Jude était en retard à son cours d'Astronomie. Levé trop tôt, il avait compté beaucoup de temps devant lui avant de se rendre en salle de classe. Il en avait profité pour songer à ce qui lui était arrivé. Le bisou d'Ezequiel. Un simple acte comme celui-ci l'avait pourtant totalement perturbé. Depuis, le Préfet essayait d'éviter cette personne. Il n'avait rien à lui dire, probablement pour le moment. Les mots n'étaient pas suffisamment forts de sens pour exprimer ce qu'il ressentait. Et il n'arrivait surtout pas à le faire ressentir. Tout cela était nouveau pour lui et il n'avait qu'une seule envie, c'était de partir de ce château pendant un moment pour se concentrer sur lui-même et ses mœurs. Malheureusement, son devoir de Préfet et même d'élève l'en empêchait. Il se devait d'être présent lors de l'année pour ses études ; il avait de nombreuses responsabilités sur ses épaules désormais.

C'était mal barré. À trop réfléchir, il en avait complètement oublié l'heure qui passait et son cours allait bientôt commencer. Le voilà désormais en train de courir partout, de manière à ne rien oublier et, quitte à arriver en retard, autant qu'il ait toutes les affaires requises pour le cours. Il avait eu plein de moments pour gérer ça mais avait surestimé le temps, comme à son habitude. Il s'empressait donc de se rendre dans cette fameuse salle. Il n'avait jamais remarqué à quel point le trajet pouvait paraître long. La ponctualité n'avait jamais été son fort. Lorsqu'il entra, les élèves étaient déjà présents. Sans même regarder les personnes aux alentours, il s'approcha directement du professeur.

« Bonjour. Désolé Mister Daiklan pour mon retard, cela ne se reproduira plus. »

La honte l'envahit. Il était Préfet et était incapable d'arriver à l'heure dans un cours. Bravo l'exemple. Le professeur lui demanda de s'installer en précisant qu'il n'y avait rien de grave. Dos face aux élèves, il se retourna et regarda vivement qui était présent. Jusqu'à ce qu'il tombe sur cette personne. Ezequiel. Bouche-bée. Il s'installa derrière lui, de manière à ne pas être déstabilisé par son regard. Si le Poufsouffle le regardait, Hopkins serait au courant. Mais c'était désormais l'inverse. C'était Jude qui déposa son intense regard sur lui. Ses yeux fatigués n'avaient qu'une seule influence ; cet homme. Les questions se bousculèrent mais toutes le concernaient. Le brun avait peur des conséquences que l'amour pouvait engendrer et les sentiments que ça apportait au quotidien. Il ne savait pas s'il était réellement prêt pour vivre ça. Pour être accompagné dans la vie, dans les bons comme les mauvais moments. Se supporter l'un l'autre, de manière réciproque sans le moindre jugement. Être heureux.

Pour lui, ces histoires n'existaient que dans les rêves. La réalité était complètement différente. Il n'en avait aucune preuve mais était suffisamment sûr de lui pour confirmer ses pensées. La superficialité n'était pas faite pour lui. Jude avait peur de se consacrer dans une relation pour en souffrir ensuite. Troublé par sa perspective des choses, il n'écouta pas ce que le professeur disait. De toute façon, cela semblait être un monologue et celui-ci ne considérait pas l'avis des élèves, alors tant qu'à faire. Autant en profiter pour mettre les choses au clair avec soi-même. Sa vision était déjà suffisamment brouillée, pas besoin d'explications d'astres en plus.

Waiiiiit... Noooon pas possible! S'il vous plait! Pitié! Soupir. Dépression. Drame! Mais il ne fait que parler! Même pas d'interaction. Non? Okay. J'avoue, c'est cool d'avoir 13 signes. Je l'ignorais, le serpentaire donc? Chevauchant les scorpions et les sagittaires? Oh... à quelques jours prêts j'aurais pu être Serpentaire? Cool. Quoique j'aime bien être née le jour du réveillon de Noël, c'est cool. Puis ça fait très Serpentard non? Qu'importe ils ont la plus belle couleur. Ouai le vert c'est cool. C'est même ma couleur favorite. Soupir. C'est ennuyant! Pourquoi? Pourquoi ne cesse-t-il pas de bavarder. Pourquoi ça m'arrive à moi? Je suis un petit ange pourtant!

Boudage. Serrage de dent. Lèvre ayant comme un petit sourire à l'envers. Je voudrais retourner au lit! Soupir à nouveau. Regarder par la fenêtre, voir la pluie et fermer les yeux pour essayer de mieux écouter le bruit des multitudes gouttes d'eau qui viennent s'écraser contre les murs de l'école et au sol... J'aimerais être dehors. Respirer l'odeur du béton mouillé. L'odeur de l'herbe sur le terrain de Quidditch doit être géniale. Soupir.... Je crois que je vais passer tout le cours à soupirer. Ouvrir les yeux avant de s'endormir... Ne pas dormir en cours. Dormir serait terrible. Le bruit de l'averse est pourtant si doux à mes oreilles.

Je sais! J'ai trouvé. Je sais pourquoi je dois subir cela. C'est à cause de cet idiot de rouge et or! J'en suis persuadé! Ce Nyryn! Grogner. Lui et c'est idiotie! Ces "jeux" comme il aime les appeler!
Ou sinon c'est la faute de Gabriel? Mouais. Doute. Il est un peu trop niais et heureux Mr Soleil pour être la cause de tout ça... Puis lui-même est un moulin à parole.
Révélations. Oh... non c'est mon cousin Onyx! C'est lui! Il m'a souhaitais des cours ennuyant cette année! Tout ça c'est de sa faute! Quand je le verrais pendant les vacances d'été je me vengerais. Coup de colère. Redescendre. Soupirer. Bailler. Lutter pour rester éveiller.

Fermer les yeux. D'ailleurs... Je me demande, comment auraient été les cours à Ilvermorny. Dans quelle maison aurais-je été placé? La même qu'Onyx probablement. Le carnage. Sourire un peu. Bon finalement. C'est de bonne guerre de subir un tel enseignant d'Astronomie. Si Onyx et moi avions eu des classes ensemble, nous aurions pu mettre le feu à l'école, avec des sourires d'anges innocents.

Les ouvrir à nouveau. Bailler à s'en décrocher la mâchoire. Ne pas être discraite. Oublier que je suis dans une salle de classe. Il me manque tiens, j'ai si hâte. Allez à New York, passez des vacances avec mon oncle et ma tante. Taquiner Onyx. Fermer les yeux. Tiens, ça fait longtemps que l'on n'a pas communiqué tous les deux. Je lui enverrais bien un hibou un peu plus tard. Il a surement trouvé une nouvelle chérie. C'est un tombeur.

Avoir du mal à garder les yeux ouverts. Poser ma tête sur mon bras qui est allongé sur la table. Peiner à rester éveiller. Discourt ennuyant. Succomber. S'endormir. Bercé par la précipitation qu'il y a à l'extérieur.

Awanne adorait l'astronomie, une belle matière en perpétuelle évolution.

L'astrologie (et pas l'astronomie) faisait partie des matières enseignées à la jeune fille durant son enfance. Elle avait donc déjà travailler sur son thème astral. Les souvenirs étaient loin, mais ils étaient encore vaguement là.

*Bon, déjà la date de naissance, le 16 mars 2160, bon jusque là c'est facile !
Ensuite du signe poisson, ça aussi, c'est pas très compliqué.
Il y a aussi une histoire d’ascendant, lion peut-être...
Ha non !! Cancer oui, c'est ça !
Même si la description qu'on fait des ascendants cancer ne me ressemble pas trop...
Compatissants, gna gna gna, protecteurs, gna gna gna, sentimentaux, gna gna gna, timides, calmes, sensibles et puis quoi encore !!

Il y a une histoire de planètes en union et en dissonance il me semble.
Mais dans quel ordre ?
Déjà faisons une liste des planètes : Mercure, Vénus, Terre, Mars, Jupiter, Saturne, Uranus, Neptune et Pluton
Ha non, pas Pluton, ce n'est plus une planète...

Donc avec Mercure... Ha oui ! Avec Saturne !!
Bon, je ne sais plus si elles sont dissonantes ou l'inverse mais c'était sur ma forte capacité à me concentrer et à m'organiser.
La suite, je ne m'en souviens pas
Il y avait aussi Neptune avec Mercure, ha oui, ça disait que je débordait de créativité et que j'avais du mal à structurer mes idées, mais c'est stupide par ce que juste avant, je suis très forte en organisation et la plus du tout !

Il y avait aussi des "données" sur la position des planètes par rapport aux signes astrologiques enfin, par rapport au constellation alignées avec les planètes en questions.
Bon part contre, là plus aucun souvenir... Il faut dire que le nombres d'informations à ce sujet est très conséquent.

Après tout, je n'y croyais déjà pas à l'époque, je ne vois vraiment pas pourquoi maintenant se serait le cas.
Je suis persuadée que l'on est libre de choisir notre façon d'agir, nous ne sommes en aucun cas obligé de suivre ce que nous "dicte" notre thème astral !*

Les explications du professeur de passionnaient pas grand monde. Il faut dire qu'elles étaient très longues.
Elles semblaient heureusement se terminer.

Une fois que je suis installée, un autre élève entre. Non, une autre élève. Un bonjour dans une voix toute petite, une Gryffondor que je connais. Elhëna, une grande gentille, très gentille. Je l’aime bien, d’ailleurs elle vient s’asseoir à côté de moi, accompagnée d’un sourire, d’une question polie, et d’une belle promesse. Elle ne parlera pas, elle le dit, et je lui fais confiance pour cela. Alors je hoche la tête pour approuver sa demande : oui, elle peut s’installer. Et elle est assez intelligente pour comprendre ce geste, d’autres ne le comprendraient pas d’ailleurs, car elle s’assoit à son tour et s’installe. D’autres arrivent, une grande bleue que je connais aussi un peu, une grande verte forte en astronomie, ça je l’ai vite compris, un autre bleu ayant l’air complètement… C’est quoi le mot ? Décontracté ? Oui, ça doit être ça. On est en cours quand même, on dit bonjour à un professeur ! On m’a toujours appris ça, lui non ? Enfin, il ne faut pas se concentrer là-dessus, mais sur les élèves qui entrent. Une grande Gryffondor polie que j’ai déjà vu dans quelques cours, une petite Serdaigle à la voix synonyme de murmure. Calme, douceur, c’est bien, agréable, poli, sauf si l’adulte n’entend pas. Puis vient un grand Poufsouffle, il y a beaucoup de grands vraiment… Il est très content d’avoir astronomie lui, la Serpentard qui suit un peu moins. Ou alors elle est très pressée ? Je sais pas trop. Encore une Poufsouffle, et le professeur décide de commencer. La question sur notre matière préférée est étrange, pourtant j’y réponds, même s’il est dommage de ne pas pouvoir dire l’astronomie, matière pourtant aimée. Par moi, peut-être par d’autres. Des voix s’élèvent, répondent, pas Elhëna. Elle a dit qu’elle ne parlerait pas… Elle tient ses promesses. L’adulte écoute, ce n’est pas très intéressant de savoir ce qu’aiment les gens, qu’est-ce qu’on en a à faire sérieusement ? Métamorphose, Soin aux Créatures Magiques, Potion, Sortilèges… Presque tout y passe, sauf le Vol. En même temps, qui aime les cours de Vol ? Personne, c’est sûr ! La partie la plus intéressante qui vient, c’est quand le professeur répond à l’élève qui veut savoir qu’elle était sa matière préférée à lui, car il semble donner une explication sur la panthère, et ça tient en un mot : animagus. Rapidement, je note sur le parchemin sorti, il faudra aller à la bibliothèque très tôt pour chercher. Le reste ne m’intéresse pas tant que ça en réalité, il aime ce qu’il veut, mais au moins j’ai un début d’explication.

Et quand tout le monde, ou presque, a parlé, le professeur reprend la parole, une nouvelle question qui n’attend pas vraiment de réponse, puis des mots, encore des mots, toujours des mots. Il faut être polie et écouter, retenir, noter ? Non, inutile de noter. On ne nous demandera pas comment l’Astronomie peut nous aider dans les autres matières enseignées à l’école, alors autant ne pas écrire, écouter suffira. Et vient l’astrologie, thème récurrent lorsqu’on parle d’astronomie. Il parle de treize signes, des Gémaux sur lesquels courent des histoires pas possibles, ainsi que des caractéristique de chaque signe. On a le droit de savoir le travail du jour, un travail étrange mais qui promet d’être intéressant et peut-être même amusant. Avec un sort, il nous montre tout en grand, le cercle et les signes qui l’entoure. C’est joli, ça me rappelle un livre que j’ai lu… C’est comme un langage codé, un mystère à résoudre, à comprendre. Le professeur commence à parler de lui rapidement, du lieu de naissance, et moi je suis plus attirée par les signes dessinés que par les mots prononcés. Il parle, parle, et parle encore.

Et ma main se tend, doucement, se veut discrète, attrape le carnet posé là. Une page, neuve, vide, blanche, s’ouvre, sous les mains, devant les yeux ouverts et reliés au cerveau qui réclame des dessins.

Je suis Bélier.

Sourire léger à cette pensée tandis que les souvenirs remontent, affluent, courts et pourtant présents. Le rire entre l’étonnement et la moquerie du grand-frère face à ce livre que je lui avais montré, il y a quelques années. Muette à son plus grand désespoir, voir le Bélier en tant que signe astrologique de sa petite sœur lui avait semblé idiot. Car née un 22 Mars 2165, je suis Bélier. Et née à Bilbao là où se trouve l’Océan, j’en suis ascendant Bélier, si je me souviens bien. Ou alors je me souviens mal. «Sérieusement, cette histoire de signe astrologique, c’est n’importe quoi. Toi Bélier, on aura tout vu.» Il n’avait pas tort en plus, on est pas mal opposé le Bélier et moi. Comme quoi tout n’est pas bien fait dans cette histoire de naissance et de signes. Et moi face à ça, je n’avais rien eu à dire aux grand-frère. De toute façon, c’est comme ça et puis voilà.

Et la main prend le crayon, commence à dessiner. Dans le ciel, la constellation du bélier n’est pas facile à repérer. Quatre étoiles pas tout à fait alignées perdues dans l’immensité du ciel et qui, en plus de ça, n’ont rien de la forme l’animal. Mon bélier, il faut l’imaginer, et lorsque j’ai tracé les étoiles de ma constellation, je fais autour l’animal. Cornes pointues en forme de spirale, toison blanche généralement. Selon les livres, la constellation vient de la légende du bélier ailé bavard à la toison d’or, Chrysomallos. Le pauvre a finit sacrifié, et sa toison suspendue sur un chêne, bien protégée, et pourtant volée par ce Jason et cette Médée. Oui, j’aime beaucoup la mythologie, c’est toujours intéressant de savoir ce qui a été créé. Et mon bélier n’est pas comme on le représente parfois, il est moi. Tête baissée, pattes vers l’intérieur. Repousser l’ennemi, repousser les gens, les intrusions, les ennemis, le bruit.

J’aime bien dessiner. Ça occupe, ça vide l’esprit, ça pose tout sur le papier. Ça me fait m’exprimer, réfléchir, rêver. Il faut s’appliquer, mais il y a une chose que j’ai oublié. Le cours… C’est ma voisine qui me rappelle où on est. Une question, il faut faire quoi ? Je n’ai pas la réponse. Une autre question, une fille qui ne comprend pas. Les lignes et le thème astral, elle demande c’est quoi. C’est un peu compliqué, en plus je n’ai pas écouté, et ma lecture là-dessus remonte à loin. C’est que je préfère la mythologie à l’astrologie. Un regard vers mon dessin terminé, et finalement je pose le crayon. Il faut écouter sérieusement, ne pas se laisser déconcentrer. Donc ne pas regarder le tableau, ou je vais repartir. Esprit faible mais fort, dessiner ou travailler ? Écouter.

« Allez ! On y croit ! » C'était pas ce qu'elle s'était dit quelques instants plus tôt ? Et bien cette motivation a dû fonctionner... une demi-seconde ? *Quelle faiblesse d'esprit ! T'en penses quoi toi ? Tada tada tadada. Tout à fait d'accord.*

Le professeur avait finalement commencé son cours et Rose était concentrée. Très concentrée. Trop concentrée ? Quand on est penché en avant sur sa table les deux mains fixées – et crispées – sur le bureau, les sourcils froncés à un point que toutes les lignes du visage sont tirés et sont visibles (chose assez surprenante sur une jeune fille de 13 ans) et une respiration proche de inexistant je crois que l'on peut en déduire deux choses. Petit 1 : que l'élève s'attend à ce que le professeur se transforme en loup-garou devant elle et qu'il se mette à manger les élèves. Petit 2 : l'élève a une envie extrêmement pressante et fait son possible pour se retenir. Ouais... dans tous les cas elle avait l'air bizarre et se concentrait plus sur l'idée de son apparence que sur le cours en lui-même.

*Concentre-toi Rose. Il faut paraître naturelle. Je sais. C'est difficile à appliquer lorsqu’une voix te chante une chanson inconnue sans cesse et que te commence à devenir folle. Mais après tout, tu sais te contrôler. Respire. Ne pense plus à tada tada tadada. Il faut que tu t'accroches à quelque chose. Il faut que tu puisses détacher ton esprit et le concentrer sur quelque chose, quelqu'un qui te rendra ta santé mentale. Ou tout du moins une partie d'elle. Allez... Qu'est-ce que je peux trouver ?...*

Progressivement, la jeune sinople détacha ses griffes de la table et se mit droite. *Mission ''posture convenable'' : succès. Second ordre de mission : ''tada tada tadada. Euh non ! Second ordre de mission : trouver un point d'accroche extérieur. Go go go !* Le plus doucement possible, la jeune fille tourna la tête vers sa droite, vers sa gauche, à l'horizontale, scannant la salle de classe, ses occupants et tout objet qui auraient pu lui servir pour se débarrasser de l'emprise de LA musique. Rien ne semblait véritablement intéressant. Ce n'étaient que des élèves et peu importe leurs comportements parfois... particulier ? Aucun ne pouvait combler suffisamment son désir de paix intérieure. Et puis en même temps elle avait quand même envie d'écouter le cours. Argh ! Que faire ! À moi ! Je me meurs ! Je me tue. Je me...

_Tada tada tadada...

*Oups... La boulette...*. La petite se pinça les lèvres. Est-ce qu'elle venait vraiment ? Oui... Elle avait commencé à marmonner sa chanson. Doucement, presque imperceptiblement mais ce fut bien réel. *Vite, vite ! Accélérez l'ordre de mission ! Il faut trouver une sortie, une aide extérieure au plus vite ! À l'instantané ! Là ! Maintenant ! Go ! Go ! Go !*
Et puis la solution apparut. Devant elle. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé avant ?

_Je sais avoir déjà mentionné que l’Astrologie telle que communément admise n’est pas une science exacte, loin de là. Il n’y a pas douze signes mais treize, et non, les gémaux n’ont pas tous un double maléfique qui leur offre une dissociation de la personnalité à chaque dispute sur qui a mis trop de sel dans la soupe.

Une lueur d'espoir. Était-ce donc ça ? Un signe ? Une délivrance ? *Ouais, enfin... Calme-toi quand même petite. Il faut voir ce qu'il arrive à faire ce sorcier des étoiles.*
La petite attacha toute son attention sur le professeur et le flot de paroles. Incessant. Caressant son oreille. Ne lui laissant aucun instant. Aucun répit. Le voilà ! Le sauveur ? C'était donc ça le plaisir du silence intérieur ? L'inexistence de la pensée personnelle. Enfin, pour être plus exacte, l'inexistence de la pensée idiote et inutile personnelle. C'était magique ! Pourquoi ne s'étaient-ils pas rencontrés avant ? Comme il aurait pu lui être utile toutes ces fois où son esprit avait trouvé la bonne idée de partir en sucette ! Mais aujourd'hui, alors qu'elle en avait grandement besoin il était là. À débiter des dizaines de mots à la minute. Quelle chance. L'univers lui faisait donc signe dans un cours d'astronomie. Magnifique. Est-ce qu'il y avait eu d'autres signes qui l'avaient prédestiné à ce moment ? Ou bien peut-être qui lui aurait annoncé ce moment de grâce ? Pense, pense, pense...

Ô ! Comme la pensée lui paraissait plus fluide maintenant que la chanson n'était plus là. Cela lui ramenait des souvenirs. De nombreux souvenirs. De toutes ces fois similaires. Lorsqu'on lui parlait. Lorsque l'on se confiait à elle. Lorsqu'un bavard s'exprimait, qu'elle se taisait et récoltait toutes les informations qui lui seraient utiles pour mieux le détruire. *Ce que tu t'es promis de ne plus faire. Ah oui, c'est vrai... Reprenons.* Il n'y avait rien d'autre qui comptait pour elle à ces moments-là. Pas forcément parce que ça l'intéressait. Souvent c'était inutile d'apprendre que sa petite voisine de classe de 8 ans était triste parce qu'elle avait perdu son chien. C'est fou à quel point elle s'en fichait. Mais elle écoutait. Retenait. Archivait dans son esprit. Et ça faisait du bien à ceux qu'elle écoutait. Était-ce donc par cette apparence de gentillesse qu'aujourd'hui on lui permettait d'avoir un professeur ennuyant à souhait qui la sauvait de la folie ? Peut-être. Allez, pourquoi poser des questions alors que ça marche très bien sans.

En arrivant en cours d’astronomie ce jour-là Amy était pleine de bonne volonté. Elle avait vraiment apprécié le dernier cours du professeur Daiklan et avait bon espoir que celui-ci soit au moins aussi intéressant. Espoir qui fut réduit à néant quand ledit professeur se lança dans une explication qui se transforma très vite en monologue.

Si la jeune fille avait essayé d’écouter au début elle avait très vite décroché, elle avait beau trouver le sujet intéressant, c’était bien trop d’informations à la fois. Un rapide coup d’œil autour d’elle lui appris qu’elle n’était clairement pas la seule à avoir abandonné et c’est la conscience plus tranquille qu’elle attrapa son petit carnet rouge pour s’occuper l’esprit.

Plume à la main, d’abord incertaine, la Poufsouffle choisit une page qu’elle n’avait pas encore noircie d’encre et commença à gribouiller. Elle n’avait pas très envie d’écrire aujourd’hui, panne d’inspiration, et elle avait peur d’être coupé dans son élan, ne sachant pas combien de temps le monologue allait durer. Amy dessina d’abord une spirale, puis une plus petite à côté, puis elle décida de dessiner une fleur, complétement ratée, et une deuxième un peu moins laide. Vite lassée par son absence de talent, elle abandonna les fleurs et dessina un petit bonhomme bâton. Puis elle lui ajouta deux petits points pour les yeux et un sourire, et lui trouvant un air un peu niais elle décida de l’appeler Ivan et ajouta un petit I sur le haut de son crâne chauve. Remarquant qu’Ivan avait l’air bien seul sur sa page blanche Amy dessina un autre bonhomme bâton juste à côté, avec des cheveux en forme de points d’interrogations, qu’elle couronna de la lettre T pour Tristan.

 Prise d’une inspiration soudaine, elle enferma les deux bonhommes dans un cadre pour former une case de bande dessinée et ajouta une route, faite de deux traits droits sous leurs jambes sans pieds. La jeune fille quadrilla toute la page et hop, voilà Ivan et Tristan partis à travers les cases, à la recherche d’un dragon qui terrorisait la région. Ils évoluaient dans un paysage fait de ronds, de carrés et de traits, témoignant toute l’étendue du talent artistique d’Amy, qui remplaça le dragon par un papillon quand elle se rendit compte qu’elle était incapable d’en dessiner un. La jeune fille s’appliquait à écrire le plus petit possible, pour que les dialogues rentrent dans les cases qu’elle avait tracé, mais à sa grande déception ses bulles de dialogue ne ressemblaient en rien à celles des bandes-dessinées, s’apparentant plus à des patates difformes qu’à de jolis ovales. Après réflexion Amy ajouta des petites étoiles dans le ciel (c’est-à-dire des croix), sorte de clin d’œil au cours d’astronomie, cela lui évitait aussi d’avoir à dessiner le soleil ce qui n’était pas plus mal.

 Une fois qu’elle eut terminé, le papillon vaincu et les deux amis réconciliés, la jeune fille plutôt fière d’elle décida d’animer son dessin. Elle n’en eut malheureusement pas le temps puisque le professeur choisit ce moment précis pour interrompre son monologue et inviter les élèves à poser des questions. Un peu déçue elle referma son carnet et leva la main à son tour.

-Excusez-moi Professeur, je ne suis pas sûre d’avoir bien compris, quelle est l’utilité concrète d’un thème astral ?

La Poufsouffle avait essayé de tourner sa question de sorte à ne pas sous-entendre que l’exercice était inutile, ce qui aurait pu être un peu insultant, mais elle n’était pas certaine d’avoir réussi.