Voici votre dortoir mais attention rangez bien vos affaires

- Au fait Alicia, il y a une place à côté de ton lit ? Étant donné que je n’en ai plus ...

Puis, en fixant intensément Nahaniel, comme si elle aurait voulut qu’il comprenne quelque chose, un certain message subliminal, peut-être, elle ajouta;

- Il faudra aussi que je mette ma chemise de nuit ...

Très surprenante, cette Marion. Jamais il n’aurait cru qu’elle lâcherait un tel propos d’une manière aussi… provocante. Se rendait-elle compte qu’elle se situait déjà en terrain dangereux et que bientôt, à cause de son attitude, elle risquerait de perdre complètement le contrôle de leur petit jeu? Ce n’était pas à Nathaniel de la mettre en garde. Mais Marion avait une tête sur les épaules, et en temps normal, elle aurait du être suffisamment perspicace pour en déduire qu’il aurait mieux valut se taire plutôt que de lui dire une telle chose. Car Nathaniel n’était pas resté indifférent à ces propos un peu douteux quelle venait de lâcher. Si elle réagissait ainsi, était-ce parce qu’elle avait réellement envie qu’il vienne avec elles jusqu’aux dortoirs? Cette question lui brûlait les lèvres, mais il parvint à se retenir de la poser. Elle ne lui aurait pas répondu honnêtement, de toute façon.

Finalement, les deux jeunes filles partirent en direction des dortoirs, et ce, sans l’attendre. Il les suivait, un peu plus loin derrière. Au moment où il s’apprêtait à entrer dans la pièce, le jeune Serpentard s’immobilisa brusquement, juste à coté de la porte. Il resta positionné ainsi, de manière à ce qu’il ne se situe pas dans leur champ de vision. Alicia semblait croire qu’il ne les avait pas suivit, puisqu’il pouvait l’entendre parler à Marion.

- Je... Le lit à côté, tu peux le prendre. Il ne viendra pas, hein ? C'était juste une plaisanterie très louche ?

Il ne pouvait pas la voir en ce moment, mais à en juger par son ton de voix, Alicia était en proie à une réelle inquiétude. Un sourire apparut sur son visage. Croyait-elle vraiment que Marion détenait la réponse à sa question, et qu’elle saurait la rassurer comme il le fallait? Qu’elle lui dirait ce qu’elle voulait entendre? Nathaniel, de son côté, avait été sérieux depuis le début. Ses blagues, bien qu’elles dépassent parfois les limites du respectable, détenaient toujours une part de vérité. Marion, qui le connaissait un peu plus qu’Alicia, aurait dû le comprendre avant. Si elles n’avaient voulu que plaisanter, elles auraient du le lui faire savoir clairement. Maintenant que les deux amies lui avait donné le feu vert en le mettant au défi, il avait décidé de foncer. Tant pis pour celles à qui ca ne plairait pas.

Il entra finalement, s’accota sur le seuil de la porte, afin que les deux jeunes Serpentardes comprennent qu’il était venu et que maintenant qu’il était là, il n’allait certainement pas faire demi-tour. Il mit ses mains dans ses poches, puis son regard glissa d’Alicia à Marion.

Avant de laisser le temps à Marion de répondre à la question de son amie, il prit la parole.

- Je crois que oui, je suis là.

Sa voix était particulièrement calme, posée. Ses yeux émeraude brillaient étrangement. Puis, à l’intention d’Alicia il ajouta;

- Je ne plaisantais pas.

- Sors d'ici Nathaniel! C'est interdit!

Bien avant qu’Alicia ne lui balance ces paroles sur un ton paniqué, par le simple fait de la regarder durant quelques secondes, le temps de voir l’expression qu’elle affichait, Nathaniel avait pu percevoir la colère chez la jeune fille. Son trouble était palpable, de sorte qu’il avait presque l’impression d’être un agresseur. Chose plutôt étonnante puisqu’il n’avait absolument rien fait d’autre que de répondre à leur provocation. Et il était seulement là, adossé près de la porte du dortoir, affichant une mine paisible. Il n’avait rien fait qui lui aurait mérité un quelconque reproche. Du moins, pour l’instant. Mais c’était peut-être justement son expression un peu trop placide et imperturbable, que l’on aurait pu croire calculée ou fausse, qui faisait naitre chez Alicia un sentiment d’inquiétude si grand qu’elle ne parvenait pas à le dissimuler. Nathaniel avait toujours eu une certaine habileté à sentir la peur, la nervosité. Et il savait toujours comment en tirer profit.

Dans un geste lent qui se voulait subtil, il glissa sa main un peu plus loin dans sa poche, jusqu’à ce qu’il puisse toucher à sa baguette. Il ne connaissait pas vraiment Alicia, et n’avait aucune idée de ce dont elle était prête à faire pour le pousser à s’en aller. Lorsqu’on ne savait pas à quoi s’attendre, il valait mieux se préparer à toute éventualité.

Savaient-elles que, en dépit de la grandeur de son envie, Nathaniel ne pouvait même pas faire un pas dans leur direction? Il ne pouvait mettre un pied dans le dortoir des filles, parce qu’un sortilège sur lequel il n’avait aucun pouvoir empêchait tout homme d’y entrer. Mais les filles elles, de leur cotés, avaient le droit de monter dans le dortoir des garçons sans problème. Le jeune Serpentard s’était toujours demandé qui avait eu l’idée d’implanter une règle aussi stupide et injuste que celle-là.

Il posa les yeux sur Marion, qui venait de prendre la parole.

- Alicia, calme toi, ne t'énerve pas, je ne veux pas qu'il t'arrive des ennuies par ma faute. Nathaniel veut seulement nous dire bonne nuit, je suis là, il ne te fera rien, ne t'inquiète pas.

Il continuait de l’observer, tandis qu’elle se dirigea vers son amie et la serra dans ses bras, probablement afin de la réconforter. Nathaniel ne put s’empêcher de rire. La naïveté de Marion était mignonne, mais surtout, amusante. Amusant de constater à quel point elle avait tout faux. C’était bien mal le connaître que de penser qu’il se contenterait d’un puéril ''bonne nuit'' puis tournerait les talons et les laisserait tranquilles.

Marion se leva finalement, et s’approcha de lui. Il avait toujours cette lueur énigmatique gravée au fond les yeux. Il croisa alors les bras, en restant planté face à elle, curieux de savoir ce qu’elle avait à lui dire.

- Arrête de la regarder comme ça, tu lui fais peur ! Elle ne te connait pas encore, elle ne pensait pas que tu allais vraiment le faire. J'espère sincèrement que tu ne lui feras aucun mal, ou sinon, gare à toi !

Elle avait parlé d’une voix basse, près de son oreille. Son ton était sérieux, mais malgré tout, il n’arrivait pas à la craindre. Il n’avait jamais perçu Marion comme étant quelqu’un de particulièrement menaçant, bien qu’il ne sache pas ce dont elle était capable lorsqu’elle était en colère. Et il se demandait vraiment à quoi pouvait ressembler Marion lorsqu’elle était furieuse.
Elle s’écarta légèrement de lui, tout en continuant de le fixer.

- Qu’est-ce que tu crois? Que j’ai l’intention de vous violer toutes les deux, ou quoi?

Il décroisa les bras.

- Je venais seulement réclamer mon dû.

Nathaniel se pencha, pour venir poser ses lèvres dans le cou de Marion. Sa peau était brûlante, et douce. Il resta ainsi quelques secondes, les yeux fermés, puis recula. Un petit sourire satisfait était suspendu à ses lèvres. Il se doutait qu’à cause de ce qu’il venait de lui faire, elle risquait d’avoir une réaction plutôt… violente.

- Au fait, j’aimerais bien te voir dans cette chemise de nuit dont tu m’as parlé.

Nathaniel se tenait debout face à Marion, attendant patiemment une réaction, qui ne vint pas. Il s’écarta d’elle lorsqu’il entendit des pas dans l’escalier. Il se tourna, pour voir qui approchait. Ce fut sans surprise qu’il reconnut Antonia Adamovitch. Son expression changea légèrement lorsqu’il vit l’insigne reluisant sur sa poitrine. Il ne savait pas qu’elle était devenue préfète. À bien y penser, il ne savait pas grand chose sur elle. Ce n’était pas comme s’ils se parlaient souvent et se faisaient des confidences.

- Je suppose que tu ne sais pas lire, et que donc par engendrement, tu ne connais pas les règles à suivre? Bien je vous écoute, qu'avez-vous à dire pour votre défense?

À en juger par son ton de voix, et à son sourire – presque sadique? – Nathaniel pouvait affirmer qu’elle était particulièrement ravie de le surprendre dans un tel moment. En cet instant précis, le jeune Serpentard comprit qu’elle ne lui voulait pas de bien. Il se passa un doigt sur les lèvres.

- Antonia… cela faisait un bail.

Il sourit de toutes ses dents, mais cela ressemblait davantage à un rictus moqueur qu’à un véritable sourire. Le jeune Serpentard avait eu vent des ragots qui couraient sur lui dans l’école. Qu’il couchait à gauche et à droite, ou un truc dans le genre. Il avait été dégouté de constater que certains élèves n’avaient rien trouvé de mieux à faire que d’inventer des rumeurs stupides et non-fondées sur son compte. Décidément, il y en avait qui avaient trop de temps libres… Nathaniel se demandait si elle avait entendu des trucs sur lui. C’était tellement n’importe quoi, et ça l’irritait au plus au point. Antonia avait-elle eu connaissance de ces cancans idiots? Percevait-elle cette situation comme une occasion de se venger? Si oui, il allait certainement y goûter.

Sauf que si c’était un sentiment de vengeance qui l’animait, ou même de jalousie – ce qui l’aurait franchement surprit - Nathaniel se demandait pourquoi cette émotion était née en elle, puisqu’elle n’avait jamais semblé vouloir quelque chose de sérieux et d’exclusif. Mais bon, c’était Antonia, la jeune Russe aux intentions nébuleuses et obscurs, alors il fallait s’attendre à tout… il ne savait toutefois pas ce qu’elle pourrait trouver à lui reprocher, puisqu’il n’était que près du seuil de la porte des dortoirs. Elle n’avait pas besoin de savoir que tout à l’heure, quelques minutes avant qu’elle ne débarque, il avait fait un pas à l’intérieur.

- Je n’ai pas à me défendre de quoi que ce soit puisque techniquement, je ne me situe pas dans le dortoir des filles.

Son sourire exagéré toujours aux coins des lèvres, il ajouta, sur le même ton placide;

-Tu me connais mieux que cela Antonia… tu sais bien que jamais je n’oserais faire quelque chose d’interdit.

Antonia devait être restée là quelque temps, quelques secondes, peut-être, dans le haut des escaliers, guettant le bon moment pour signaler sa présence. Son excuse était donc médiocre, puisqu’elle l’avait certainement vu planté sur le seuil de la porte. Mais jamais Nathaniel n’aurait cherché à se défendre, à paraître coupable, étant donné que d’agir ainsi, comme s’il avait fait quelque chose de mal, consistait à lui donner raison. Et il n’avait pas l’intention de lui laisser le plaisir de croire qu’elle avait raison et qu’elle était supérieure à lui simplement parce qu’elle avait le devoir de veiller à ce que les règlements soient respectés et possédait le pouvoir de prendre les mesures nécessaires lorsqu’elles étaient brisées. Un statut ne suffisait guère à l'impressionner.

Chose certaine, Antonia n’avait pas aimé la réponse de Nathaniel. Le fait qu’il avait osé la défier et refusait de lui obéir docilement. Son énervement paraissait dans son expression.

- Ne joue pas sur les mots Nathaniel. Et sort d'ici.

Son ton était cassant, ne laissait aucune place à la plaisanterie. Le jeu était terminé. De toute manière, Nathaniel avait perdu toute envie de jouer. Il avait l’intention d’aller se coucher. C’était probablement la meilleure chose à faire après ce qui venait de se passer.

Le jeune Serpentard avait perçu le dégout dans les yeux de Marion, lorsqu’Antonia était entrée dans la salle. Il se demandait si elle savait ce qui s’était passé entre elle et lui. Si ce sentiment de répugnance qu’elle ressentait en ce moment s’adressait aussi à lui. Mais ce qui s’était passé restait gravé dans le passé, sans qu’il ne puisse rien y faire. Tout comme il ne pouvait rien faire à propos des sales ragots qui couraient sur lui. Des mensonges, voilà ce que c’était. Voilà ce qu’il aurait eu envie de dire haut et fort, s’il avait pu. Il ne se plaignait pas de recevoir un peu d'attention, mais passer pour une espèce de pute aux yeux des gens, ce qu’il n’était pas en plus, c’était franchement chiant. En plus, il n’avait même pas couché avec Antonia. Non pas qu’il ne voulait pas, mais ça ne s'était simplement pas produit.

Son regard glissa de Marion à Antonia. Et c’est là qu’il remarqua la manière particulière qu’Antonia avait de regarder la jeune Serpentard… elle la regardait de haut, de la même manière que l’on regarde un vulgaire insecte. C’est là aussi qu’il réalisa qu’elle l’avait observé de la même façon, lorsqu’il avait osé répliquer.

Nathaniel se passa à nouveau un doigt sur les lèvres, les yeux rivés vers le sol. Resta ainsi durant près d’une minute, emmuré dans son silence.

En cet instant, il était blasé. Des commérages, de l’attitude des filles en général, de tout.

Son regard se posa sur Antonia.

Il parla d’une voix basse, mais suffisamment forte pour que les deux autres filles puissent entendre.

- Existe-il une personne, quelque part, que tu considères comme étant aussi bien que toi? Y a-t-il quelqu’un dans cette école qui soit digne de ton respect, Antonia?

Son ton avait sonné sec, un peu acerbe.

Il avança vers Antonia, jusqu’à ce qu’il soit rendu à quelques centimètres d’elle à peine. Non pas pour la toucher, car il n’en avait pas l’intention, cette fois. Pas après tout le mépris qu’il avait perçu dans son attitude supérieure, celui qu’elle ressentait à son égard, à l’égard de Marion et peut-être, de tous les autres.

Elle n’avait qu’à répondre ce qu’elle voulait, à l’envoyer paitre si ça lui chantait. Il partirait seulement lorsqu’il aurait une réponse.

C’est sur un ton complètement détaché, qui paraissait presque indifférent, qu’elle lui répondit.

- Tu aimerais que je dise oui, et que je te cite en exemple?

Elle faisait exprès. De ne rien laisser paraitre, quelle que soit les circonstances. Ça en devenant irritant à la longue.

- Ça suffit tous les trois. Il ne se passe rien de grave Antonia. Nathaniel était juste venu nous souhaiter une bonne nuit. Il n'est pas entrer dans le dortoir, donc il n'y a pas eu d'infraction. Maintenant, si tu permets, j'aimerais bien aller me coucher.

Alicia en avait marre, tout comme Nathaniel en fait. Cette situation était merdique et visiblement, Antonia se délectait de se retrouver en position de pouvoir face à eux.

Mais malgré l’atmosphère qui s’était gravement alourdit depuis l’entrée d’Antonia dans le dortoir des filles, malgré la colère de Nathaniel, et malgré le fait qu’Antonia était clairement en train de se moquer de lui, il y avait toujours cette attirance qu’il ressentait à son égard. Ça l’agaçait plus qu’autre chose, en ce moment. Pourquoi ne pouvait-il tout simplement rien ressentir, pour une fois? Il aurait aimé être capable de rester impassible. Partir sans se retourner, quitter les lieux comme s’il se fichait de ce qui venait de se passer. Sauf que ce n’était pas le cas.

- C’est quoi ce petit jeu, Antonia? Tu sais très bien que j’aurais tué pour obtenir ne serait-ce qu’une parcelle de ton respect. Pourtant, je ne vois pas pourquoi je ferais des efforts pour l’obtenir. Je doute que quiconque en soit digne.

Il planta son regard dans celui d’Antonia, chercha à y voir un quelconque sentiment humain, une lueur trahissant une quelconque émotion. N’importe quel indice qui lui laisserait croire qu’elle ne se foutait pas royalement de lui. Mais malgré la force de sa volonté, il comprit que jamais elle ne laisserait paraitre quoi que ce soit.

Ses yeux se posèrent sur le sol. Il glissa une main dans ses cheveux, puis reporta son attention sur Antonia. Ouvrit la bouche pour dire quelque chose, mais se tut. Il n’y avait peut-être rien d’autre à faire, en fin de compte.

Nathaniel tourna les talons et s’en alla.