusqu'au bord de la zone boueuse et pointa sa baguette en l'air en visant précisément quelque chose, une branche solide et épaisse. Il donna un avertissement à l'azur et bronze toujours en train de s'enfoncer.

- Je ne sais pas comment elle va mais tu risques de devoir aller voir par toi même. Prépare-toi à t’agripper, ça risque de sacrément te secouer.

Accio Branche!

Une branche se plia violement sous son appel, tant et si bien qu'elle se brisa et tomba quasiment sur eux. Valens l'esquiva sans problème mais Rilla se prit des petites branches dans la figure. Le serpentard s'excusa.

- Oups, je suis navré, mauvais calculs. Je recommence et hum... fait attention.

Accio Banche!

Cette fois la branche qu'il visait était clairement moins solide mais beaucoup plus souple. Elle parvint à se plier sans se briser et Valens accompagna son mouvement jusqu'à ce qu'elle atteigne Rilla. Si cette dernière parvenait à s'accrocher, elle serait probablement catapultée hors de la boue. Il prépara à son tour un Mobilicorpus afin de la récupérer au vol (et ne pas la voir s'écraser au loin dans un craquement d'os et une gerbe de sang).

Il revint ensuite vers Ahlys alors que les acromentules avaient préparé des toiles à projeter et se refermaient sur trois côtés autour d'eux, sans oublier celles qui s'étaient préparées au dessus d'eux. A présent, il était coincé. Mais il fit ce qu'il put pour protéger Ahlys avant l'inévitable. Il pointa d'abord un rocher avant de pointer Ahlys et formula un sort.

Hic Tueor!

Le rocher s'anima et vint tourner autour d'Ahlys afin de la protéger des attaques. Elle ne serait ainsi pas complètement sans défenses. Puis il pointa également l'arbre au dessus d'eux sur lequel les acromentules étaient perchées et en formula un autre avant de subir la curée...

Personnificatum bellicis!

L'arbre devint alors leur allié contre les arachniques. Et vu que certaines étaient sur lui, c'était un allié précieux...

Rilla hocha la tête quand Valens lui demanda de se préparer à s'agripper. S'obligeant à reléguer son inquiétude pour Ahlys au second plan pendant quelques secondes. Elle devait véritablement se concentrer si elle voulait lui être d'une quelconque utilité et accessoirement ne pas mourir noyer dans la boue mouvante.

La première tentative de son ami ne fut pas réellement ce que l'on qualifierait de réussite, et Rilla se prit quelques branches dans le visage, bien qu'elle essaya de se protéger du mieux qu'elle le put de ses bras. La seconde tentative de Valens pour la secourir fut la bonne. La minute d'après elle se trouvait agenouiller auprès d'Ahlys tandis que le jeune homme se servait de la nature comme alliée. Rilla en admira silencieusement l'initiative.

Bien décidé à ne pas s'éloigner de sa cadette, la serdaigle décida quand à elle, d'opter pour la solution qui leur avait sauvé la vie près d'une heure plus tôt. Elle mobilisa ses forces et ciblant les petites acromentules les une après les autres, informula à répétition le sortilège d'envoi de jet d'eau bouillante.

Elle savait qu'ainsi elle ne pouvait que gagner du temps jusqu'à ce qu'Ahlys reprenne ses esprits et jusqu'à ce que l'un d'eux ait l'idée avec un grand I pour les sortir de la situation déséspérée dans laquelle il se trouvait. Elle espérait que es forces lui permettrait de tenir suffisament longtemps pour cela.

Toutefois, les acromentules semblant devenir de plus en plus nombreuses malgré leurs efforts pour les repousser, Rilla ne put s'empêcher de penser que la meilleure des solutions étaient la fuite. En animant les arbres et en envoyant des jets d'eau bouillante aux horribles bestioles, et bien évidemment en courrant très très vite, ils avaient une chance de semer les carnassiers, et avec davantage de chance encore de ne pas se retrouver dans un nouveau piège mortel.

Bie évidement, cela n'était possible que si Ahlys reprenait ses esprits et toutes ses facultés, quand à elle, elle devrait faire un effort considérable pour oublier la douleur de son mollet et courrir en prenant appui sur ses deux jambes, dans le cas contraire, elle serait beaucoup trop lente.

Rilla exposa ses idées à Valens, le jeune homme était concentré sur les sortilèges qu'ils lançaient aussi elle n'était pas sûre qu'il l'écoutait ni même l'entendait. Elle lui détailla pourtant son idée, en soulevant la condition de l'état d'Ahlys, mais en omettant volontairement ce qui concernait son propre mollet. Si sa proposition plaisait au serpentard, ce serait à elle de faire en sorte de ne pas trainer sinon, elle espérait que sa faiblesse permettrait au moins à ses amis de s'en sortir.

Quelques intants plus tard un cri étouffé lui échappa.
- Je crois qu'elle nous comprenne Valens. Elles ont tout entendu. Elles ont tout entendu...

Décomposée et pâle, la serdaigle se rappela alors que les acromentules étaient dotées d'une intelligene semblable à la leur et du langage, leur langage. Et même si les bébés acromentules semblaient ne pas encore savoir maitriser l'art de la parole, elle aurait mit sa main à couper, eut égard à la réaction qu'avait eu les bestioles dans les arbres au dessus de leur tete, qu'elles avaient parfaitement compris ses paroles.

Ahlys ouvrit ses paupières. Son coccyx la faisait atrocement souffrir. Elle mit du temps à revenir à elle, se demandant ce qu'elle faisait écroulée par terre, entendant vaguement Rilla et Valens s'agiter autour. Quand enfin elle retrouva sa lucidité, elle aperçut la Serdaigle agenouillée à ses côtés, lançant ce qui semblait être des jets d'eau bouillante, sortilège qu'ils avaient utilisé auparavant pour éloigner la plante géante. Ahlys aperçut soudain une pierre qui tournait inlassablement autour d'elles ; elle crut tout d'abord halluciner, mais il s'agissait bien d'un minéral destiné à les protéger. La jeune Serdaigle ignorait totalement comment il était arrivé là, mais ne se laissa ronger par la curiosité. Ce n'était pas le moment.

Ahlys sursauta lorsqu'elle aperçut une énoooorme araignée poilue au regard vicieux s'approcher de sa main avec un bruit qui n'augurait rien de bon. Elle chercha à toute vitesse sa baguette. Introuvable. Elle n'avait pas la force de crier, aussi elle orienta le jet d'eau en tirant le bras de Rilla pour faire reculer l'acromentule qui avait été rejointe par d'autres comparses, également repoussées efficacement par le rocher. Elle profita de ce moment de répit pour fouiller toutes ses poches, non sans une plainte de douleur. Elle se redressa en grimaçant, tâtant le sol à la recherche de sa précieuse baguette. Elle tenta un vain Accio Baguette, sachant pertinemment que cela n'aurait aucun effet, mais savait-on jamais.

En plus d'avoir mal au bas du dos, une boule alla se loger dans son estomac ; complètement désarmée, désemparée, elle avait peur... Pire : elle était terrifiée. Elle allait expliquer la situation critique à Rilla lorsque celle-ci la coupa dans son élan, criant que les araignées comprenaient tout ce qu'ils disaient. Ahlys se retint au dernier moment ; si elle venait à parler, les arachnides n'hésiteraient pas à faire d'elle une proie bien plus potentielle que ses amis, ce qui en un sens, leur permettrait à tous les deux de survivre... Mais la jeune Serdaigle n'était pas assez courageuse pour se sacrifier, d'autant plus que le nombre des créatures croissait inexorablement.

Ahlys regarda sans grande conviction aux alentours, guettant la moindre trace de sa précieuse arme, de son précieux bouclier. A plusieurs reprises, elle encouragea Rilla à viser çà et là pour repousser les arachnides. Elle finit par lever la tête et aperçut un arbre massif se déplacer et frapper par d'habiles coups de branches les ennemies. La Serdaigle se demanda comment elle avait pu passer à côté de ce détail non-négligeable. Elle balaya ces questions en secouant la tête. Bien lui en prit ; elle la vit. Sa baguette était là-haut et semblait intéresser plus d'une bestiole. Les araignées tournaient autour, curieuses. L'une d'elles qui semblait avoir plus d'autorité, les écarta d'un mouvement de pattes et commença emprisonner la baguette dans un cocon. Les yeux d'Ahlys s'écarquillèrent avec horreur.

Par chance, les araignées spectatrices émirent des cris suraigus... puis se jetèrent avec colère sur leur chef, déclenchant une bagarre on ne peut plus meurtrière. Au moins une partie était pour l'instant hors d'état de nuire. Ahlys eut soudain une idée, qu'elle devait partager avec Rilla et Valens, qui se battaient toujours sans baisser les bras une seule seconde. Tant pis, si elle était comprise par les créatures ; c'était une question de vie ou de mort.
- Elles sont intelligentes, mais ça peut être un avantage pour nous ; lancez-leur un Mentum confusem ! Elles devraient se battre entre elles et faire moins attention à nous ! Par sécurité, l'un de vous peut continuer à utiliser Lashlabask !

Elle espérait s'être bien faite comprendre ; les araignées, en tout cas, parurent avoir tout enregistré, notamment l'aveu indirect que la Serdaigle état désarmée, et commençaient à se diriger dangereusement vers elle.