Je secoue légèrement la tête de gauche à droite lorsqu'il me demande si je n'ai pas à cette heure-ci. En fait, j'ai même deux heures de libres. Habituellement, je les passe plus à la bibliothèque ou dans le parc, mais aujourd'hui, j'ai trouvé mieux. Je m'installe en face de lui lorsqu'il m'en donne l'autorisation, m'asseyant avec le dos bien droit et la tête haute, comme on m'a toujours appris à le faire. L'attitude et les postures sont très importantes, elles renvoient tout de suite l'état d'esprit d'une personne. Et là, je suis une petite fille très sage et très sérieuse. Ou du moins, j'essaie de l'être.

Il veut savoir quels sortilèges je lui ai lancé la dernière fois. C'est un peu vexant, ça veut dire qu'il n'a vraiment rien senti. C'est quand même frustrant d'avoir une baguette magique mais d'être incapable de lancer des sorts pour sauver le monde. Surtout que c'est les deux seuls sortilèges d'attaque que je connais. Enfin, dont j'ai retenu la formule et les effets surtout. Je préfère les sortilèges plus pratiques habituellement.

- Au début j'ai voulu lancé un Titillando, et après un Everte Statum. Et j'ai même cru que mon premier sort avait marché à retardement au début, comme vous étiez en train de rire. Mais en fait je crois que j'ai raté les deux...

Petite moue déçue. Je n'aime pas rater ce que j'entreprends, ce n'est pas comme ça qu'on atteint les sommets. Pour ça, il faut de la réussite, alors je dois vraiment m'entraîner pour être forte en tout !

Je secoue la tête de gauche à droite à la question du Professeur Lhow.

- Non, c'était la première fois que je les lançais. Je maîtrise quelques sortilèges, mais aucun pour l'attaque. Mais par exemple, je sais lancer un Lumos, un Aguamenti, et aussi le sortilège qui lance des bulles de savon, parce que c'est drôle. Et d'autres aussi.

Mais je ne vais pas commencer à lui faire la liste, parce que sinon on en a pour la journée. Je maîtrise plutôt bien tous les sortilèges basiques. Ceux qui peuvent servir dans la vie de tous les jours, ou tout simplement ceux qui m'ont parus amusants à apprendre. Mais je n'ai jamais osé essayer des sortilèges d'attaque, parce que je crois que si j'attaque quelqu'un dans le château, je risque de me faire renvoyer. Finalement, heureusement qu'il n'a rien senti, j'aurais peut être eu de gros problèmes si ça avait été le cas.

Il me propose un jus de citrouille. En vrai, ça tombe bien, j'ai soif. En plus, ça me donnera de l'énergie si je dois lancer des sorts avec lui après. Alors je lui adresse mon plus beau sourire tout en lui répondant.

- Avec plaisir, merci Professeur !

La politesse, c'est important. Parce que ça aussi, ça aide à donner une bonne image de soi. Et pour être élu Ministre de la Magie, il faut renvoyer une image parfaite, comme Papa ! J'ai vraiment hâte d'être assez grande pour être à sa place.

Je réfléchis un instant à sa question. J'aurais du mal à décrire mon état d'esprit lors de ma virée nocturne. En fait, j'avais surtout envie de jouer je crois. Mais comme je me suis prise un peu trop au jeu, et que j'étais tout de même supposée sauver le monde, je suppose que ce n'était pas mon émotion qui primait.

- Un peu des deux je crois… Comme une montée d'adrénaline face au Super Vilain ! Et une envie de sauver le monde de la destruction. Je crois que c'est tout aussi excitant qu'effrayant...

Parce que ce sont quand même de grandes responsabilités que de devenir le héros d'une nation entière ! Mais je suis tout à fait prête à les assumer, comme Papa ! Même si ça demande beaucoup de sacrifices personnels. Mais je crois que je m'emballe un peu trop, parce que le Professeur Lhow est loin d'être un Super Vilain, du coup, j'ai un peu raté mon coup. J'avale une gorgée de jus de citrouille avant de sortir ma baguette.

Je me concentre au maximum tandis que je la pointe sur lui. J'espère que je vais réussir cette fois-ci. Même si, au fond de moi, je n'ai pas très envie de lui lancer un sort. Je l'ai déjà dit, mais je l'aime bien, il est gentil. Alors ça complique un peu les choses. Mais si je veux m'améliorer, je dois essayer. En plus, il est d'accord. Je fronce les sourcils sous ma concentration intense avant de lancer le sortilège demandé.

- Titillando !

Il réagit à peine à mon sortilège ! C'est vraiment vexant à la fin, pourquoi ça marche pas ? Je fais comment, moi, pour devenir Ministre de la Magie si je ne sais même pas lancer un sort pour faire des chatouilles ? C'est franchement pas juste. Je bois quelques gorgées de jus de citrouille en espérant ainsi cacher ma gêne. Il va croire que je suis nulle en plus. Il me demande ma baguette, alors je lui donne directement. Si ça se trouve, c'est elle qui ne fonctionne pas bien, mais oui !

Je le vois alors qui pointe ma propre baguette sur moi. J'ai un mouvement de recul sur mon siège, comme si ça allait m'aider à éviter la suite. Aussitôt, le sort me frappe, me donnant l'impression que plusieurs mains invisibles viennent me chatouiller sans répit. Je retiens difficilement quelques gloussements en me tortillant sur le fauteuil dans tous les sens avant qu'il ne mette fin au sort. Je me frotte les côtes en espérant faire passer cette désagréable sensation et essaie de reprendre contenance. Au moins, ma baguette fonctionne. Par contre, je ne trouve pas ça très gentil de me lancer un sort sans me prévenir.

Je m'apprête à bouder et à lui dire que je vais le dire à Papa et Maman mais il explique aussitôt d'où vient le problème selon lui. Je me retiens donc pour cette fois. Je me persuade que c'était pour essayer la baguette, et c'est tout. Au moins, maintenant, on sait que ce n'est pas elle qui est cassée, mais bien moi qui ne lance pas le sortilège correctement. Et c'est vrai que j'utilise la magie surtout pour m'amuser ou pour m'aider. Je n'ai jamais eu besoin de me défendre jusqu'à maintenant, et encore moins d'attaquer. Mais j'ai envie d'apprendre, pour être la meilleure sorcière de tous les temps !

Il me dit alors de lancer le charme du bouclier en m'expliquant la façon de procéder. Je tourne ma baguette entre mes doigts nerveusement, et mes yeux s'écarquillent de stupeur lorsqu'il dit qu'il me lancera un maléfice à chaque échec une fois passés les premiers essais. J'ai pas envie du tout. En fait, j'ai même peur. Mais si je réussis dès les premières fois, je ne risque rien. Alors je hoche légèrement la tête. Je me lève du fauteuil avant de me concentrer. J'effectue le mouvement circulaire devant moi en prononçant distinctement la formule.

- Protego !

Et rien ne se passe. J'essaie une seconde, puis une troisième fois, en essayant de visualiser un bouclier magique devant moi, mais rien n'y fait. Mes yeux se posent à nouveau sur le Professeur Lhow. Je n'ai pas envie de recevoir le moindre maléfice, rien que l'idée me fait peur. En plus, je suis sure qu'il peut même pas faire ça. Mais je préfère m'en assurer.

- Mais vous n'avez pas le droit de m'envoyer des maléfices même si je rate ! Sinon je le dirais à Papa et Maman.

La réponse du Professeur Lhow n'est pas du tout celle que j'attendais. Je récupère ma moue boudeuse pour, cette fois-ci, ne pas m'en départir. Je n'aime pas du tout la façon qu'il a de me parler. En plus, il dit clairement que je suis une lâche ! Alors que c'est même pas vrai, je n'ai juste pas envie de recevoir le moindre maléfice. Et puis d'abord, si j'ai envie de tout dire à Papa et Maman, je fais ce que je veux. C'est normal d'en parler à ses parents quand un professeur est méchant, pas vrai ? Je crois qu'ils voudraient que je leur en parle. Le problème, c'est qu'il est trop rapide pour moi.

Parce que je n'ai même pas le temps de lui répondre avec mon air hautain et fier durement travaillé qu'il me lance le sortilège, comme promis. Et mes oreilles commencent à s'agiter follement. Totalement écarlate, je plaque mes mains sur elles en espérant les arrêter comme je peux, mais elle semblent vouloir s'échapper entre mes doigts, ajoutant à ma honte initiale. J'ai juste envie de me cacher pour qu'on ne me voit plus jamais. En plus, il rigole et se moque de moi. Alors qu'il met fin au sortilège, je relâche mes oreilles, plus rouge que jamais.

Je suis plus que vexée. Autant dire que mon amour propre vient d'en prendre un sacré coup. Je déteste être ridicule. C'est quelque chose qui me terrifie. Je sais à quel point l'image qu'on renvoie aux autres est importante, c'est pour ça que je fais toujours attention à ce que je dis et à ce que je fais quand je suis en public. Pour que Papa et Maman soient fiers de moi, et pour pouvoir toujours avoir un dossier absolument impeccable. C'est important, je le sais bien. Et avoir les oreilles qui s'agitent, c'est ridicule. Avoir les dents qui poussent aussi. Alors à sa menace, je me lève, en gardant la tête haute et en plantant mes yeux dans les siens.

- Non, je ne suis pas d'accord ! Et puis d'abord, quand Papa il saura ça, il va vous faire renvoyer !

Voilà, et ce sera bien fait pour lui. Je me dirige directement vers la porte en remettant ma baguette soigneusement dans la poche de ma robe, mais alors que j'allais actionner la poignée, un maléfice me frappe. Et mes incisives commencent à pousser, devenant de grandes dents de lapin. Je me cache aussitôt la bouche de la main et me tourne vers le Professeur Lhow, les larmes aux yeux, les joues toujours aussi rouges, mais tellement vexée que je suis incapable de réagir comme il le faudrait.

Je cours alors vers lui et mes petits poings s'abattent sur sa poitrine de toutes mes forces, plusieurs fois d'affilée, tandis que je lui crie dessus.

- Vous êtes pas gentil d'abord ! Moi je voulais que vous m'aidiez et vous me jetez des sorts !

Enfin, avec mes dents beaucoup trop longues, ça donne plus un truc du genre "Fous zêtes pas zentil d'abord : Moi ve foulais que fous m'aidiez et fous me vetez des forts !" Et les larmes que je retenais jusqu'à maintenant coulent le long de mes joues sans vouloir sembler s'arrêter. J'arrête alors de le frapper pour m'éloigner. Je me laisse glisser le long du mur, genoux remontés, afin de cacher mon visage et mes dents de lapin derrière. Mes bras viennent entourer mes genoux tandis que je continue d'être secouée par plusieurs sanglots incontrôlables. Je le déteste !

Il vient s'asseoir à côté de moi, mais je en relève même pas la tête vers lui jusqu'à ce qu'il dise qu'il fait tout ça pour m'aider. Je ne vois pas comment m'affubler de dents de lapin peut m'aider, et il admet lui-même que c'est une drôle de façon de faire. Je m'apprête à lui répondre que je m'en fiche et que de toute façon il ne pourra pas utiliser ses méthodes bizarres bien longtemps puisqu'il va être renvoyé, mais il se met à essuyer mes larmes de sa main. Et juste ça, ça me rassure.

J'aimerais bien avoir quelqu'un qui s'occupe de moi comme ça quand je vais pas bien, mais Papa et Maman n'ont pas le temps, et ils ne sont jamais là. Et jamais de la vie je dirais à Vesper ou à Eden qu'il m'arrive de pleurer. Peut être parce que ça ne m'arrivait pas avant que le Professeur Lhow me dise que c'est pas grave. Mais je suis sûre qu'ils se moqueraient de toute manière, et je n'ai pas besoin de ça. Et puis je ne suis pas une pleurnicheuse.

Lorsqu'il me donne la formule, je renifle légèrement, prête à sécher mes larmes. C'est que je connais ce sortilège, et je sais que je peux le lancer sans problème, c'est la base des contre-sorts. Il me dit de me concentrer sur mes émotions. Et si il y a encore quelques secondes j'étais très en colère contre lui, c'est passé. Maintenant, j'ai juste envie de lui montrer que je suis quand même capable de lancer quelques sortilèges basiques. Et j'ai surtout très envie de retrouver mes dents habituelles.

Je ne me fais donc pas prier pour pointer ma baguette sur mes incisives tout en murmurant un #Finite Incantatem et elles retrouvent alors leur taille habituelle. J'essuie alors mes larmes restantes à l'aide de mes manches pour essayer de retrouver un semblant de dignité, et je me relève sans un mot. J'ai honte de tout ce qu'il vient de se passer, et même si je ne déteste plus le Professeur Lhow, je lui en veux quand même beaucoup d'avoir agi ainsi. Alors je refuse de lui parler. Na !

Il m'ébouriffe encore les cheveux. Et même si je le boude toujours, un peu moins quand même. Je fais tout de même mine de replacer mes cheveux correctement avec une moue boudeuse, pour la forme. Je le suis tout de même lorsqu'il retourne s'asseoir, pour m'installer dans le fauteuil en face de lui. Si je tiens ma bonne résolution de ne pas lui parler, je ne me fais cependant pas prier pour avaler une ou deux gorgées de jus de citrouille. En plus, ça m'aide à retrouver une contenance. Mais mon visage de reste pas fermé bien longtemps.

Parce qu'il reprend son vrai rôle de Professeur. Il essaie de déterminer pourquoi je ne parviens pas à lancer les sorts dès qu'ils touchent au combat. Et comme c'est pour m'aider, je me dis que ce n'est plus vraiment la peine de bouder. Après tout, j'ai retrouvé mes belles dents et mes oreilles ne s'agitent plus, autant essayer de pallier au problème initial. Je secoue la tête de gauche à droite.

- Non, j'ai jamais reçu de sort. Mais Oncle Azaël, il a plein de cicatrices partout sur le corps, et il a dit que c'était des mauvais sorts pendant des duels. Il dit que c'est pas grave, mais il en a partout partout. Je ne veux pas en avoir moi.

C'est vrai. Je les ai vues qu'une fois, parce qu'on est allé se baigner. Et quand je lui ai demandé d'où ça venait, il a juste dit ça. Il fait plein de duels au travail, alors je crois que c'est normal. Mais c'est quand même pas joli. Je prends une part de brownie quand le Professeur Lhow me tend l'assiette, et j'en prends une bouchée aussitôt après l'avoir remercié. Le chocolat, c'est trop bon.