Qui n'a jamais rêvé de revivre une rentrée scolaire passé la trentaine ? Passer de la furie furieuse du Ministère de la Magie au calme studieux de l'Académie Poudlard : ça n'a pas de prix. Enfin calme studieux, ça c'est parce que les élèves n'ont pas encore fait leur rentrée. Je ne doute pas une seconde que le château me paraitra bien moins calme d'ici quelques jours.

Je pose mes cartables au pied d'un bureau, balayant du regard la salle de cours dans laquelle je suis maintenant chargé d'instruire les élèves. Après avoir passé plusieurs mois avec le jeune Wildsmith, je doute sincèrement qu'un élève puisse me malmener aujourd'hui... ce n'a pas été facile de quitter le Bureau des Aurors...

J'ai passé un tiers de ma vie à travailler pour le Ministère et suis resté sept ans à la tête du Bureau. J'ai vu des collègues partir, d'autres tout simplement disparaitre, et parmi ces collègues depuis quelques mois il y a également ma femme. C'est quelque chose de troublant que d'être constamment ensembles, pas désagréable, mais troublant.

Quoi qu'il en soit ce n'est pas qui m'a poussé à claquer la porte à l'administration... mais plutôt les gens qui gravitent autours et ceux qui détiennent le pouvoir. Le système dans lequel nous vivons est pourri et, malgré tous les moyens mis à leur disposition, les Aurors manquent cruellement de liberté. Moi, j'ai retrouvé la mienne !

Je reprends mes valises et commence à ranger leur contenu dans le bureau qui m'est réservé, accolé à la salle de classe. Une photo ici, une autre là, quelques bouquins pour garnir les étagères, parchemins et plumes neuves rangées dans un tiroir du bureau. Me voilà fin prêt ! Je n'était encore jamais entré dans ce bureau... le petit escalier de pierre qui y mène m'avait toujours paru infranchissable quand j'étais gamin. Pourtant aujourd'hui je suis là.

Le bureau est élégamment décoré, pierres apparentes aux murs et parquet ciré au sol, les vitres sont légèrement opaques à cause de l'âge... ou alors c'est un choix pour ne pas avoir trop de lumière en corrigeant les copies. Le bureau est massif, en chêne, rien à voir avec celui qui trône dans la salle de classe. La chaise a également l'air d'être bien plus confortable ici qu'en bas.

Étirant mon dos courbaturé, je m'empare de Fearn et lance quelques sortilèges de protection basiques autour de la porte donnant accès à mon bureau. Descendant doucement les marches de pierres, je réitère mes protections autour de la porte principale de la salle de classe. Enfin, pas tout à fait, j'inclus un sortilège conditionnel aux protections histoire de ne pas m'alarmer à chaque début ou fin de cours.

Voilà qui devrait être suffisant... il ne me reste plus qu'à aller faire connaissance avec mes nouveaux collègues... même s'il en est une que j'ai particulièrement hâte de voir.

Encore une ou deux copies et je rentre au domaine gris ! J'ai promis à Enzo d'être là pour le repas et je compte bien tenir ma promesse. En dehors du bruit de la plume grattant le parchemin, rien ne vient troubler le silence qui règne actuellement dans mon bureau et je dois bien avouer que c'est agréable. Les jours se succèdent, mais ne se ressemblent pas et bon sang que ce boulot peut-être épanouissant !

Pas de stress, pas de difficulté majeur et chaque jour apporte son lot de connaissances... vraiment : j'adore ce boulot. C'est le jour et la nuit ! Rien à voir avec ce que j'étais amené à faire au Bureau des Aurors. Je pense que je ne... Entrez ! Qui celà peut-il être à cette heure ? Les élèves devraient être en train de se préparer avant d'aller diner et les professeurs sont sans doute occupés à leurs cours du lendemain.

Mais pas tous visiblement, puisqu'un jeune élève portant les armoires de Serdaigles ouvre la porte de mon Bureau. Bonsoir. Je peux t'aider ?

Tout un programme ! Quel est le thème du devoir exactement ? Enfin si c'est réellement un devoir, parce qu'en dehors du professeur d'histoire de la magie, je ne vois pas qui d'autre que moi pourrait aborder ce genre de sujets. Encore que j'imagine assez bien Elly aborder les reliques de la mort au détour d'un de ses cours. Mais je doute qu'elle donne un jour un devoir sur ces trois là...

Je dépose ma plume dans son encrier et range mes copies dans le tiroir sécurisé de mon bureau. D'un geste du poignet j'invite le jeune homme à s'installer sur l'une des chaises face à moi et je joint les mains face à lui, attendant qu'il s'explique. Albus Dumbledore et Gellert Grindelwald sont deux hommes que tout oppose et que seules les reliques de la mort réunissent... que veux-tu savoir exactement ? Pose moi tes questions et je tâcherai de te répondre si c'est possible.

Je ne suis pas un spécialiste des artefacts, mais je connais l'histoire comme tout le monde. Par contre les deux personnages qu'il a évoqué m'ont longtemps passionnés en étant gamin, je pense pouvoir l'informer sur pas mal de choses, mais rien qu'il n'aurait pu trouver seul dans un bouquin de la bibliothèque. Curieuse démarche...

Menteur... je ne comprends pas quel est l’intérêt qu'il porte au sujet, mais il ne s'agit pas d'un devoir, c'est sûr. Peu importe, je vais le renseigner, peut-être que les explications viendront après. Pour comprendre l’intérêt qu'ils portaient l'un et l'autre aux reliques de la mort, il faut comprendre la vision qu'ils avaient du monde qui les entourait alors. Tout comme aujourd'hui les sorciers vivaient cachés des moldus et, tout comme aujourd'hui, certains pensaient qu'ils devraient asservir les moldus pour vivre au grand jour. Dumbledore et Grindelwald étaient également de cet avis.

Cette histoire se répète aujourd'hui avec l'ordre noir et ceux qui le compose... c'est triste. Là où ils se différenciaient, c'est dans la façon d'y parvenir et de traiter autrui. Comprenons nous bien, ils disposaient tous deux d'un niveau de maitrise sur la magie qui était extrêmement fort. Ils auraient pu révéler l’existence de notre monde au grand public, mais ils auraient eu bien du mal à contrôler la situation qui en aurait d’écoulée. Se montrer est chose simple, se défendre sur deux fronts est bien plus compliqué.

Peux-tu me citer les reliques de la mort ainsi que leurs pouvoir ?

Ses connaissances sur les trois reliques sont parcellaires ... mais il les connait dans les grandes lignes, c'est déjà ça. Précisons une chose... la pierre de résurrection ne ramène pas à la vie, elle se contente de matérialiser l'âme du défunt à la façon d'un souvenir et ce dernier n'a aucun consistance réelle dans notre monde. Pour ce qui est de la description des deux autres reliques, je n'ai rien à redire, c'est tout à fait exact.

La baguette de sureau n'est plus et la cape d'invisibilité doit encore être transmise de génération en génération au sein de la famille Potter. Quant à la pierre de résurrection, nul ne sais où elle a été perdue depuis bien longtemps... Un nouveau son de plume gratte le parchemin. À défaut d'être honnête, il est studieux. Vient une nouvelle série de questions, dont une qui m'arrache un sourire.

Dumbledore n'a jamais été le maître de la mort. Pour la simple et bonne raison qu'il n'a jamais possédé les trois reliques simultanément. Je me concentre quelques instants sur mes souvenirs, histoire de ne pas lui dire de bêtise. Ayant vaincu Grindelwald en duel, il est devenu maître de la baguette de sureau. C'est le père de Harry Potter qui lui confia la cape d'invisibilité avant sa mort et, si mes souvenirs sont bons, la pierre de résurrection a servit un temps d'Horcruxe.

Je hausse un sourcil devant sa nouvelle question. Ce n'est pas la question en elle même qui me surprend, mais sa façon de penser les choses et de les voir. Ce ne sont pas les choix de nos ancêtres qui déterminent la voix que nous prenons. Quant à la possession des reliques, elles ne font pas tout... Grindelwald possédait la baguette la plus puissante qui soit et il a été défait. Il en va de même pour Tom Jedusort. Et comme je te l'ai dit, la baguette de sureau n'est plus, il n'y aura donc plus jamais de maître de la mort au sens propre du terme.

Le garçon barre et rature sa feuille en corrigeant ses notes et ne manque pas de m'arracher un éclat de rire lorsqu'il touche à la vie intime des sorciers d'autrefois. Je ne sais pas d'où tu tiens ces informations mon garçon, mais qu'ils aient étés amants ou pas ce n'est pas ce qui leur aurait donné une descendance. Je pouffe tranquillement en réfléchissant à la question.

Si mes souvenirs sont bons, après sa défaite Grindelwald fut enfermé à Azkaban, avant d'y être tué de nombreuses années plus tard par Jedusor. Aucun écrit ne fait mention d'une descendance pour aucune de ces deux familles et pour ce qui est d'Alberfoth, son nom n'est que bien peu mentionné dans les livres alors sa vie privée... sa pique sur le ministère m'arrache un nouveau sourire. Possible...

Le tuer, peut-être pas, mais lui rendre la vie infernale et lui coller toutes les étiquettes du monde sur le dos... oui pourquoi pas. Il a un geste qui m’intrigue, il porte la main à sa poitrine, comme s'il tentait de se souvenir de quelque chose de personnel. Ses doigts semblent arrêtés sur une forme bien précise, un collier ? Navré, mais concernant leur vie privées respectives je n'en sais pas plus que ce qui est écrit dans les livres d'histoire de la magie et il n'est fait mention nul part d'une descendance pour eux.

Je me lève et vais jusqu'à la petite armoire de chêne qui se trouve contre le mur derrière moi. Je sort du meuble deux coupes ouvragées et un pichet de jus de citrouille frais. Tenant une coupe pleine au jeune homme, je m'installe face à lui en sirotant doucement. Ce n'est pas pour un devoir. Je me trompe ? Tu veux bien m'expliquer ?

J'ai l'impression qu'il ne veut pas aborder le sujet... après tout ça le regarde, que ce soit pour s'instruire, pour un devoir ou pour n'importe quelle autre raison, les informations qu'il me demande n'ont rien de confidentielles ou sensibles. Je vois... Terminant d'un trait mon verre de jus de citrouille, je jette un œil au cadran de ma montre histoire de m'assurer être encore dans les temps. Aurais-tu d'autres questions ? Je n'ai plus bien longtemps à lui accorder, mais si ses questions ne tarissent pas, je lui proposerai de nous revoir dans quelques jours pour approfondir le sujet.

C'est un concept remarquez, faire un cours dont le thème est libre et où je me contente de répondre aux questions des élèves. L'idée est bonne, mais en terme d'organisation et de temps je risque de ressortir lessivé de ce cours ! Les discussions de ce genre sont des plus intéressantes et elles me permettent d'apprendre à mieux connaitre mes élèves et leur façon de voir les choses. C'est une idée à creuser !

Je ne comprends toujours pas les emplois du temps des élèves. Sept années d'études fois deux regroupements de maisons donc quatorze groupes d'élèves, et chaque professeur dispose pourtant d'une après-midi de préparation où il n'est pas en enseignement direct avec les gamins ?

Alors oui, c'est sympa si on veut se boire un café ou flâner dans le parc, mais concrètement mes cours sont préparés pour le trimestre là alors autant vous dire que je m’ennuie sévère. Pas de copie à corriger, pas de cours à préparer et pour combler la tout aucun collègue avec lequel discuter puisqu'ils sont tous... en cours.

Trois coups légers me tirent de ma séance de râlerie, quelqu'un se trouve derrière la porte donnant à ma salle de classe. Quelqu'un serait-il finalement disponible pour un café ? Entrez ?