Le sourire d’Arthur retomba très rapidement, aussi vite qu’il était arrivé. L’agacement, lui, n’était pas complètement parti puisqu’il retrouva sa place tout doucement. Critiquer Aliocha n’avait comme conséquence que et seulement que de mettre le lion sur la défensive. Il souffla énervé et se recula sur son tabouret en croisant les bras. Son regard se détourna du serpent pour dériver sur les clients du bar, bien présents physiquement mais pourtant si externes à la situation puisque personne ne se doutait de la tension qui régnait entre les deux amis. Cela n’en donnait pas l’impression mais le bouclé écoutait le serpent. Plus distraitement que si la conversation avait été calme, mais il l’écoutait malgré tout.  Même si le préfet ne s’entendait pas avec Aliocha, Arthur trouvait qu’il en faisait trop. S’il se fiait à ses mots, alors il avait affaire au pire homme du monde, une sorte de démon prêt à tout pour lui faire du mal. Cette description ne correspondait absolument pas à ce que lui connaissait du jeune homme. C’était stupide et à la limite d’être infantilisant. Arthur était assez grand pour faire des choix et prendre des décisions. Ses fréquentations en faisaient partie et il en assumerait les conséquences s’il devait y en avoir des négatives. Ce qui lui paraissait que très peu plausible.  

Arthur avait des limites lui aussi. Il n'était pas fait pour se disputer avec les gens et les rares fois où il se mettait vraiment en colère il devenait blessant. Ce n’était pas lui et tout cela commençait à le fatiguer. La mâchoire contractée, la main tenant sa veste, il attendait que Jude termine sa tirade pour s’en aller. Ironiquement, il serait sûrement parti pour rejoindre sa salle commune, son dortoir et en conséquence, Aliocha. Enfin, ça c’était jusqu’à ce Jude attire de nouveau l’attention du Gryffondor. Le ton avait changé, les mots aussi. Il ne parlait plus de Lio, mais de leur relation amicale. Il fronça légèrement les sourcils et se sentit en seulement quelques secondes coupable. L’agacement avait encore disparu, cette fois pour laisser place à la culpabilité. Il ne savait même pas que c’était possible de se faire larguer en amitié et pourtant, c’était ce que Jude était en train de faire. Et ça faisait aussi mal qu’une rupture amoureuse. Enfin, c'était ce qu’il supposait puisque cette situation n’était jamais arrivée. En fait, les deux n’étaient jamais arrivés. Cela faisait beaucoup de nouveautés pour le jeune homme qui se sentait mal pour son ami.  

Jude était allé trop loin, c’était indiscutable pour Arthur. Mais ce dernier aussi. Si lui avait potentiellement mieux encaissé les choses, le préfet moins puisqu’il ne voyait plus d’intérêt à leur relation amicale. Il était en train de regretter presque tout ce qu’ils s’étaient passés tant la déception du serpent paraissait importante. Insoutenable au point de partir.

— Fais chi*er. Jura le jeune homme en voyant son ami s’échapper.

Arthur termina sa bièraubeurre d’une traite et tenta de se lever le plus rapidement possible. Seulement, comme un idiot et avec précipitation il se prit les pieds dans le tabouret et trébucha. Sa veste et sa casquette tombèrent à terre, lui manqua de peu de s’écraser au sol, mais il réussit à se rattraper au dernier moment avec une table où étaient installés des clients.  

— P*tain d’sa m***...

Le Gryffondor se releva et pressa le pas pour rattraper Jude avant qu’ils ne disparaissent dans la réserve : lui et leur amitié. Il récupérera ses affaires une fois le problème réglé.  

— Jude ! P*tain, sérieux, attends !  

Il lui attrapa le bras pour l’arrêter puis se mit face à lui, devant la porte, pour l’empêcher de continuer. Il le lâcha et passa maladroitement sa main dans ses cheveux, mal à l’aise. Il fallait qu’il réfléchisse et vite. Il avait bougé par instinct mais n’avait aucune idée de comment se faire pardonner. Cela ne lui était jamais arrivé avant. Il n’avait même pas souvenir d’une dispute avec un ami. Arthur tenait énormément à l’amitié en général et donc à celle du Serpentard.

— Ok Jude. On va peut-être pas aller si loin pour ça, si ? Il plissa légèrement les yeux, puis se rattrapa. Enfin, attention je ne dis pas que tout cela n’est pas justifié hein. Je ne décrédibilise absolument pas tes propos, et- Voyant que le serpent commençait à perdre patience, le lion soupira. Bien. Pour répondre à ta toute première question, j’en sais rien ok ? C’est pour ça que je t’ai dit que c’était pas un problème de gentillesse, c’est autre chose tu vois ? Parce que... C’est... Il chercha ses mots. Il voulait vraiment être honnête avec Jude, mais là c’était au-delà de ses compétences. Il mit ses mains dans ses poches, mais restait à l’affût pour empêcher Jude de partir si l’envie lui venait. Bref, si ce que tu dis sur Aliocha est vrai, alors je m’en prendrais qu’à moi-même. Je te laisserais même le droit de me dire le fameux “Tu vois, je t’avais prévenu”. Il rit, mais reprit son sérieux très rapidement. Je suis sincèrement désolé. Pour tout, hein. De t’avoir déçu pendant la soirée et pour maintenant. Je te jure que si ça devait recommencer je demanderais à Lio d’être plus... Tolérant. Arthur se racla la gorge, gêné. T’es mon pote Jude, fin’ je te considère vraiment comme un ami et ça m’embêterait que notre amitié se termine déjà. Ok on a pas le même avis sur Lio, ça arrive de pas être d’accord. Et puis, on a pas spécialement besoin d’avoir des points en commun pour être potes. Perso, j’en ressens pas le besoin. C’est pas parce que Morgana aime les potions et la cuisine et moi non qu’elle peut pas être mon amie. Ou c’est pas parce j’aime pas le lait et Le Deliers si, que ça y est c’est fichu. Il laissa un blanc de quelques secondes. Ok, c’est des exemples nuls, je te l’accorde, mais tu as compris non ? Actuellement, Arthur ne savait absolument pas s’il réussissait à convaincre Jude, même un peu. Tu sais quoi, oublies ces exemples. C’est stupide, parce que je m’en veux et que je sais pas vraiment quoi dire pour m’excuser, mais sache que je ne suis pas ton ennemi et que tu ne m’as absolument pas perdu en tant qu’ami. Je tiens à toi mec, moi aussi je pense que tu es un gars bien.

Arthur recula de quelques pas et se posa contre le mur, comme épuisé par sa tirade. Il soupira et baissa légèrement les yeux, le regard dans le vide. Si après ça Jude lui en voulait toujours, si après ça il voulait quand même en terminer avec leur relation amicale, alors il n’allait rien pouvoir faire de plus. Il avait tout donné, tout ce qu’il pouvait dans la panique actuelle et avait tenté d’être le plus sincère possible avec le préfet. Le bouclé attendait maintenant le verdict. Silencieusement.

Aaaah qu’il était bon de retrouver l’amour du collègue déjanté. L’impression papouillante d’être à la maison, il pourrait se lover dans les magnifiques cheveux de Papybax et y faire la sieste, toute la journée, pendant des jours, et toujours le sourire accroché. D’autant plus que cela semblait rimer avec un petit rendez-vous culinairement romantique, rien ne mieux pour occuper la fin de cette sublime journée. Alors évidemment, Arty crie s’exclame s’enthousiaste d’un mais oui bien sûr ! à faire trembler les cheveux d’une Katerine sous le charme de son interlocuteur. Ça fait bizarre, avant c’était lui le crush de Katerine, à croire qu’elle changeait de proie aussi vite de culotte. Enfin bref, le Fripon avale quelques gorgées de Bièraubeurre, bientôt près à aller s’évader dans les ingrédients et la chaleur de la cuisine, lorsque le tabouret d’à côté remue d’une nouvelle présence.
Immédiatement, c’est une chevelure à rendre jaloux le Wildsmith qui lui accapare les pupilles. Ce genre de boucles naturelles et grandiloquentes, il voulait les mêmes, absolument, maintenant. Les siennes étaient beaucoup moins rebondies et beaucoup moins dociles. Fichtrouille. Sauf qu’il ne pouvait pas passer pour cet homme chelou dont le nez commençait dangereusement à plonger dans les mèches brunes de sa voisine, il se redresse brusquement : Une Bièraubeurre, bière-au-beurre, articuler exagérément comme s’il parlait à un étranger russo-italien-suisse.

Curieux et en haussant les épaules, il se tourne vers Elias, visiblement ils seraient trois pour ce petit rendez-vous. L’Adolescente était décidément accompagnée d’une solitude handicapante, t’as pas d’amis ? qu’il lui demande finalement. Ce n’était pas tellement une question à poser, mais on connaît tous désormais l’absence de tact du Poufsouffle. On peut être tes amis nous. Oui alors, c’est encore pire quand il essaie de se rattraper, parce qu’il paraît encore plus bizarroïdo-étrange, forceur un peu. Mais il ne le voit pas ça, au contraire, il continue, parce que la langue artyesque ne connaît aucune limite, hein oui Papybax on fait des super copains ? Un trentenaire, un vingtenaire et une ado, oui, on aura vu mieux mais pourquoi pas. Enfin, tout cela ne changeait rien, il avait toujours faim, t’as faim ? Il savait que Papybax était d’une sociabilité équivalente à la sienne, mais tout de même, petit mouvement de tête pour un échange de pensées secret. Lui demander en clignant des yeux et en agitant ridiculement les mains en direction de la Bouclée, s’il était d’accord pour que la tristounette demoiselle se joigne à eux. Comme quoi, parfois Arty savait être gentil.

Être amoureux, c'est vraiment le meilleur sentiment au monde. Mais il faut quand même garder à l'esprit que l'amour peut s'avérer très cruel parfois et je sais de quoi je parle. Être le petit ami de Jude change radicalement mon quotidien. Lorsque j'étais seul, je ne faisais pas grand chose de mes journées à part pour me rendre en cours. Je n'ai pas beaucoup d'amis, bien que ce ne soit pas ce qui me dérange le plus, mais ça me donnait un sentiment de solitude très pesant sur le long terme. Maintenant, j'ai une personne à qui penser dès que j'en ai l'occasion et c'est un merveilleux cadeau que l'a vie vient de m'offrir. Ce qui me fascine aussi chez Jude, c'est le fait qu'il soit vraiment amoureux. En tout cas, c'est ce qu'il me laisse comprendre, bien sûr. Je pensais qu'il voudrait peut-être sortir avec une fille plutôt qu'un garçon, surtout en le sachant un peu perdu. Soyons réalistes, même s'il éprouve de l'amour, je sais qu'il a encore des questionnements à son sujet, c'est plutôt évident et normal. Et j'espère l'aider à trouver la bonne voie, même si avec moi, c'est une bataille qui est gagnée d'avance. C'est un peu prétentieux, certes... Mais ça fait parti de mon p'tit charme. Selon l'avis des gens, bien entendu. J'espère faire le maximum de chemin avec lui. Je sens que les choses sont tellement simples, naturelles et évidentes. Rien ne se fait par la force, bien au contraire. La preuve, c'était mal parti pour qu'on soit ensemble et finalement, le destin a décidé de nous réunir tous les deux, qui plus est, à la soirée de la Saint-Valentin. Si c'est pas merveilleux ça. Un léger frisson me parcours alors que je suis envahit par un sentiment de bonheur intense et sans faille.

Je le vois se laisser noyer dans mon regard. S'il y a bien quelque chose que j'adore chez lui, c'est son regard, profond, intense, les étoiles dans les yeux. Le bonheur et l'amour quoi. Je ne sais pas pour lui, mais c'est comme si nous n'étions plus que deux dans le bar. Comme si les autres avaient disparus d'ici sans que nous nous en rendions compte. C'est la première fois depuis quelques années que je n'ai pas ressenti ça. Et lorsqu'on ressent une telle chose, on se dit que c'est la bonne personne. Étrangement, je n'ai aucun doute sur la question et pourtant, d'autres à ma place dans des situations similaires ne seraient pas aussi confiants. Je le vois, il m'adresse un grand sourire, comme s'il avait reçu un cadeau inattendu. Faut dire que j'avais vraiment peur qu'il m'en veuille de venir ici. J'imagine que ça aurait pu être une source de stress pour lui, même si là, techniquement, il n'y a pas lieu que ce soit le cas. C'est presque vide. Il attrape une carte pour réaliser ma commande. Tsss, la gourmandise me perdra un jour. Il est vraiment temps que je fasse attention à ce que je mange, parce que je vais finir par être en mauvaise santé. Et Dieu sait que la vie est trop courte pour ne pas être vécue. Contrairement à certaines personnes, nous avons beaucoup de chances, nous sommes assez privilégiés. Estimons-nous heureux sur ce principe. Puis, mon sourire grandit en voyant une double-dose de crème anglaise. Ce mec est une mine d'or à lui tout seul, un véritable trésor. Mais il est à moi, pas touche, sinon, je mords... Tout en me souhaitant un bon appétit, je lui donne les dix mornilles que me coûtent le dessert. Et il me remercie encore d'être venu.

- J'te remercie, t'es adorable, dis-je avec un clin d’œil. En plus, j'avais grave la dalle, les cours m'ont littéralement épuisé en vrai.

Toujours le sourire dessiné sur mes lèvres, je ne peux pas m'empêcher de l'observer en mangeant. Je pousse un peu l'assiette vers lui s'il a envie de goûter ce dessert si délicieux. Un vrai p'tit chef ce boy. Je le regarde, il semble plutôt pensif. Quelque chose le tracasse ? Veut-il déjà me quitter ? Je m'enflamme un peu vite. Puis, il évoque une chose qui me laisse un peu sans voix. Non pas que je ne souhaite pas l'aider, mais ça me surprend un peu à dire vrai. Il doit me faire vraiment confiance pour me demander de l'aider à retrouver ses parents. Ses mots me touchent de plein fouet. Comme un cupidon envoyant une flèche en plein cœur. Ça fait le même effet pour le coup. Lors de notre première rencontre, je me souviens qu'il m'a dit ne pas avoir de famille. Je pense que ça doit être dur pour lui et j'imagine qu'il a envie de savoir d'où il vient. Et j'suis sûr que ça lui permettra d'avancer dans la vie sans trop se poser de questions. En tout cas, ça en éliminera beaucoup.

- Je me souviens de ce que tu m'as dit dans le Parc quand on s'est rencontré. Et je suis prêt à t'aider, parce que j'ai de réels sentiments pour toi. Même si tu n'avais été qu'un ami, je l'aurai fait, c'est évident. Tu peux compter sur moi, je suis présent quoi qu'il arrive. Et puis, si ça peut t'aider à avancer de ton côté, je n'en serai que plus heureux. Tu mérites vraiment d'être heureux. Contrairement à ce que tu m'as dit, tu es une personne bien et regarde, on est finalement ensemble, dis-je en le taquinant un peu.

Il a l'air d'avoir une très grande confiance en moi et ça me fait extrêmement plaisir. Je passerai jours et nuits à faire des recherches pour lui. Il le mérite. Tout le monde a le droit de connaître son histoire, pourquoi pas lui ? Je vais attendre quelques minutes avant de lui proposer un week-end en amoureux. Pour le moment, j'veux en savoir plus sur sa quête, savoir s'il a des pistes et tout ça. J'suis sûr qu'il va m'en dire plus.

S'élançant vers la réserve des Trois Balais, Jude n'avait trouvé aucune autre alternative hormis celle de mettre fin à son amitié avec Arthur. La déception envahit rapidement son visage, malheureusement les deux ne se comprenaient plus et ne trouvaient aucun point d'entente. Le stagiaire ne pouvait pas nier qu'il était allé trop loin, que son comportement pouvait paraître suspicieux mais finalement, il s'en moquait. Il avait ses raisons et tant qu'elles lui convenaient à lui, cela lui était totalement égal si les autres ne pouvaient pas les comprendre. Il vivait pour lui et non pour les autres. Derrière lui, il entendait de l'agitation. Le tabouret qui grinça au sol, provoquant un bruit sourd insupportable, puis des affaires qui tombèrent lourdement. Arthur employa même un langage vulgaire, qui finalement ne surprenait pas le serpent. Avant d'ouvrir la porte, il fut stoppé dans son élan. Le lion lui attrapa le bras, lui demandant d'attendre d'une manière toute aussi délicate que son geste. Il osa ensuite se placer devant le stagiaire. Jude abaissa le visage, il semblait dégoûté par la tournure des événements. Vraiment, ce n'était pas ce qu'il recherchait. Initialement, il ne désirait qu'une discussion mais celle-ci avait dégénéré à une vitesse folle. Il n'arrivait pas à comprendre comment les deux en étaient arrivés-là.

Arthur commença son long monologue et les mots s'enchainèrent très rapidement. Trop rapidement. Le lion multiplia les erreurs et Jude commençait à perdre patience, n'hésitant pas à soupirer, accompagné d'un visage neutre, toujours baissé. Le bouclé répliqua ensuite, voyant visiblement qu'il était en train d'enfoncer encore plus leur amitié que de l'arranger. Ce qui permit à Jude de comprendre très rapidement que Digler était perdu vis-à-vis d'Aliocha. Pas étonnant. Corbier n'en valait pas la peine en plus. Arthur en rajouta ensuite une couche, s'excusant de tout ce qui avait pu frustrer le serpent. Il lui fit également une leçon de moral sur les avis, spécifiant que ce n'était pas parce que les deux étaient en désaccords sur une personne qu'il fallait agir aussi extrêmement. Le stagiaire en était parfaitement conscient, et finalement le souci ne se trouvait pas là, c'était tout simplement qu'Arthur voyait son avenir au sein d'Aliocha. Mais Jude avait encore les échos en tête des propos de Monsieur Capricieux. Il ne pouvait pas faire semblant, il n'y arrivait pas. Pourtant, il avait eu l'amabilité d'interpréter un Hopkins différent le temps d'une soirée, qui s'était mal terminée pour lui. Alors il cherchait, continuellement, sur ce qu'Arthur trouvait pour considérer Aliocha comme une personne importante, mais il n'y parvenait pas. Selon Jude, ce gosse était un démon vivant. Quelqu'un à expulser le plus rapidement de sa vie — et de ses conflits. Ce qui était le plus surprenant, c'était les exemples cités par le lion. Jude ne pouvait s'empêcher de lancer un petit sourire, amusé, relevant progressivement le visage.

Arthur se rendit compte de lui-même que ses exemples étaient mauvais. Il continua sur le fond de sa pensée, plutôt différente de celle du stagiaire, il ne savait pas comment s'excuser mais considérait encore Jude comme son ami. C'est ce qui déclencha chez le serpent un sentiment de joie. Finalement, le bouclé n'était pas si insensé que ça. Après cette longue prise de parole, il se posa sur un mur et abaissa le visage, tout comme Jude. Celui-ci ne savait pas quoi lui répondre. Il ne fallait pas oublier non plus qu'il était sur son lieu de travail et qu'il se devait d'avoir un comportement exemplaire. Si ce n'était pas le cas, il n'aurait pas cherché si longtemps à lui répondre. Il se serait montré plus émotif.

« Qu'est-ce qu'il n'faut pas faire pour que tu parles enfin ! Écoute, nous sommes sur mon lieu de travail et vu le temps que t'as pris pour me répondre, si j'continue, j'vais me faire taper dessus. Alors, si ça t'dérange pas, on peut remettre cette discussion à plus tard ? Ou pas, finalement. T'as dit ce que tu pensais et moi aussi. On verra bien ce que l'avenir nous réserve. »

Ce n'était pas des simples paroles, bien qu'elles semblaient sincères, qui allait faire changer radicalement d'avis le serpent. Il lui fallait en voir plus. Néanmoins, Arthur semblait avoir bien débuté.


Plutôt surpris par le courage et l'audace dont il avait fait preuve pour raconter ce qui le peinait en ce moment — à croire qu'il avait plus sa place chez les lions que chez les serpents, mauvais choix du Choixpeau, Jude fut impatient de voir la réaction d'Ezequiel. Se dévoiler n'était pas si difficile que ça, finalement. Il suffisait seulement de faire confiance aux autres. Même si, malgré tout, il avait réellement peur de ce que allait penser son petit-ami. Ils venaient seulement d'officialiser qu'ils avaient un intérêt commun l'un pour l'autre et voilà que Hopkins l'embarquait dans de foutues histoires de famille qui ne se basaient sur rien. Il avait très honte. Ezequiel avait toutes les raisons de fuir, de disparaître et de faire comme-ci de rien n'était. De l'oublier, mais en était-il capable ?

Jude songeait aux moments passés ensemble, c'était la première fois qu'il vivait une relation aussi charnelle. Les sentiments étaient indescriptibles tant la passion était forte. Peut-être s'emballait-il trop rapidement, mais finalement, n'était-ce pas la meilleure chose à faire à son âge ? Il avait enfin l'opportunité de croquer dans cette fameuse vie, à pleines dents. Mais le doute n'existait plus lorsque le Poufsouffle se décida enfin de réagir. Il lui avoua être prêt à l'aider mais également que Jude pouvait compter sur lui pour le rendre heureux. Ce qui ne pouvait pas lui faire plaisir. Le serpent avait eu, le temps d'un instant, peur de sa réaction et il commençait à regretter ce qui venait de lui dire. Ces mots ne pouvaient que l'enchanter. Il n'avait pas eu tort de lui accorder autant d'importance dans sa vie, c'était un fait. Il se sentait bien auprès de lui, pour de vrai. Genre, littéralement.

« J'ai toujours cherché seul. Mais faut croire que je n'ai aucun talent dans ce domaine. », petit rire, « Je compte tout reprendre à zéro. Pour commencer, retourner dans l'orphelinat où j'y ai passé toute mon enfance. Et s'ils ne m'aident pas, je me montrerais plus violent. »

Il s'y était déjà rendu auparavant mais étant un enfant, il n'avait aucun moyen pour se rebeller face à eux. Désormais, ce n'était plus le cas et si les mesures devaient être plus violentes, elles le sauront. Jude ne pouvait plus attendre et quiconque se placera sur son chemin vers la raison subira la haine de plusieurs années de recherche sans trouver une quelconque ébauche. Il n'était désormais plus question de perdre du temps à trouver le moyen le plus efficace. Veuillez lancer l'opération « sautons dans le tas ».

Si au début ça avait été compliqué de faire face à un Jude froid comme la glace, Arthur était soulagé en le voyant finalement esquisser un léger sourire. Il remercia silencieusement Morgana et Matt qui ne le sauront absolument jamais puisqu’il ne comptait pas vraiment en parler à quelqu’un. Le lion était étonné de lui-même. Habituellement il n’était pas fait pour discuter de choses sérieuses - c’était d’ailleurs pour ça que la discussion avait dégénéré - mais au final, il s’était bien rattrapé sur la fin. Il n’était pas si nul en matière de réconciliation amicale. Il était content de savoir qu’il n’avait pas perdu un ami, même s’il se doutait que ça risquait d’être encore tendu entre eux pendant plusieurs jours.  

Pour le moment, Arthur jugea bon d’écouter - pour une fois – Jude. Il valait mieux qu’ils en reparlent, ou pas, un autre jour. Il valait mieux le laisser travailler en paix et de toute façon, le bouclé avait terminé sa bièraubeurre. Il n’avait plus de raison de rester ici. Il sourit légèrement à son ami.  

— Ouais ça marche. Il hocha la tête de haut en bas et se racla la gorge. Bon, félicitations du coup. Il haussa les épaules mal à l’aise. Et bon courage hein.

Le jeune homme s’éloigna du serveur avec rapidité et récupéra ses affaires. D’abord sa veste qu’il renfila puis sa casquette qui reprit place sur ses cheveux. Il releva le tabouret qui était tombé et qui n’avait été relevé par personne puis enfin, il quitta le bar, sans un regard vers le préfet, pour rentrer au château. Fatigué par cette soirée il ne lui tardait qu’une seule chose : retrouver son lit douillet.

Il pouvait continuer avec de telles propositions et plans alambiqués comme ça toute la journée. Rencontrer des inconnu.es, les inviter à déjeuner, sans soucis, le cœur du Wildsmith – lorsqu’il était de bonne humeur – était tout à fait débordant de bonhomie. Même s’il devait faire face à des bouches scellées de timidité, contrastant bien fortement avec la sienne qui ne cessait jamais, jamais, au grand jamais de babiller. La petite n’avait pas d’amis, loin d’être une fatalité, le Fripon s’exclame un très bien ! excessivement encourageant. Il l’entend dire qu’elle venait de La Nouvelle-Orléans, c’était où ça ? Pas l’Alaska ? Les États-Unis ? qu’il réfléchit dans sa tête mais si fort que ça déborde. Un pays bien plus rigolo que la Grande-Bretagne – qu’il croit. Et finalement, un roulements imaginaires de tambours jusqu’à la fameuse acceptation de l’invitation. Tu sais, nous non plus on a pas beaucoup d’amis, enfin, il parle surtout pour lui, qu’est-ce qu’il en savait, peut-être que Papybax vivait avec une ribambelle d’enfants perdus (même pas bizarre pour un trentenaire). Ce qui compte c’est d’en avoir deux, trois, quatre, bon allez cinq, mais qui gonflent ton cœur de bien-être tellement qu’il pourrait exploser. Mazette. Qu’est-ce qu’il avait ? C’était le retour aux Trois Balais qui le rendait si zinzin ? On aurait dit qu’il avait sous sa langue une dizaine de graines de kiwicot.

Enfin, toujours est-il qu’il bondit sur ses baskets enthousiastes, à taper, taper sautiller, allez Baxter ! A la cuisine ! Comme s’il était le chevalier au front devant mener la charge face à des ingrédients délicieusement sauvages. Il ne leur manquait plus qu’une petite musique de ginguette pour illustrer à la perfection l’assemblage de ce trio rocambolesquement insolite. Peut-être que bientôt, on écrirait des contes et légendes sur leur drôle d’assemblée. Il prend les épaules de l’Adolescente, tu vas voir, ça va être exquis ! Et en grande quantité aussi, parce qu’il avait gargantuesquement faim. Ne pas oublier la bièreaubeurre et chop-chop, retrouver le chemin qu’il avait emprunté pendant des mois avant de migrer au Ministère – quelle idée.

Comment aurais-je pu refuser d'aider mon petit ami ? Si j'étais à sa place, j'aimerai sans doute la même chose. Je suis déjà en train de chercher des idées pour l'aider. Je me demande pas où il a commencé et comment il s'y est pris pour entamer des recherches à ce sujet. Puis, en pensant à tout ça, le douloureux souvenir de la perte d'un proche refait surface. Une larme est sur le point de couler, mais je dois rester fort. Je ne dois pas me mettre à pleurer comme ça, il ne comprendrait pas la raison. Et puis, je n'aime pas montrer mon côté sensible. Du moins, pas de cette manière. Pour lui cacher mon visage crispé, je continue de manger, tête baissée. Je me sens tellement bien à ses côtés. Et je suis encore sous l'effet de la stupeur due à cette confiance qu'il m'accorde. Je sais que ça peut être compliqué, mais, la communication est relativement fondamentale au sein d'un couple. Je parle comme si on avait déjà cinquante ans de mariage derrière nous, mais c'est pourtant ce que je pense. Et j'espère sincèrement qu'il n'a pas de gêne à me parler de tout ça, surtout quand on sait que ça peut atteindre l'ego. Mon petit ami me sort de mes pensées en me disant que personne ne l'a aidé dans ses recherches. Peut-être suis-je la seule personne à qui il en a parlé. Et je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'avoir un talent dans ce domaine, mais il faut peut être trouver une meilleure méthode. Et être à deux peut grandement aider. Du moins, je l'espère. Retourner à l'orphelinat où il a passé toute son enfance semble une excellente idée. Mais la violence, je ne suis pas trop pour. Ce n'est pas comme ça qu'on règle ses problèmes et j'espère qu'il le comprend avec le petit regard assassin que je viens de lui lancer.

- Hé bien, retourner dans l'orphelinat où tu as passé ton enfance me semble une bonne idée. Mais je préférerai que la violence ne soit pas de mise. Enfin, je ne veux pas te vexer en disant ça, mais je ne veux pas que nous ayons des ennuis. Après, faut qu'on trouve une méthode plus efficace peut-être, parce ce n'est pas je te rassure, ce n'est pas une histoire de talent.

Je le regarde droit dans les yeux et lui adresse un sourire sincère. Je lui prends la main, comme si c'était une chose normale dans un lieu comme celui-ci, surtout qu'il est en plein service. Mais j'ai peur qu'il se fasse réprimander à cause de moi. Si jamais ça arrive, je m'en voudrai pendant longtemps. Je culpabilise toujours dans ce type de situation. Et en y repensant, pour les recherches, si jamais on obtient seulement un nom ou un indice, on pourra peut-être farfouiller dans la bibliothèque. Ou dans la réserve. Je dois dire qu'on pourrait y faire de sacrés trouvailles. Je prends une dernière bouchée de l'assiette devant moi avant de lui proposer un morceau. Peut-être qu'il a faim aussi. Je me suis vraiment régalé avec ce truc. D'ailleurs, il faudra qu'il m'apprenne à faire cette préparation. La cuisine n'étant pas mon point fort, j'aimerai me perfectionner.

- C'était trop bon ce truc, t'es vraiment un amour. Tu termines à quelle heure d'ailleurs ? On pourra peut-être rentrer à Poudlard ensemble tout à l'heure ?

15h15 et Archibald n'avait pas vraiment d'inspiration. Il voulait dessiner mais ne savait pas quoi donc il bloquait. Cela lui arrivait de plus en plus ces derniers temps. Il se dit que changer d'air l'aiderait peut-être. Il finit son café, prit son manteau, ses affaires et la porte. Il se balada dans les couloirs de l'école, en saluant les personnes qu'il croisait. Il arriva au niveau de la Grande Salle et hésita, allait-il entrer? Non, il voulait changer d'air complètement, donc il sortit. Il se dirigea dehors et pris le chemin de Pré-au-lard.

Une fois arrivé au village magique, il flâna dans les rues jusqu'à la porte des Trois Balais. Il entra et posa ses affaires sur une table.

Il se dirigea vers le comptoir où il commanda un cappuccino. Il paya sa boisson et se rendit à la table qu'il avait choisi. Le crayon en main, il commença à gribouiller sur sa feuille en attendant que l'inspiration arrive.

Archibald se met à griffonner, gommer, griffonner, tracer, tourner sa feuille la plier, la déplier. Il en est à son brouillon N°2550 et il n'a rien fait de concret. Ça commence même à l'énerver un peu. Il raye, dessine, reraye. Il décide de s'y prendre différemment. Il commence un croquis mais au lieu de gommer et rayé il décide de ne faire que dessiner. Ainsi, il se met à tracer, entourer, souligner, forcer le trait, gribouiller, il avance à tâton. Au final, il prend sa gomme pour corriger des trucs mais il y a trop de trucs à modifier, il en a marre. Il jette sa gomme sur la table, mais la gomme rebondit et va taper dans la tempe d'un inconnu.

Bon il était repéré. Il ne savait pas vraiment comment expliquer à cet inconnu pourquoi il s'était pris une gomme dans la tempe. Archibald ne savait pas vraiment. Il prit la gomme et regarda le jeune homme d'un air gêné.

- Oui, excusez moi, j'ai lancé ma gomme trop fort contre ma table et elle a rebondi. Ce n'était pas intentionnel, c'est juste que je commençais à m'énerver de ne pas être capable de dessiner quelque chose de potable.

D'un geste de la main, l'enseignant montra la feuille pleine de gribouillis à  l'inconnu. Il se sentait mal d'avoir attaqué une personne, accidentellement mais quand même.

- Pour me faire pardonner, laissez moi vous offrir un verre, ou une tasse.

Sa proposition était sincère, il ne voulait pas se mettre à dos. Encore moins à cause d'une gomme. Il ne savait pas qui était face à lui et en un rien de temps il aurait pu se faire attaquer, ainsi, il préféra la voie de la diplomatie quitte à perdre quelques mornilles dans la manœuvre. Archibald regarda l'homme avec un sourire qui si voulait des plus sincère.