Pendant que les élèves arrivaient progressivement dans la salle de classe et s'arrachaient les tables du premier rang comme des petits pains, Altaïr gardait un visage renfrogné et impassible. De toute évidence, il n'était pas très enchanté à l'idée de rester une heure à écouter le charabia d'un professeur sans aucun camarade sur qui compter pour rendre cette heure moins ennuyeuse. En attendant le professeur, il sortit un parchemin vierge ainsi qu'une plume et se mit à griffonner grossièrement des dessins que des enfants de dix ans auraient mieux maîtrisés. Il savait peut-être se débrouiller lorsqu'il s'agissait de jouer avec les mots et leurs différentes significations, mais il n'en gardait pas moins un piètre niveau en matière d'arts plastiques. Pourtant, cela concentrait suffisamment son attention pour faire passer le temps plus rapidement.

Au bout de quelques minutes passées à coucher sur papier ses pulsions artistiques, il leva le regard de son chef-d'oeuvre et croisa celui de Laurae, sa nouvelle camarade au sein de l'Ordre du Phénix. Il lui rendit son hochement de tête, un vague sourire aux lèvres, puis salua ensuite Eléna qui avait décidé de s'asseoir à ses côtés. Néanmoins, elle semblait beaucoup trop plongée dans sa discussion avec Laurae pour pouvoir faire attention à lui, aussi préféra-t-il retourner à sa besogne. Il n'eut pas le loisir de poursuivre trop longtemps puisque le professeur fit enfin irruption dans la salle de classe, visiblement tendue à l'idée de donner un cours à une si grande assemblée. Il ne pouvait l'en blâmer, lui même ne saurait puiser suffisamment de courage pour calmer sa tension, il préféra donc ranger ses affaires et faire mine de se montrer attentif, histoire de lui épargner des premiers éclats de voix dès son premier cours.

-Bonjour à tous ! Je me présente, mademoiselle Steiner, je serai votre professeur d'Astronomie aussi longtemps que je le pourrais. Je m'excuse de ne pas avoir pu vous accueillir à votre arrivée, j'ai eu... Un contretemps.

Altaïr n'écoutait plus vraiment ce qu'elle disait et se mit à la jauger d'un oeil expert. Comme la plupart des professeurs de cette école, elle était relativement jeune, ce qui ne signifiait pas qu'elle était inexpérimentée pour autant : après tout, ils n'avaient jamais eu à se plaindre de la qualité de travail des anciens professeurs, et si elle avait été choisie par Kholov, c'est qu'elle en avait dans le crâne. Quoiqu'il en soit, elle la laissa leur expliquer la nature du dôme de verre qui leur tenait lieu de plafond, et en levant les yeux le jeune homme se laissa emporter par l'infinité qui s'étendait devant lui et qui pourtant, paradoxalement, se révélait à portée de main.

-Aujourd'hui, nous allons étudier certaines constellations. Tout d'abord, qu'est-ce qu'une constellation ? Quelqu'un aurait-il une définition à me proposer ?

Avant qu'il n'ait eu le temps de détourner le regard des étoiles qui formaient des amas diffus au dessus de lui, plusieurs mains s'étaient déjà levés et les élèves commencèrent à débattre sur la définition la plus adaptée à celle des constellations. Le Serdaigle était bien content de n'avoir rien dit, certaines définitions étaient si complètes, même pour des élèves de première ou deuxième année, qu'il serait passé pour une triple buse s'il avait levé la main.

-Lors de mes cours, ce terme reviendra fréquemment. Pour cette séance, nous allons en étudier certaines. Douze, précisément. Vous avez probablement deviné, je veux bien sûr parler de celle qui incarnent les signes astrologiques. Qui peut m'expliquer ce qu'est un signe astrologique, voir me donner une de leurs significations ?

Arquant un sourcil, Altaïr se mit à songer à une réponse structurée afin de rivaliser avec les autres élèves mais encore une fois plusieurs personnes répondirent à la même question sans qu'il n'eut le temps de trouver sa propre réponse. Il écouta d'une oreille attentive les différentes propositions plutôt intéressantes de ses camarades mais son oeil était toujours attiré par le plafond cosmique qui déployait ses palettes de couleurs au-dessus de lui. Poussant un soupir et s'affalant encore plus dans son fauteuil, il attendit que les élèves eurent fini de débattre pour relever la tête. Que pouvait-il ajouter à tout ce qu'ils venaient de dire ? Pas grand chose à vrai dire, si ce n'est rien. Il leva néanmoins la main d'une manière assurée, et, avec un grand sourire espiègle, il imita les élèves de première année qui s'arrachaient la prise de parole avant de dire le plus naturellement possible :

-J'suis poisson madame.

Un silence accompagna sa remarque, mais il ne se sentait pas honteux pour un sou. Un peu de détente dans ce monde d'intellectuels ne faisait pas de mal. Néanmoins, le fait que cela provenait du préfet de la maison des érudits pouvait faire grincer des dents. Franchement elle n'en avait probablement rien à cirer, et lui non plus d'ailleurs, mais c'était juste histoire de prendre la parole. Sa réponse n'était pas si hors-sujet que ça, mais complètement inutile, et le pire, c'est qu'il en avait conscience. Il voulait juste s'amuser un peu. Était-il en train de retrouver l'esprit chahuteur qui l'avait abandonné pendant quelques semaines ? Si tel était le cas, c'était une bonne nouvelle pour lui, mais sûrement pas pour le professeur.